Septuagénaire plutôt excentrique, Maria Altmann (Helen Mirren) vit à Los Angeles depuis qu’elle a fui l’Autriche lors de l’arrivée des nazis à la fin des années 30. Avant la guerre, la famille de Maria faisait partie de la communauté juive florissante de Vienne : sa tante Adèle Bloch-Bauer et son époux Ferdinand étaient de riches mécènes qui accueillaient régulièrement chez eux des artistes tels que Gustav Mahler, Arthur Schnitzler ou encore Gustav Klimt.
En 1907, le peintre représente Adèle, son modèle préféré, en reine égyptienne, parée d’or et de bijoux. Ce portrait, saisi par les nazis en 1938, deviendra l’œuvre la plus célèbre de Klimt et un trésor national exposé dans le plus grand musée d’Autriche. Convaincue que la « Joconde autrichienne » doit revenir dans sa famille, Maria engage le jeune avocat Randy Schoenberg (Ryan Reynolds) pour mener une bataille juridique qui semble perdue d’avance.
D’abord sceptique, Randy va se lier d’amitié avec la vieille femme et débuter un combat qui va le rapprocher de sa propre histoire familiale. Le couple improbable se lance alors dans un dédale de procédures judiciaires et ira même jusqu’à intenter un procès au gouvernement autrichien pour que Maria et sa tante Adèle soient enfin réunies.
Deux films – incomplets – pour le prix d’un
En choisissant de traiter le combat judiciaire se déroulant de nos jours tout en montrant en parallèle l’arrivée des nazis en Autriche sous forme de flashbacks, Simon Curtis – réalisateur de My Week with Marilyn – a pris le parti d’un film épique voulant tout montrer, au risque de survoler certains aspects de son sujet.
Le film se divise entre la procédure judiciaire pleine de rebondissements qui s’étale sur des années et les conséquences de l’arrivée des nazis pour Maria et sa famille, jusqu’à sa fuite avec son mari pour les États-Unis. Les scènes se déroulant à la fin des années 30, plutôt réussies, ajoutent une tension au récit mais celle-ci retombe rapidement lors des scènes entre Maria et son avocat, filmées sans grande originalité.
Au final, l’agencement des deux périodes reste très artificiel et l’ensemble s’avère assez bancal. À vouloir traiter dans le même élan la jeunesse tourmentée par la guerre de Maria et son combat pour la restitution du tableau, le réalisateur ne fait qu’effleurer certains aspects de cette histoire pourtant passionnante.
Un point de vue très personnel
La quête de Maria va bien au-delà d’une simple restitution d’un tableau ayant appartenu à sa famille. En cherchant à récupérer la peinture de Klimt, la veille femme souhaite avant tout être réunie avec sa tante décédée en 1925 d’une méningite. Focalisé sur le point de vue, forcément très émotionnel, de Maria, le film fait l’impasse sur le contexte général et rate l’occasion de donner plus d’ampleur à cette histoire.
Le débat dans la population autrichienne sur la nécessité ou non de remettre le tableau à Maria est totalement absent du film et la problématique plus générale de la restitution d’œuvres d’art pillées pendant la guerre n’est évoquée qu’à la marge, au gré des rebondissements judiciaires de l’affaire. Une vision plus globale du conflit opposant la vieille femme aux officiels autrichiens aurait donné plus de souffle à cette lutte audacieuse d’une femme contre un État.
Traitement sans surprise
Le film souffre également – au-delà de sa construction schizophrène, entre tragédie familiale et démêlés juridiques – de personnages qui frôlent parfois la caricature. Ainsi les « méchants » responsables du musée autrichien sont présentés de façon peu flatteuse, quitte à forcer le trait.
D’une façon plus générale, le casting, Helen Mirren en tête, a beau être plutôt solide, les relations entre les personnages donnent l’impression d’appliquer un archétype déjà-vu. Randy, le jeune avocat ambitieux, réticent au départ mais qui finit, rattrapé par sa propre histoire familiale, par épouser la cause de sa cliente est assez symptomatique d’une mécanique si bien huilée qu’elle en devient suspecte.
En phase avec la recette du drame allégé par des pointes d’humour, le récit est ainsi émaillé de petites piques verbales systématiques et souvent artificielles. Malgré ces défauts, le film devrait tout de même tenir en haleine les spectateurs ne connaissant pas cette histoire étonnante.
Œuvre imparfaite dans sa construction et son traitement, La femme au tableau pâtit de sa vision trop personnelle qui empêche le film de s’élever vers un propos plus universel. Le résultat manque d’inspiration mais reste néanmoins touchant, porté par la puissance de cette histoire hors du commun.
> La femme au tableau (Woman in Gold), réalisé par Simon Curtis, États-Unis – Royaume-Uni, 2015 (1h49)