« Sam fait plus rire », l’humour du désespoir

« Sam fait plus rire », l’humour du désespoir

« Sam fait plus rire », l’humour du désespoir

« Sam fait plus rire », l’humour du désespoir

Au cinéma le 30 juillet 2025

Jeune humoriste souffrant de stress post-traumatique, Sam hésite à participer aux recherches de Brooke, une jeune fille disparue dont elle était la nounou. Avec son humour au bord du désespoir, Sam fait plus rire traite du trauma et, plus important, des mécanismes pour s'en relever avec une justesse salutaire. Un drôle de drame sur fond de sororité intergénérationnelle qui rend accessible un sujet complexe sans le prendre à la légère.

Depuis l’agression qu’elle a subie, Sam Cowell (Rachel Sennott), comédienne de stand-up et jeune fille au pair, n’a pas remis les pieds sur une scène. Malgré les encouragements de Paige (Sabrina Jalees) et Philip (Caleb Hearon), ses deux colocataires, la jeune femme n’arrive pas à sortir de la torpeur de son stress post-traumatique. Plus question pour Sam de faire rire alors qu’elle peine à sourire elle-même.

Lorsque s’affiche sur l’écran de télévision le visage de Brooke Renner (Olga Petsa), une jeune fille déclarée disparue dont elle a assuré la garde, Sam ne sait pas si elle doit se lancer à sa recherche. Elle possède une bonne raison d’enfin sortir de chez elle mais cette bonne action c’est aussi le risque d’être rattrapée par le traumatisme qui lui a ôté toute joie de vivre.
Sam fait plus rire © photo Janick Laurent - BTS - IUTBF - Wayna Pitch

Débuts prometteurs

Si Sam fait plus rire est son premier long métrage, la scénariste et réalisatrice canadienne Ally Pankiw a déjà un parcours remarquable. Après des débuts dans la publicité et auprès d’artistes comme Katty Perry, Phoebe Bridgers ou encore Ariana Grande, elle réalise la série Feel Good (2020-2021). Un parallèle s’impose entre  cette série destinée à Netflix et ce premier long métrage car son héroïne Mae est une humoriste qui se bat contre ses anciennes addictions. Ally Pankiw a également réalisé l’épisode Joan Is Awful (2023) de la série d’anticipation Black Mirror (2011-) dans lequel une femme découvre avec stupeur que sa vie est adaptée en série sans son accord avec Salma Hayek comme double fictionnel.

Comme pour la série Feel Good où Mae est incarnée par Mae Martin, l’humoriste qui a co-écrit la série en s’inspirant de sa vie, Sam fait plus rire explore l’humour au féminin avec la volonté d’être pertinent. Actrice et scénariste, Rachel Sennott est également humoriste et a débuté sur scène avec le stand-up. Remarquée dans le séduisant Shiva Baby (2020), l’actrice a depuis joué dans le sympathique thriller décalé Bodies Bodies Bodies (2022) et Bottoms (2023), satire à la limite de la parodie du microcosme d’un lycéen américain vu à travers les yeux de deux amies lesbiennes.

Sam fait plus rire © photo Janick Laurent - BTS - IUTBF - Wayna Pitch

Funny Girl

Avec des débuts sur des scènes de stand-up, Rachel Sennott est indiscutablement dans son élément dans Sam fait plus rire. L’actrice reconnaît qu’à l’instar de son personnage dans le film, elle a du mal avec les personnes qui regardent ses sketchs sur un téléphone en sa présence. En dehors de cette anecdote, la réalisatrice et l’humoriste ont mis un point d’honneur à ne pas trahir l’esprit du stand-up.

L’énergie d’un spectacle sur scène avec public – que ce soit du théâtre ou un concert – est souvent compliquée à capter par la caméra. Pour cette raison, les sketchs de Sam ont été travaillés avec l’actrice humoriste et testés devant un vrai public pour plus de réalisme. Avec une équipe qui connait le sujet, Sam fait plus rire distille des remarques amusantes sur le regard que l’on peut porter sur les humoristes et n’hésite pas pointer du doigt au passage le sort réservé aux femmes dans le milieu.

