« Tre Piani », un Moretti de bas étage

« Tre Piani », un Moretti de bas étage

« Tre Piani », un Moretti de bas étage

« Tre Piani », un Moretti de bas étage

Au cinéma le 10 novembre 2021

Trois familles vivent dans trois appartements d'une copropriété. Divers événements vont bousculer leur paisible quotidien semant peur et rancœur entre voisins et la confusion au sein de chaque foyer. Malgré des moments touchants, Tre Piani peine à donner un sens à cet enchevêtrement confus des destins. Cet immeuble de trois étages se révèle un dédale bancal dans lequel risquent de se perdre même les plus fidèles adeptes du cinéaste italien.

Un immeuble situé à Rome accueille trois familles, une à chaque étage. Lucio (Riccardo Scamarcio), Sara (Elena Lietti) et leur fille de sept ans, Francesca, habitent au premier étage. Sur le palier, Giovanna (Anna Bonaiuto) et Renato (Paolo Graziosi), un couple de personnes âgées, endossent souvent le rôle de baby-sitter pour la jeune fille. Un soir, Renato disparaît avec l’enfant pendant plusieurs heures. Lorsqu’on les retrouve enfin, Lucio redoute que quelque chose de terrible ne soit arrivé à sa fille. Une peur qui se transforme en obsession.

Au second étage, Monica (Alba Rohrwacher) vient d’accoucher d’une petite fille. Son mari, Giorgio (Adriano Giannini) est un ingénieur souvent en déplacement pour de longs séjours à l’étranger. Monica gère seule l’apprentissage de la maternité et un combat contre la solitude. Elle est terrifiée à l’idée de devenir un jour comme sa mère, hospitalisée pour troubles mentaux.

Dora (Margherita Buy) et Vittorio (Nanni Moretti) sont juges. Ils vivent au dernier étage avec Andrea (Alessandro Sperduti), leur fils de vingt ans. Une nuit, le jeune homme, ivre, renverse et tue une femme dans la rue avant d’encastrer son véhicule dans l’immeuble. Andrea implore ses parents de faire jouer leurs relations pour lui éviter la prison. Mais Vittorio reste ferme, il doit être jugé et condamné pour son acte. Alors que le dialogue est définitivement coupé entre le père et le fils, Vittorio impose un choix impossible à Dora : lui ou son fils.

Tre Piani photo © Alberto Novelli

Fondations externes

Pour la première fois de sa carrière, Nanni Moretti adapte une œuvre qu’il n’a pas écrite. Tre Piani est en effet une adaptation du roman Trois étages de l’auteur israélien Eshkol Nevo. Pour transposer cette histoire qui mêle divers destins sur fonds de relations de voisinage dans un univers qui lui est proche, le cinéaste l’a délocalisée à Rome. Il a également décidé d’aller un peu plus loin que le livre.

Alors que, dans le roman, les histoires de chaque famille s’interrompent au plus fort de la crise, Nanni Moretti a préféré les faire se dérouler jusqu’au bout. Les lecteurs du livre auront droit à un bonus narratif offrant à voir sur grand écran les conséquences des choix faits par les personnages. Mais ces répercussions ajoutées à l’œuvre initiale donnent-elles plus de sens à l’ensemble ? Rien n’est moins sûr.

Les trois étages de l’immeuble romain scrutés par Nanni Moretti sont le théâtre de trois histoires familiales distinctes qui ont été traitées par le cinéaste comme s’il s’agissait à chaque fois d’un film distinct. Puis, dans un second temps, chacune a été entrelacée avec les autres. Une tentative de cohérence qui laisse perplexe tant le film ressemble à un puzzle dont les pièces s’emboitent avec difficulté.

Tre Piani photo © Alberto Novelli

Méli mélo parental

Si le ciment scénaristique qui unit les différentes histoires est fragile, Tre Piani possède pourtant un thème principal qui plane sur les déboires des trois foyers. Toutes sont confrontées au difficile exercice de la parentalité. Ainsi, Lucio redoute de ne pas avoir su protéger sa fille, Monica de voir son rôle de mère dérangé par la maladie mentale et Dora est mise en face d’un dilemme cruel : devoir choisir entre son mari et son fils.

Ces diverses intrigues posent la question de la culpabilité et des conséquences des choix personnels des parents sur l’avenir de leurs enfants. Malgré ce thème qui le traverse, Tre Piani peine à offrir l’image d’une œuvre cohérente. Le film choral se perd peu à peu dans un agencement de scènes déconnectées qui souffrent de ne pas être pleinement exploitées.

Cette thématique des conséquences des actes des adultes sur les futures générations a du mal à s’imposer véritablement et se perd au milieu d’autres sujets évoqués. Ce sentiment d’incomplétude provient certainement du roman d’origine qui s’arrête au plus fort de la crise. Et, lorsqu’une conclusion est envisagée, elle peut laisser perplexe. C’est le cas notamment du dénouement du conflit opposant Lucio à une jeune femme qui l’accuse de l’avoir violée alors qu’elle était mineure.

Tre Piani photo © Alberto Novelli

Nano Moretti

Du sol au plafond, difficile de trouver dans cet immeuble bien terne l’esprit et l’humour habituel du réalisateur de Journal intime (1993) ou encore du touchant Mia madre (2015). Alors que les différentes histoires s’entremêlent laborieusement à l’écran, sauvées par de très rares moments de grâce, impossible de ne pas se demander ce qui a attiré le cinéaste dans le roman original. Quoi qu’il ait trouvé dans l’œuvre originale, il peine à le transmettre à travers sa caméra et n’a su l’intégrer dans son univers.

Ironiquement, Tre Piani risque de décevoir avant tout les aficionados du cinéaste qui devraient avoir du mal à déceler dans cette adaptation ce qui fait habituellement le charme de ses œuvres. Avec cet immeuble bancal, Nanni Moretti prouve qu’il est préférable qu’il ait la responsabilité entière du projet. Vivement son prochain chantier.

> Tre Piani, réalisé par Nanni Moretti, Italie – France, 2021 (1h59)

Tre Piani

Date de sortie
10 novembre 2021
Durée
1h59
Réalisé par
Nanni Moretti
Avec
Margherita Buy, Nanni Moretti, Alessandro Sperduti, Riccardo Scamarcio, Elena Lietti, Alba Rohrwacher, Adriano Giannini
Pays
Italie - France