En 1952, Bill Rohan (Callum Turner) vient d’avoir 18 ans quand il reçoit une lettre de l’armée l’ordonnant de rejoindre ses rangs pour les deux années à venir dans un camp d’entraînement particulièrement difficile. Aux côtés de Percy Hapgood (Caleb Landry Jones), son compagnon de chambrée, il forme à la dactylographie de jeunes soldats anglais qui partiront en Corée où la guerre bat son plein. Très vite, Bill et Percy se lient d’amitié et décident de braver l’autorité de leurs supérieurs, à commencer par le plus psychorigide d’entre eux, le sergent Bradley (David Thewlis).
Entre deux mauvais tours manigancés contre la hiérarchie, les deux jeunes hommes tenteront également de parfaire leur connaissance de la gente féminine lors de leurs rares autorisations de sortie du camp. Bill fait ainsi la rencontre de la ravissante et envoûtante Ophelia (Tamsin Egerton), une idylle qui va – tout comme son expérience de soldat – prendre une dimension de parcours initiatique pour le jeune homme.
In the army now
Dans cette exploration de ses souvenirs de jeune appelé au sein des troupes anglaises, le réalisateur se fait un malin plaisir à démonter les règles, parfois absurdes, de l’institution militaire. Les jeunes Bill et Percy, aidés par le tireur au flan professionnel Redmond (Pat Shortt), vont ainsi faire tourner en bourrique leurs responsables hiérarchiques en mettant en avant la stupidité des symboles et en attaquant de front le sergent Bradley, obsédé par le règlement.
Patriotisme, royauté ou encore lutte des classes, Queen and Country traite avec subtilité et humour tous ces thèmes à travers des expériences, réjouissantes ou difficiles, mais toujours formatrices. Si le film est plutôt classique dans sa forme, le capital sympathie de ces deux jeunes instructeurs branleurs est indéniable, on se laisse donc porter avec plaisir d’autant que le casting est à la hauteur. Caleb Landry Jones, l’ami impulsif de Bill, livre une prestation particulièrement remarquable.
Tendre regard rétrospectif
John Boorman, réalisateur de Delivrance (1972) et Excalibur (1981), offre ici, à 81 ans, une suite à son film semi autobiographique Hope and Glory (1987) dans lequel le très jeune Bill était exposé aux bombardements allemands à Londres pendant la seconde guerre mondiale. Interrogé sur la raison d’un décalage si grand entre les faits et ce nouveau film, le malicieux cinéaste répond que vu son âge il est à peu près persuadé de ne pas risquer de procès de la part de ses supérieurs de l’époque, probablement plus de ce monde.
Cause réelle ou clin d’œil, le regard que porte John Boorman sur cette période, initiatique à plus d’un titre, a certainement gagné à être porté si tard à l’écran. Si les militaires sont souvent ridiculisés par Bill et Percy, ils sont toujours présentés de façon humaine et sensible, une vision nuancée des anciens adversaires qui s’est certainement forgée au fil du temps.
Porté par un humour très british et émaillé de références cinéphiles – le jeune Bill/John étant déjà à cette époque attiré par le 7ème art –, le film présente également de beaux portraits de femmes libres, en avance sur leur temps, à l’image de Dawn, la tumultueuse grande sœur de Bill.
John Boorman, signe une plongée rafraichissante dans ses souvenirs et livre un film sensible et sincère qui réussit à se maintenir en équilibre entre rires et émotion. Une œuvre drôlement attachante.
> Queen and Country, réalisé par John Boorman, Royaume-Uni, 2014 (1h45)