Sam fait plus rire © photo Janick Laurent - BTS - IUTBF - Wayna Pitch

L’humour du désespoir

Mais, s’il met en scène une humoriste, Sam fait plus rire n’est pas une partie de franche rigolade comme le laisse présager son titre. Rachel Sennott endosse avec brio son premier rôle dramatique qui explore l’utilité salvatrice de l’humour dans la mise à distance des traumas. Et dans le cas de Sam, la mécanique est brisée par l’agression qu’elle a vécue.

Le jeu de mot du titre français peut se lire à double sens – Sam ne fait plus rire son public car elle ne trouve plus de plaisir dans la comédie, elle n’a plus la force de faire rire. I Used to Be Funny, le titre original, renvoie à l’idée d’une perte du mojo de l’humour, comme si le don lui avait été retiré. La réalité est évidemment plus complexe. Les deux titres se complètent et résument bien les deux aspects d’un trauma qui coupe toute envie tout en étant vécu comme une malédiction.

Dans une scène qui résume bien la violence sous-jacente de la situation, une personne émet l’idée que Sam possède désormais un sujet pour faire de nouvelles blagues avec ce qui lui est arrivé. Comme si elle devait forcément utiliser ce trauma comme une « matière » à rire. Une injonction complètement déplacée qui oublie que seule l’artiste également victime peut décider de s’emparer de cette expérience douloureuse pour la transcender et ici en rire. Une étape que Sam est à mille lieues d’envisager au début du film.

Sam fait plus rire © photo Janick Laurent - BTS - IUTBF - Wayna Pitch

Sororité intergénérationnelle

Sam fait plus rire navigue habilement entre humour désespéré et prise en compte d’une véritable souffrance. Cet équilibre entre sujet glauque et un traitement qui implique une mise à distance fait écho avec l’excellente série I May Destroy You (2020) de Michaela Coel. Comme cette série exutoire basée sur le viol subi par son autrice, Sam fait plus rire explore la complexité de la résilience en évitant l’écueil de l’abattement total et d’une réparation passant par la vengeance.

En choisissant une comédienne de stand-up comme victime, Ally Pankiw renforce l’effet dévastateur du crime commis, sapant toute joie de vivre et volonté d’aller de l’avant : de reprendre son activité, comme avant. Le chemin parcouru par Sam est d’autant plus complexe qu’elle porte une culpabilité supplémentaire qui sera révélée au fil du récit. Ce qu’a vécu Sam et le lien qui l’unit à Brooke, la jeune fille qui disparaît au début du film, est dévoilé au fur et à mesure à travers des flashbacks qui permettent de comprendre l’étendu du malaise de l’humoriste.

Peu à peu, l’hésitation de la nounou à partir à la recherche de son ancienne protégée fait sens et se traduit en un propos subtil sur l’héritage des traumas. Alors que Sam et Brooke sont toutes deux victimes du même crime, à des degrés différents, leurs réactions respectives empêchent une sororité que la jeune comédienne va devoir provoquer avec une bonne dose de courage.

Sam fait plus rire © photo Janick Laurent - BTS - IUTBF - Wayna Pitch

Avec son personnage de comédienne de stand-up traumatisée, Sam fait plus rire livre le beau portrait d’une victime qui sort des représentations habituelles et dont la lutte pour faire face à son trauma pose la question de ce que peut signifier « comme avant ». Pour remonter sur scène, le chemin de la résilience est ici sobre et tortueux, illuminé par une solidarité féminine qui ne va pas de soi, ce qui la rend d’autant plus précieuse.

> Sam fait plus rire (I Used to Be Funny), réalisé par Ally Pankiw, Canada – Royaume-Uni, 2023 (1h46)

Sam fait plus rire (I Used to Be Funny)

Date de sortie
30 juillet 2025
Durée
1h46
Réalisé par
Ally Pankiw
Avec
Rachel Sennott, Olga Petsa, Jason Jones, Sabrina Jalees, Caleb Hearon
Pays
Canada - Royaume-Uni