« Ballerina », petit pas de côté

« Ballerina », petit pas de côté

« Ballerina », petit pas de côté

« Ballerina », petit pas de côté

Au cinéma le 4 juin 2025

Entraînée par l'organisation Ruska Roma pour être une tueuse à gage sans pitié, Eve Macarro décide d'utiliser son apprentissage pour venger la mort de son père. Une quête solitaire et dangereuse qui va lui faire découvrir un passé insoupçonné. Extension de la franchise John Wick, Ballerina surfe sur les bagarres survitaminées qui font le succès de la saga pour tenter d'imposer un nouveau personnage. Si le tournant féminin est plaisant, l'ombre de Keanu Reeve plane littéralement sur ce film d'action qui peine à produire de l'émotion entre des bastons flirtant parfois avec l'excès de confiance.

Recueillie par Winston (Ian McShane) après la mort brutale de son père, la jeune orpheline Eve Macarro (Ana de Armas) est formée par l’organisation obscure Ruska Roma, une école de ballet qui cache un camp d’élite pour assassins. Devenue une tueuse à gage implacable, la redoutable danseuse trouve un indice pouvant la mener sur la piste des assassins de son père.

Contre l’avis de la Directrice de l’école (Anjelica Huston), Eve contacte Winston et se lance dans une traque sanglante. Son périple solitaire vient bousculer un pacte historique de non agression mettant la Ruska Roma en grand danger.

Ballerina © photo Metropolitan FilmExport - Lionsgate

Toujours plus de bagarres

Pour cette histoire parallèle, ce n’est plus Chad Stahelski, producteur, créateur de la franchise et réalisateur des quatre premiers volets de John Wick qui est derrière la caméra. Le cascadeur a laissé sa place à Len Wiseman, réalisateur de Underworld (2003) et de Die Hard 4 : Retour en enfer (2007), pour cet opus qui revient en arrière dans l’univers sanglant de la saga. Ballerina se déroule pendant John Wick: Chapitre 3 – Parabellum (2019) ce qui permet de retrouver Anjelica Huston dans le rôle de la Directrice de la Ruska Roma, Winston, le directeur de l’hôtel new-yorkais Continental réservé aux tueurs à gages et son concierge Charon (Lance Reddick), décédé pendant du tournage de ce nouvel opus.

Mis à part ce nouveau réalisateur, on ne change pas une équipe qui gagne au box office. Au programme de Ballerina, des combats qui se veulent toujours plus spectaculaires où la chorégraphie de la violence reste l’atout majeur de ce jeu de massacre sur fond de vengeance. Comme pour John Wick : Chapitre 4 (2023), la tendance est à la surenchère avec des armes peu conventionnelles maniées par Ana de Armas, vue notamment dans À couteaux tirés (2019), Mourir peut attendre (2021) et Blonde (2022), biopic bancal consacré à Marilyn Monroe.

Star de cet attirail renouvelé et assez ingénieux, le lance-flammes qui, il faut l’avouer, permet de réaliser de « belles images », à condition de faire abstraction que l’on regarde des personnes en train de se consumer vivantes – âmes sensibles s’abstenir. Sur ce point, Ballerina partage les retenues de notre critique sur John Wick : Chapitre 4 publiée lors de sa sortie en salles. Il faut accepter que l’action, malgré le soin apporté aux combats à mort, se déroule dans un monde parallèle où la crédibilité reste fragile devant un spectacle qui se veut toujours plus grandiloquent et sanguinolent – mention spéciale aux corps déchiquetés par des explosions.

Ballerina © photo Metropolitan FilmExport - Lionsgate

Vengeance

Alors que John Wick veut tourner le dos à son passé d’assassin sans y parvenir, c’est bien là toute sa tragédie, Eve plonge à corps perdu dans la violence pour régler ses comptes avec l’organisation qui a tué son père. Cette motivation rend l’histoire de Ballerina plus conventionnelle que la motivation du héros historique de la saga. Une simplicité d’autant plus flagrante que le dernier chapitre de John Wick avait apporté un peu d’eau au moulin de scénarios, bien exécutés, mais qui commençait à tourner un peu en rond.

L’originalité de la vengeance d’Eve est porté par son statut de rebelle qui tourne le dos à la Ruska Roma qui l’a formée. La tueuse s’engage – presque – seule dans un combat qui peut-être perçu comme très égoïste. En suivant ses propres règles, la tueuse à gage brise en effet un pacte entre la Ruska Roma et ceux qui ont tué son père. Une façon d’isoler l’héroïne pour insuffler une part de tension qui reste en-deçà de la légende de John Wick établie au fil de la saga.

