Alors qu’ils se rendent en Espagne pour les vacances, Maria (Marina Foïs), son mari Pierre (Louis-Do De Lencquesaing), leur fille Judith et Louise (Valérie Donzelli), une amie du couple, doivent s’arrêter dans une petite ville, près de la frontière espagnole, à cause d’un violent orage. Hébergés en urgence dans un hôtel bondé, les vacanciers doivent attendre une accalmie pour rejoindre Séville. Ne trouvant pas le sommeil, Maria, femme dépressive qui ne croit plus en rien et noie son mal-être dans l’alcool, se retrouve par hasard face à Nabil (Sami Bouajila), un fugitif recherché par la police pour avoir assassiné sa femme et son amant. Fasciné par cette rencontre inattendue, Maria propose au meurtrier mutique de l’aider à s’enfuir vers l’Espagne pour rejoindre le Maroc. L’assassin finit par accepter devant l’assistance de Maria et les deux âmes perdues se lancent dans un road trip aussi dangereux que désespéré.
Librement adapté du roman Dix heures et demie du soir en été de Marguerite Duras, ce premier film très sombre de Fabrice Camoin entraîne le spectateur dans une fuite en avant à l’issue incertaine.
L’amour meurtrier
Lorsqu’elle croise Nabil, Maria est fascinée par l’acte qu’il a commis. Elle fantasme sur ce crime passionnel qu’elle vit comme un élan romanesque, totalement déconnecté de ses conséquences, et souhaite, tout naturellement, aider son auteur. Cette fascination morbide pour l’acte de Nabil peut paraître déplacée mais, dans l’esprit de cette femme qui ne croit plus en rien, l’idée de tuer par amour exerce une attraction irrésistible. Aussi horrible et condamnable qu’il puisse être, le meurtre d’une femme adultère et de son amant apparaît aux yeux de Maria comme une preuve d’amour désespérée, une pulsion exacerbée qui la touche d’autant plus que son propre mariage est en plein effondrement.
Marina Foïs, est convaincante dans ce rôle de femme désespérée, alcoolique mais très lucide sur son propre état, ne manquant pas une occasion de tout tourner en dérision, à commencer par son propre mal-être. Son incarnation de Maria, femme perdue en quête d’émotions fortes qu’elle trouve le plus souvent au fond d’une bouteille, permet d’accepter son empathie envers Nabil et sa volonté de l’aider à sortir de sa situation.
Mais alors que le duo improbable prend la route en direction du sud, il devient de plus en plus évident que Maria cherche avant tout à se fuir elle-même.
Sauvetage imposé
Si Maria est fascinée par le meurtre passionnel de Nabil, il devient vite évident que sa rencontre avec le meurtrier est avant tout pour elle un moyen de fuir sa propre condition. Traqué par la police et une partie des hommes de la petite ville frontalière où il a commis son crime, Nabil hésite entre fuir et se rendre aux autorités quand il croise le chemin de Maria. Horrifié par l’acte qu’il a commis, cet homme mutique rejette l’aide de cette « bourgeoise », lui conseillant d’aller trouver « un autre arabe à sauver »… avant de se laisser convaincre.
Peu à peu, Nabil comprend que le sauvetage dans lequel il s’est laissé entraîner, presque à son insu, n’est motivé que par une volonté égoïste de sa bienfaitrice. Convaincu de l’aspect impardonnable de son acte, Nabil a du mal à envisager une issue heureuse à cette escapade et s’étonne de l’acharnement avec lequel Maria tente de le sauver. La relation complexe et totalement déséquilibrée qui unit Maria à « son » criminel, nourrie de fantasmes et d’un profond désespoir, offre un portrait intéressant d’une femme perdue cherchant son salut dans une fuite en avant malsaine, absorbant la détresse des autres pour se sentir vivante. Une quête qui a peu de chance de déboucher sur une fin heureuse.
Drame psychologique très sombre, Orage séduit par la confrontation électrique de ces deux âmes tourmentées qui n’ont rien en commun, si ce n’est un futur incertain. Un road movie improbable résolument pessimiste et original.
> Orage, réalisé par Fabrice Camoin, France, 2015 (1h23)