Véritable Peter Pan des temps modernes, Adrien (Vincent Lacoste) n’arrive pas à passer le cap de l’enfance sécurisante. Couvé par une mère psy (Emmanuelle Devos), il vit toujours comme un enfant malgré la trentaine qui le guette. Sans argent, Adrien est expulsé de son appartement et se retrouve contraint de retourner loger chez ses parents. Depuis ce cocon réconfortant, il espère rebondir et se sortir de cette mauvaise passe qui vient logiquement conclure une décennie d’échecs.

Ex enfant-star, Adrien n’a en effet plus connu le succès au cinéma depuis plus de dix ans mais un projet de film sur le général de Gaulle ravive sa motivation. Lorsqu’il est choisi pour enfiler le costume de Charles de Gaulle, Adrien pense que le bout du tunnel se profile à l’horizon. Il se prend même à rêver à une romance avec Léa (Noée Abita), une adorable lycéenne rencontrée lors d’un passage au commissariat. Mais rien ne se passe vraiment comme prévu et derrière la légèreté du jeune homme se cache un profond mal-être prêt à imploser.

The roof is on fire

Pour son premier long métrage, Antoine de Bary explore le thème de ces jeunes adultes qui ne veulent — ou ne peuvent — pas grandir dans le prolongement de son court L’enfance d’un chef (2016) dont il reprend en partie l’intrigue. Choix évident, il a une nouvelle fois confié le rôle principal à son pote Vincent Lacoste. L’acteur révélé dans Les beaux gosses (2009) de Riad Sattouf s’avère magistral de justesse dans l’incarnation de cet ex enfant-star incapable d’assumer les responsabilités d’une vie d’adulte.

Sans surprise, l’apathie et l’insouciance affichée d’Adrien, jeune acteur au point mort dans sa vie, colle parfaitement avec cette nonchalance que Vincent Lacoste sait rendre si naturelle. Mais ce rôle permet également à l’acteur de présenter un jeu plus ambigu qu’à l’habitude où le rire moqueur et le détachement sont aussi des mécanismes de survie.

Pour ne pas perdre la face, Adrien prétexte une invasion de punaises de lit pour rejoindre le douillet nid familial. Hélas, il découvre que ses parents sont en instance de divorce. Son père (Christophe Lambert) a quitté le domicile conjugal — avec lui aussi une excuse : pouvoir travailler au calme — afin de picoler plus que de raison dans son coin.

Tout semble s’effondrer autour du jeune homme, plus déboussolé que jamais face à l’implosion du couple de ses parents. Pourtant, le jeune homme a deux raisons d’espérer. Tout d’abord ce casting réussi — enfin un ! — pour incarner le général De Gaulle. Et la ravissante Léa qu’il espère bien séduire. Mais ses plans se trouvent rapidement compromis par une panne très embarrassante.

Avoir la gaule… ou pas

Après plus de dix années de galère, Adrien a enfin été accepté à un casting ! Et pas n’importe lequel, il passe des tests pour incarner le jeune Charles de Gaulle. L’ex enfant-star oublié des réalisateurs et producteurs y voit une porte de sortie idéale : ce rôle va mettre fin à ses déboires actuels.

Malheureusement, si le visage de l’acteur rappelle effectivement celui du général, Adrien n’a pas la carrure du grand homme. Et d’excellente nouvelle, le projet se révèle une nouvelle épreuve. Le jeune homme se retrouve dans un costume trop grand, pas à sa place. Il doit se rendre à l’évidence : il n’est pas plus général qu’adulte.

Comble de l’ironie, celui qui endosse le costume de l’illustre homme d’État n’arrive plus à avoir… la gaule ! Alors que la ravissante Léa succombe lentement mais sûrement à son charme indolent, Adrien n’est pas certain d’arriver à être au garde à vous quand il faudra assurer. Au-delà du jeu de mot paillard, cette absence d’érection est symptomatique d’un malaise profond chez le jeune apathique.

Le membre désespérément flasque qui prête à sourire cache une angoisse à multi facettes. Cette impuissance est à la fois affective, professionnelle et existentielle. Le ressort comique de cette virilité qui se dérobe est le point de départ d’un basculement étonnant du film vers un registre plus dramatique.

Torpeur de l’avenir

Le glissement du film de l’humour potache et détaché vers une profonde mélancolie s’opère de façon subtile et se retrouve clairement assumé lorsque le jeune homme commet un acte désespéré. Mes jours de gloire bascule alors dans une exploration toujours décalée mais teintée de gravité avec le mal-être du jeune homme en ligne de mire.

Ce nouveau registre peut surprendre mais fait toute l’originalité de cette comédie qui cherche à comprendre les blocages de son personnage, à défaut de seulement en rire. Car derrière l’incapacité à grandir, Adrien cache sous un sourire détaché voire moqueur un véritable malaise : une profonde angoisse de ne pas avoir de projet de vie.

La paresse apparemment assumée d’Adrien prend alors un autre aspect. Comme pour donner raison à Beaumarchais, le jeune homme immature se presse de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer. Et son impuissance sexuelle incongrue pour son âge n’est que le signe inconscient d’une incapacité à assumer cette posture.

Cet étonnant virage dans le film doit beaucoup au talent de Vincent Lacoste qui réussit habilement à donner de la profondeur à sa désinvolture. L’acteur porte sur ses épaules la conclusion douce-amère de cette comédie dramatique qui a la pudeur de cacher sa dépression derrière un rire salvateur.

Comédie drôlement sérieuse, Mes jours de gloire dissimule derrière ses blagues détachées une tendre réflexion sur les mécanismes de la dépression. Porté par la fausse insouciance de Vincent Lacoste, cette exploration clinique de l’adulescence désabusée amuse autant qu’elle attendrit.

> Mes jours de gloire, réalisé par Antoine de Bary, France, 2019 (1h39)