« Loveable », rupture des sentiments croisés

« Loveable », rupture des sentiments croisés

« Loveable », rupture des sentiments croisés

« Loveable », rupture des sentiments croisés

Au cinéma le 18 juin 2025

Leur rencontre est une évidence : Maria et Sigmund sont faits l'un pour l'autre ! Quelques années plus tard, la passion s'est évaporée. Lorsque Sigmund annonce qu'il souhaite divorcer, le monde de Maria s'écroule. Autopsie d'un couple usé par le quotidien, Loveable séduit pour son analyse subtile de la fin d'un amour et touche pour son introspection résiliente post-rupture sur fond d'héritage émotionnel.

Depuis le temps qu’ils se croisent de fête en fête, Maria (Helga Guren) et Sigmund (Oddgeir Thune) finissent par admettre l’évidence : leur destin commun est de finir leur vie ensemble. Débute une passion fusionnelle qui s’étiole au fil des années. Désormais mère de quatre enfants, Maria, 40 ans, peine à jongler entre la vie familiale et une carrière exigeante. Les moments de complicité avec Sigmund, de plus en plus absent pour son travail, se font rare. Lors d’une nouvelle confrontation, il annonce qu’il souhaite divorcer.

Loveable © photo Øystein Mamen - Amarcord - Nordisk Film Production - Jour 2 fête

Sentiments réels

Si Loveable est son premier long-métrage, la cinéaste norvégienne Lilja Ingolfsdottir réalise des films depuis une vingtaine d’années. Des œuvres à dimension analytique où la réalisatrice exorcise les aspects de sa personnalité qu’elle ne comprend pas ou ne sont « pas résolus ». Il y a à coup sûr une part de la cinéaste en Maria qui se rend compte que sa relation avec son second mari est devenue une impasse.

En réalité, le personnage de Maria, mais aussi de Sigmund, sont à la portée de tout spectateur ayant vécu la douloureusement prise de conscience d’une évidence qui s’effrite pour laisser place au doute et aux reproches. Avec son approche empreinte de psychologie – le film débute d’ailleurs avec Maria s’entretenant avec sa psy -, Loveable cherche la « réalité des émotions » selon les mots de la cinéaste. Une formule étonnante tant les émotions sont soumises à une perception intime et forcément faussée de la réalité.

Loveable © photo Øystein Mamen - Amarcord - Nordisk Film Production - Jour 2 fête

Mais c’est justement ce qui fait l’intérêt de la vision de Lilja Ingolfsdottir qui tente de rationaliser pour mieux comprendre comment une relation fusionnelle si évidente peut finir avec pertes et fracas. Loveable débute comme un conte de fée pour mieux faire exploser en plein vol l’irréalité d’une promesse de bonheur absolu et éternel, matière première des histoires pour enfants et autres fantasmes cinématographiques.

Déliquescence sentimentale

En faisant tomber Maria de son piédestal sentimental, Loveable pointe du doigt le piège de la séduction qui pousse, consciemment ou non, à se synchroniser sur les attentes de l’autre et à y répondre en oubliant ses propres besoins. Faire des efforts, des compromis voire se renier pour obtenir l’amour de l’autre… Cette pression est latente chez Maria, elle pense en effet que Sigmund est « trop bien pour elle ». Ainsi débute le malentendu qui finit, quelques années plus tard, par frapper à la porte de la petite famille reconstituée.

Loveable © photo Øystein Mamen - Amarcord - Nordisk Film Production - Jour 2 fête

Au-delà de cette désynchronisation des attentes et des besoins, le relation de Maria et Sigmund est aussi victime de l’inévitable charge mentale qui, avec quatre enfants et un mari absent, devient insupportable pour Maria. Un sujet traité avec une grande équité entre les deux époux. Sans rien cacher de l’inégalité de la charge mentale qui pèse sur Maria, Loveable n’est pas une œuvre à charge contre Sigmund.

Ni victime, ni héroïne du quotidien, Maria essaye juste de faire de son mieux, comme Sigmund au final. Cette prise de distance pour révéler la « réalité des émotions » offre une grande justesse au film. Un regard qui permet au spectateur de se faire son avis sur la situation comme lorsque Sigmund conseille à Maria de « s’occuper de sa colère ». Selon Lilja Ingolfsdottir, certains spectateurs soutiennent Sigmund alors que d’autres sont choqués que ce reproche puisse être fait à Maria considérant sa colère comme légitime.

Loveable © photo Øystein Mamen - Amarcord - Nordisk Film Production - Jour 2 fête

Le début de la fin

Sans surprise, Scènes de la vie conjugale (1974) d’Ingmar Bergman revient beaucoup dans le grand jeu des comparaisons avec d’autres « films sur le couple ». Voyage à deux (1967) de Stanley Donen – lire notre critique – pourrait aussi être cité. Mais Loveable n’est pas qu’une autopsie d’un couple à bout de souffle, il s’agit aussi – surtout – d’une remise en question douloureuse mais nécessaire enfantée par la rupture.

Une fois le constat établi que le couple croule sous le poids de la rencontre de deux traumatismes qui ne peuvent cohabiter, la quête de reconstruction débute véritablement. Que peut faire Maria de cette fameuse colère pour se reconstruire sans l’autre ? À l’instar de Crasse (2023) – lire notre critique -, Loveable interroge le poids d’un passé souvent ignoré dans nos l’état de relations que l’on pense naïvement contrôler.

Loveable © photo Øystein Mamen - Amarcord - Nordisk Film Production - Jour 2 fête

Au-delà de la fin d’un couple, ce qui intéresse et traite magnifiquement la cinéaste est la crise que cela entraîne chez son héroïne. Que faire du désespoir et de cette rage ? Loveable plaide pour une confrontation avec la peine pour atteindre une certaine résilience. Un parcours de la combattante qui doit passer par une confrontation entre Maria et sa mère (Elisabeth Sand), une histoire d’héritage émotionnel sur fond de gestion des ruptures et de toute finitude.

Drame sensible sur la mort des sentiments, Loveable charme pour son approche analytique qui n’épargne pas les protagonistes de cette rupture synonyme de renaissance. Cette volonté de se focaliser sur un renouveau possible rend le film étonnamment lumineux. Une lueur d’espoir qui permet de semer une graine d’amour propre pour s’aimer soi même avant de vouloir être « aimable ».

> Loveable (Elskling) réalisé par Lilja Ingolfsdottir, Norvège, 2024 (1h41)

Loveable (Elskling)

Date de sortie
18 juin 2025
Durée
1h41
Réalisé par
Lilja Ingolfsdottir
Avec
Helga Guren, Oddgeir Thune, Elisabeth Sand, Heidi Gjermundsen Broch, Marte Magnusdotter Solem
Pays
Norvège