Ballerina © photo Metropolitan FilmExport - Lionsgate

Fight like a girl

Sans surprise, Ballerina met l’accent sur le sexe de son héroïne pour tenter de révolutionner une saga et plus largement le style de films d’action qui carbure quasi exclusivement à la testostérone. La spécificité de sa féminité en tant que tueuse est résumée dans une formule de Nogi (Sharon Duncan-Brewster) qui entraîne Eve : il faut se battre comme une fille. Derrière ce slogan, un constat sans appel : elle sera toujours moins forte lors d’un combat contre un homme.

Nogi part de ce constat pour encourager Eve à se battre de façon peu conventionnelle, avec des armes différentes. Et qu’elle n’hésite surtout pas à tricher ! Un propos que l’on pourrait étendre à une réflexion sur le système tout entier. D’ailleurs, Eve défie l’organisation entière par sa quête. Cet enseignement qui promeut la débrouille légitime des patins à glace utilisés comme nunchaku mais aussi des épées, des grenades, un lance-flammes ou encore des casseroles et des poêles transformés en armes redoutables. Une ingéniosité dans le combat qui utilise tout ce qui peut lui tomber sous la main.

Ballerina © photo Metropolitan FilmExport - Lionsgate

En opposition à la facilité des armes où il suffit d’appuyer sur une gâchette, Ballerina plaide pour une utilisation féminine de l’environnement assez plaisante. Mais ce slogan girl power libérateur fait-il pour autant de Ballerina un film féministe ? Homme ou femme, Eve n’hésite pas à abattre froidement ses adversaires, un refus de traiter différemment le « sexe faible » que l’on peut trouver égalitaire. Mais, si le film réussit sans souci le Test de Bechdel, un combat en robe de soirée au début du film vient nuancer l’audace du film. Certes, Eve doit se fondre dans la foule pour sa mission, mais tout de même…

Et c’est au final l’inévitable héros de la saga, John Wick lui-même, qui vient froisser l’étiquette d’indépendance féministe du film. Sa présence assez anecdotique dans le film est pourtant assez bien amenée mais la danseuse tueuse finit par avoir besoin de son soutien. Pour reprendre le commentaire d’un spectateur entendu à la sortie du film : « ça va, l’image de John Wick n’est pas dégradée ». Qui aurait pu comprendre en effet que le véritable héros de la saga n’agisse pas un homme, à savoir défendre la femme ? Même si celle-ci apparaît moins faible que d’habitude, elle est invitée, de façon bienveillante, à rester à sa place.

Ballerina © photo Metropolitan FilmExport - Lionsgate

Secte familiale

En dehors des bagarres incessantes et de l’apparition très attendue de Keanu Reeve à l’écran par les fans de la saga, sur quoi repose au final Ballerina ? Malheureusement pas grand chose, en tout cas pas assez. À l’instar de Wick, le personnage de Daniel Pine incarné par Norman Reedus de la série The Walking Dead (2010-2022) apparaît comme un faire valoir pour l’héroïne, simple écho du combat de la tueuse en mission. Il doit protéger sa fille Ella (Ava Joyce McCarthy) de l’organisation contre qui se bat Eve, renvoyant la tueuse à son propre statut de fille vengeant la mort de son père.

Il y a pourtant des pistes intéressantes dans l’histoire de la danseuse vengeresse. En remontant la piste des secrets sur son passé, elle découvre que l’organisation qui a tué son père est une secte menée par le Chancelier (Gabriel Byrne), implacable chef d’une armée de tueurs fanatisés. Mais cette découverte est plus utilisée pour mettre aux trousses de l’intrépide tueuse une horde de tueurs professionnels – toujours plus ! – que pour explorer son lien avec cette secte aux ramifications familiales.

Ballerina © photo Metropolitan FilmExport - Lionsgate

S’inscrivant sans trop de surprise dans une saga aux cabrioles violentes millimétrées, Ballerina joue la carte d’une violence plus féminine, plus débrouillarde, à défaut d’être pleinement féministe. Un pas de côté séduisant mais qui ne cache pas des occasions ratées de donner un peu de sens à une vengeance expéditive dont le côté expiatoire est soufflé par les explosions toujours plus impressionnantes.

> Ballerina réalisé par Len Wiseman, États-Unis, 2024 (2h04)

Ballerina

Date de sortie
4 juin 2025
Durée
2h04
Réalisé par
Len Wiseman
Avec
Ana de Armas, Anjelica Huston, Gabriel Byrne, Lance Reddick, Norman Reedus, Ian McShane, Keanu Reeves
Pays
États-Unis