Alors que les super-héros sont toujours mis à l’écart de la société, Bob alias Mr Indestructible et Hélène alias Elastigirl, sont approchés par Winston et Evelyn Deavor, deux fans des Supers. Frère et sœur, ils sont à la tête d’une puissante entreprise de télécommunication et souhaitent lancer une campagne de grande envergure pour réhabiliter l’image des super-héros auprès du grand public. Au grand désespoir de Bob, c’est Hélène — moins destructrice lors de ses interventions — qui est choisie pour cette mission.
Alors que sa femme se lance sur les traces de l’Hypnotiseur, mystérieux ennemi qui utilise les écrans pour contrôler ses victimes, Bob découvre les corvées quotidiennes et les affres de l’éducation parentale en solo. Une activité d’autant plus éreintante que Jack-Jack, le petit dernier, dévoile des pouvoirs qui partent dans tous les sens.
Une famille super normale
Pas de répit pour les indestructibles ! Le second opus débute là où le premier film s’était arrêté quatorze ans plus tôt : la petite famille est confrontée au Démolisseur prêt à raser la ville. L’occasion pour la famille de Supers, rejoints par leur ami Frozone, de montrer l’étendu de leurs pouvoirs dans une scène d’ouverture épique qui fait énormément de dégâts au grand désespoir de la population.
C’est pour rétablir la bonne image des super-héros que Frozone dans un premier temps puis Bob et Hélène sont approchés par Winston Deavor et sa sœur Evelyn. Et c’est Hélène qui est préférée à Bob pour mener le combat. Si elle mène à bien sa mission, les Supers pourraient enfin être acceptés tels qu’ils sont dans la société après quinze années de mise à distance. Mais pour ça il faut que Bob accepte de rester à la maison !
Cette situation joue sur l’élément clé qui rend cette famille de Supers si attachante — au-delà de la personnalité de chacun de ses membres — : malgré leurs super pouvoirs, les indestructibles sont une famille comme les autres. Leur force surhumaine, la capacité à s’étirer ou encore à disparaître n’empêche pas qu’il faut bien avoir un travail pour payer les factures. Dans l’esprit du génial Brad Bird, scénariste et réalisateur, les super pouvoirs ne sont qu’un contexte et n’empêchent en rien l’identification totale avec au minimum l’un des membres de la famille.
Alors que le premier volet mettait l’accent sur la relation de couple entre Bob et Hélène, cette nouvelle aventure, portée par un élan féministe dans l’air du temps, évoque l’organisation du couple face aux enfants et notamment la capacité d’un père à gérer seul le quotidien familial. En bref : sauver le monde d’accord mais qui va garder les gosses ?
Bien qu’il soit vexé de ne pas avoir été choisi pour la campagne imaginée par Winston et Evelyn Deavor, Bob se sacrifie et décide de rester à la maison. Et malgré l’apparente facilité de la tâche, Mr indestructible va rapidement se retrouver au bout du rouleau. Père élevé à l’ancienne école, il est peu à peu dépassé par les devoirs de maths « nouvelle génération » de son fils Flèche, les histoires de cœur de sa fille adolescente Violette et Jack-Jack qui s’avère un bébé ingérable. Bob découvre en effet avec un mélange de fierté et de stupéfaction que son dernier né possède de nombreux pouvoirs qui apparaissent de façon totalement erratique.
Un secret qui avait été révélé aux spectateurs à la fin du premier film et dans le court métrage Baby-Sitting Jack-Jack (2005) mais que les membres de la famille découvre ici, totalement sidérés. Comme le laissait présager la bande annonce, la révélation de l’étendue des pouvoirs de ce super bébé offre des scènes hilarantes et Jack-Jack est indéniablement pour beaucoup dans la réussite de cette suite, mais pas seulement.
Famille versus société
Les indestructibles 2 met en scène avec malice la collision permanente entre la vie quotidienne incarnée par Bob s’occupant de la vie de famille et Hélène tentant d’attraper le dangereux Hypnotiseur, en alternant parfois les séquences lors de la même scène. Menée tambour battant et avec énormément d’humour, cette suite ne néglige pas le fond en opposant notamment le bonheur de la famille aux lois de la société.
