Après s’être fait tirer dessus par Winston (Ian McShane), le patron de l’hôtel Continental, John Wick (Keanu Reeves) se remet de ses blessures dans la planque du Bowery King (Laurence Fishburne). Ensemble, ils décident d’en finir et partent en guerre contre la Grande Table. Un défi de taille car l’organisation criminelle tentaculaire a mis un contrat de plusieurs millions de dollars sur la tête de John Wick mettant les assassins du monde entier sur sa piste.

Porte-parole de l’organisation promu nouveau chef, le Marquis (Bill Skarsgård), aristocrate français très ambitieux, devient la cible de John Wick lorsqu’il apprend l’existence d’un moyen pour le faire chuter en utilisant une tradition de la Grande Table. Un combat à mort pour se débarrasser définitivement des menaces qui pèsent contre lui. Mais avant cela, John Wick doit affronter des anciens amis qui se dressent désormais contre lui et met gravement en danger les derniers soutiens qui lui sont encore fidèles.

Tournée mondiale

Pour son quatrième opus, la saga John Wick voit très grand ! Avec pour ambition de surprendre et d’en mettre plein les yeux, ce nouveau chapitre multiplie les scènes d’action et fait voyager son héros maudit à travers la planète. Un bilan carbone conséquent qui débute dans la poussière d’une explosion à New York et déplace John Wick en Jordanie, à Osaka et à Berlin pour finir en apothéose à Paris sur fond d’un duel de western très tendu.

Ce programme chargé étire naturellement le film en longueur. Avec près de 3h, cet opus est le plus long de la saga. Le rythme est cependant maintenu grâce à des scènes de baston plus nombreuses que dans les films précédents qui empêchent tout temps mort. Cette suractivité interdit l’ennui mais l’efficacité du film n’aurait pas forcément été pénalisée en raccourcissant la vengeance prévue par John Wick.

Débarrasser la Table !

Un chapitre sous le signe de la vengeance car, au bout de trois films, l’ancien tueur à gages décide de passer à l’action. Fuir devant la menace que représente la Grande Table en tentant de rester en vie n’est plus une option. Inspiré par le Bowery King qui a lui aussi une revanche à mener contre l’inébranlable institution secrète, John Wick contre-attaque. C’est la bonne idée scénaristique de ce nouveau volet qui vient casser la routine défensive qui s’était installée.

Alors que John Wick subissait jusqu’à présent l’assaut des tueurs de l’organisation et ceux motivés par la prime promise, il cherche cette fois-ci la confrontation avec le nouveau chef de la Grande Table. Un méchant vaniteux et détestable à souhait interprété par Bill Skarsgård, connu notamment pour son incarnation grimaçante de Grippe-sou dans Ça : Chapitre 2 (2019) – lire notre critique. Le choix de cet acteur suédois est un peu étonnant pour incarner le personnage du Marquis à l’arrogance très française. Il est en effet parfois difficile de décrypter les quelques répliques qu’il prononce dans la langue de Molière. Ce détail linguistique mis à part, Bill Skarsgård porte parfaitement le costume trop grand pour lui de chef par intérim de la Grande Table.

Baston générale

Malgré sa résolution de passer à l’attaque, John Wick reste la cible de tous les plus tueurs à gages de la planète, excités par la récompense promise à qui offrira sa tête sur un plateau au Marquis. Une position de proie qui permet les traditionnelles scènes d’affrontement de la saga avec John Wick assailli de toutes parts par des dizaines d’agresseurs. Tout le savoir-faire de l’équipe, à commencer par Chad Stahelski, réalisateur historique de la saga et cascadeur, impressionne dans ces scènes de combat bien particulières.

Pour les amateurs d’une violence chorégraphiée à l’extrême, les corps-à-corps de la saga s’imposent en effet comme un cas d’école des films d’action. Ces scènes survitaminées de castagne sont le principal attrait des déboires de John Wick. Et à sur ce plan, le nouveau film place la barre très haut. À l’instar de la saga Mission : Impossible, toujours plus et toujours plus impressionnant est le crédo de ce chapitre 4.

Complétement fu

Affûté comme jamais, John Wick maîtrise l’art du « gun-fu », style d’affrontement qui mêle les armes à feu, les arts martiaux et le combat rapproché. Ce mélange des genres devenu la marque de fabrique de la saga offre des scènes parfaitement chorégraphiées, quelque part entre la beauté d’une danse parfaitement exécutée et la volonté de neutraliser son adversaire.

Quasiment invincible grâce à un costume et une chemise en Kevlar pare-balles et des réflexes surhumains, John Wick affronte ses très nombreux ennemis sans trop subir les conséquences. Il profite même d’une escapade à proximité de l’Arc de Triomphe pour expérimenter du « car-fu », un combat avec des voitures, dans une séquence particulièrement bien maîtrisée. Dans tout ce chaos, Chad Stahelski s’offre un clin d’œil cinéphile à l’animatrice radio du film The Warriors (1979) dont le rôle sert ici à mettre les meurtriers sur la piste de John Wick.

