Dans les Pyrénées, les villageois sont furieux contre un loup qui attaque sauvagement les troupeaux. Teddy (Anthony Bajon), 19 ans, sans diplôme, vit avec Pépin (Ludovic Torrent), son oncle adoptif, et travaille dans un salon de massage. Rebecca (Christine Gautier), sa petite amie, passe bientôt le bac. Ensemble, ils ont des projets plein la tête.
L’été s’annonce radieux. L’avenir aussi. Mais un soir de pleine lune, Teddy est griffé par un animal mystérieux. Les semaines qui suivent, le jeune homme sent son corps changer de manière inquiétante. Crise d’adolescence tardive ou malédiction ?
Gémellité de ciné
Ludovic et Zoran Boukherma sont frères jumeaux. Après avoir tout fait pour se différencier dans leur adolescence, ils ont dû se rendre à l’évidence : au-delà de leur gémellité, ils sont liés par un désir de cinéma commun.
Coréalisateurs avec Hugo Thomas et Marielle Gautier de Willy 1er (2016), film touchant et décalé sur lequel planait un frère jumeau fantôme – lire notre critique -, les deux frères signent avec Teddy leur première réalisation en duo. Pour cette incursion dans le film de genre, les deux réalisateurs fans des adaptations de Stephen King se confrontent au film de genre.
Leur vision du mythe lycanthrope est notamment marquée par une tendresse particulière pour les inadaptés et un regard bienveillant sur la ruralité.
Origine story
Adolescents, Ludovic et Zoran Boukherma n’avaient qu’une envie : fuir au plus vite le Lot-et-Garonne. Ce qu’ils ont fait pour rejoindre Paris, ville capitale pour se faire une place dans ce monde du 7ème art tant convoité. Un départ motivé par l’ambition professionnelle mais pas seulement.
Issus d’un milieu plutôt populaire, les deux cinéastes reconnaissent avoir ressenti à l’époque une certaine honte de classe qui plane au-dessus de leur nouveau film. Comme le loup décimant les troupeaux, Teddy évolue en marge des habitants du village. Sans diplôme, il travaille dans un salon de massage où il subit les assauts clairement abusifs de sa patronne incarnée par Noémie Lvovsky, excellente comme à son habitude.
Ironiquement, les deux frères mettent en scène cette ruralité qu’ils voulaient tellement quitter plus jeunes. La honte des origines s’est muée en un regard bienveillant et certainement un brin nostalgique qui parcourt le film et magnifie une galerie de personnages très attachants.
La distribution a notamment fait appel à des acteurs non professionnels repérés lors de castings sauvages. Ludovic Torrent, coup de cœur des deux réalisateurs pour qui le rôle de l’oncle de Teddy a été réécrit, est un exemple de cette prise de risque offrant des prestations d’un naturel réjouissant à l’écran.
Loup solitaire
Avant même d’être sournoisement attaqué par une bête indéterminée, Teddy n’était pas l’habitant le plus populaire du village. Loin de là. Pris de haut par les autres jeunes et tenu à distance par les villageois, Teddy ne fait partie d’aucun groupe. À se demander si la mystérieuse bête n’a pas attaqué sciemment la brebis galeuse la plus éloignée du troupeau.
S’il n’y avait pas Rebecca à ses côtés, le jeune homme serait bien seul. Mais depuis l’attaque, il sent que l’élue de son cœur prend ses distances. Teddy reprend les codes du mythe du loup-garou mais l’animalité qui s’empare du jeune homme malchanceux interroge. Peu à peu, la frontière entre ce qui oppose l’homme de l’animal devient de plus en plus poreuse.
À l’inverse de la dualité nette du Dr Jekyll et Mister Hyde, Teddy, effrayé dans un premier temps, semble se laisser aller à une acceptation progressive. Le double monstrueux prend le dessus et le loup-garou semble plus qu’une simple malédiction.
Très progressive, la transformation semble alimentée par une accumulation de frustrations. La colère mène lentement mais sûrement à la monstruosité. Dans Teddy, l’aspect social n’est jamais loin. La rage qui prend possession du jeune homme peut être interprétée comme une sorte de radicalisation animale face à ses frustrations.
Loup es tu ?
À l’instar de La Nuée (2020) – lire notre critique -, autre film français osant le film de genre, Teddy ancre fermement les pattes de son loup-garou dans une réalité sociale mais aussi un réalisme visuel. Les signes distinctifs faisant craindre une transformation en lycanthrope sont subtils.
Ludovic et Zoran Boukherma prennent le parti de la discrétion, le film suggère beaucoup plus qu’il n’expose. Teddy joue avec les attentes en retardant l’apparition du loup-garou et le fait avec des effets spéciaux malins qui laissent place à l’imagination.
Un choix qui est évidemment guidé par des questions budgétaires mais pas seulement. En évitant des effets numériques qui risquent de mal vieillir, Teddy joue également sur l’ambiguïté de la transformation. À chacun.e de décider de quelle nature est la monstruosité qui s’empare de Teddy.
Vision originale du mythe du loup-garou, Teddy joue la carte du naturel pour faire planer un propos social sur la monstruosité qui transfigure un jeune dont les plans d’avenir sont anéantis par une bête morsure. Gare au loup, on ne sait jamais d’où il va surgir.
> Teddy, réalisé par Ludovic et Zoran Boukherma, France, 2020 (1h28)