Bob, Hélène et leurs enfants doivent cacher des pouvoirs mal acceptés par la population « normale », une idée que l’on retrouve notamment dans la saga des X-Men. Et leur situation s’aggrave lorsque le gouvernement décide de mettre un terme au programme de protection des super-héros qui leur fournissait une maison et des emplois. Alors que dans le premier film Bob reprenait du service sans le dire à sa femme parce que l’action lui manquait, cette fois-ci le dilemme est tout autre pour Hélène. Son implication est une décision qui est prise par le couple et il s’agit de transgresser la loi actuelle contre les super-héros en espérant la rendre meilleure.
Et pour cela, Hélène doit s’éloigner de sa famille. Peut-on faire une action illégale si on juge une loi injuste ? Doit-on parfois s’éloigner de ceux qu’on aime pour mieux les protéger ? Il est rare qu’un divertissement, d’autant plus un film d’animation, s’aventure sur le chemin de la désobéissance citoyenne. Cette suite manie des concepts qui pourraient aisément se retrouver dans une épreuve du bac de philosophie.
Dans un élan de dégagisme inédit, les citoyens ne veulent plus des Supers, estimant qu’ils causent trop de dégâts et ne sont au final pas rentables. Elastigirl se retrouve confrontée à deux ennemis bien différents : l’Hypnotiseur et — tout aussi insaisissable — une opinion publique hostile. Et pour ajouter au côté assez subversif d’une « mauvaise loi » qu’il faudrait contourner pour le bien de la famille, Les indestructibles 2 se paie également le luxe d’un méchant complexe qui a sa propre logique mais pas forcément inepte.
Comme pour Syndrome, le méchant du premier opus, l’Hypnotiseur a une histoire personnelle qui explique le fait qu’il ait basculé du côté obscur. Mais son profil est intéressant car son discours est également très structuré et assez logique. Son but n’est pas de devenir le plus puissant mais simplement d’anéantir les super-héros car la population a trop tendance à s’appuyer sur eux.
Plus troublant, il alerte également — en détournant la technologie pour contrôler ses victimes — sur le pouvoir et donc le danger des écrans auxquels nous sommes tous soumis. Un méchant qui contrôle les foules pour inciter les citoyens à prendre en main leur destin, une situation délicieusement ambigüe qui ajoute une profondeur intéressante au conflit entre les Supers et la société. Sur le point technique, Pixar continue d’émerveiller en utilisant des technologies nouvelles pour un rendu à l’écran toujours plus bluffant. Si les personnages des indestructibles — à l’époque le premier film signé Pixar avec un casting 100% humain — n’ont pas été imaginés dès le départ pour être totalement réalistes, les progrès réalisés en 14 ans sont évidents.
Même si cette suite débute juste après la fin du premier volet, les physiques de Bob, Hélène, Violette, Flèche et même du bébé Jack-Jack ont subtilement évolué. En se basant sur les dessins d’origine et les maquettes d’argiles sculptées à l’époque par Kent Melton, le design des personnages a été amélioré, notamment leur regard. Les yeux possèdent désormais une lueur qui les rend plus proches des humains, plus vivants à l’écran.
Niveau casting voix, il est conseillé aux puristes de se tourner vers la version originale car, à l’exception de la voix de Flèche — l’enfant qui le doublait a désormais 22 ans, le temps passe si vite… —, toutes les voix d’origine sont présentes y compris Brad Bird qui incarne de nouveau Edna Mode. Pour la version française, le changement qui s’annonce le plus perturbant est la présence de Gérard Lanvin qui incarne Mr indestructible prenant la suite de Mark Alfos, décédé en 2012.
Mélange habile d’action et d’humour, Les indestructibles 2 est une réussite totale dont le seul défaut est de passer trop vite. Il faut espérer que Disney n’attendra pas de nouveau quatorze ans pour mettre en route la suite des aventures de cette famille de Supers , si extraordinaires et pourtant si proches de nous.
> Les indestructibles 2 (Incredibles 2), réalisé par Brad Bird, États-Unis, 2018 (1h58)