Toile de fond

Comme souvent, le diable se cache dans les détails. Avec sa démesure John Wick : Chapitre 4 prend le risque calculé de frôler parfois l’excessif. Comme tout film d’action spectaculaire qui se respecte, il est recommandé de déconnecter la partie de son cerveau qui gère la cohérence et la crédibilité. John Wick évolue, par exemple, dans un monde où des fusillades peuvent éclater dans les rues sans qu’aucune force de l’ordre n’intervienne. Dont acte.

Le film de Chad Stahelski paie par moment son ambition de vouloir en mettre plein la vue avec des mises en scène inédites. Malgré une réalisation efficace et des plans très bien construits, l’intention est parfois trahie par ce qui se trame en coulisses. Ainsi un affrontement dantesque dans un club berlinois ne peut se savourer pleinement qu’à condition d’oublier la réaction instinctive que devrait avoir une foule face à une bagarre qui éclate.

Plus la scène se veut impressionnante et esthétique, plus elle paie ce lourd tribu à la cohérence. Car, même pour un blockbuster au budget très confortable, tout n’est pas possible. Malgré sa classe, même John Wick doit faire appel à la technique du fond vert par moment. Un artifice qui tranche avec l’efficacité des scènes les plus abouties. Les séquences les plus « simples » restent les plus efficaces. À ce titre, une douloureuse chute d’escalier spectaculaire marque particulièrement les esprits.

Meurtre amical

Si l’intérêt principal du film réside dans ses trépidantes scènes d’action, John Wick : Chapitre 4 n’a pas à rougir de son scénario. Le passage du statut de victime à agresseur de John Wick vient réveiller l’intérêt pour une chasse à l’homme qui devenait un peu répétitive. Mais ce sursaut naît aussi de la situation délicate dans laquelle l’ancien tueur se retrouve. Pour arriver à ses fins, John Wick va devoir mettre en danger – voire tuer – ses anciens amis.

Excommunié par la Grande Table, John Wick est un danger pour tous ceux qui tentent de l’aider. Les représailles contre toute personne qui lui offre son aide sont le fil rouge du film. Figure maudite, John Wick sait qu’il amène la mort partout où il passe. En sollicitant le peu de soutien qui lui reste, il sait qu’il condamne ses proches à sombrer avec lui. Cette dynamique infernale renforce la dramaturgie qui entoure sa quête impossible.

Et comme si ça ne suffisait pas, le Marquis persuade également Caine (Donnie Yen), meurtrier aveugle expert en arts martiaux, de s’en prendre à son ancien collègue. Celui-ci n’a pas le choix s’il veut que sa fille survive. Une véritable tragédie grecque pour les deux protagonistes obligés de cibler leurs priorités : sauver sa fille pour Caine et retrouver sa liberté pour Wick. Un dilemme sur fond d’amitié qui offre une conclusion tendue à cet opus.

No way out

Saga débridée offrant un spectacle exaltant, les mésaventures de John Wick impose une esthétisation de la violence qui peut interroger si on l’observe avec du recul. Pourquoi un tel engouement pour ce supplice masochiste qui consiste à suivre le pauvre John Wick dans sa quête perdue d’avance ? C’est probablement justement ce désespoir qui fascine tant. Repenti et seul contre tous, John Wick semble condamné quoi qu’il fasse, peu importe le nombre de morts sur sa route.

Si ce nouvel opus fait miroiter une porte de sortie, il est évident que cette fuite en avant perpétuelle n’aura pas de conclusion heureuse. Et cette nouvelle aventure vient renforcer le tragique dilemme de John Wick. Que vaut la liberté qu’il tente de conquérir si son prix la mort de ses proches ? John Wick est un fantôme anéanti par les deuils successifs de sa femme et son chien, il a déjà tout perdu. Pourtant le spectateur continue de se réjouir de ses victoires à la Pyrrhus en sachant pertinemment que le pire reste à venir.

L’autre Reeves

Et si cette fascination pour le personnage tragique de John Wick provenait en grande partie de l’aura de son interprète ? Au-delà de la qualité intrinsèque de la saga qui arrive à capter l’attention avec un 4ème chapitre, l’implication de Keanu Reeves dans le projet depuis dix ans assure sa longévité. Difficile d’imaginer un autre acteur dans la costume blindé de John Wick mais surtout un tel succès pour la saga sans le côté meta apporté par l’acteur.

Acteur culte de la saga Matrix, Keanu Reeves est devenu le « mec le plus cool » de la planète, même s’il ne faut pas lui en parler. De son rôle de Ted qu’il a repris récemment dans Bill et Ted sauvent l’Univers (2020) à la voix de Duke Caboom dans Toy Story 4 (2019) – lire notre critique, l’acteur a gagné une place à part dans la pop culture. Cette aura d’un type simple avec qui on aimerait être pote donne envie de croire que son personnage aura finalement la paix qu’il mérite. Tout en sachant que c’est impossible. Une saga masochiste ? Assurément.

> John Wick : Chapitre 4 (John Wick: Chapter 4), réalisé par Chad Stahelski, États-Unis, 2022 (2h49)