À l’université, Cassie (Carey Mulligan) était promise à un brillant avenir médical… jusqu’à ce qu’un événement tragique ne vienne tout bouleverser. Au grand désespoir de ses parents, Cassie, 30 ans, squatte toujours chez eux et travaille dans un café. Une vie a priori banale.

Mais les apparences sont parfois trompeuses. Dans la pénombre des bars et boîtes de nuit, Cassie mène une double vie. En se faisant passer pour saoule, elle piège les hommes qui tentent de profiter de la situation.

Lorsque Ryan (Bo Burnham) fait son apparition, Cassie se surprend à imaginer une relation amoureuse avec cet ancien camarade d’université. Mais le rapprochement avec Ryan plonge Cassie dans un passé douloureux aux non-dits dévastateurs. Et s’il était temps de crever définitivement l’abcès ?

Chasse à l’homme

Lorsqu’elle était étudiante, son amie Nina s’est suicidée après avoir été violée. Cassie ne s’est jamais remise de ce drame et s’est depuis lancée dans une traque très personnelle. Maquillée et habillée de manière « provocante », elle écume les bars et boîtes de nuit en faisant semblant d’être totalement saoule.

Cette vulnérabilité feinte ne manque jamais d’attirer une âme charitable qui lui propose de la raccompagner. Rarement chez elle. Le rituel de Cassie est bien rodé. Au moment où le preux chevalier tente de profiter de la situation, elle sort de son personnage chétif et donne une bonne leçon au prédateur totalement décontenancé.

Le jour venu, Cassie demeure une éternelle solitaire. Accaparée par cette vendetta très inventive, elle s’interdit toute possibilité de relation affective. Difficile en effet de faire confiance lorsque l’on sert d’appât pour révéler les pires travers de la masculinité toxique.

À charge de revanche

Avec Promising Young Woman, Emerald Fennell — à qui l’on doit la série Killing Eve — signe un premier film qui ne passe pas par quatre chemins pour dénoncer la culture du viol et les dérives du patriarcat. L’actrice que l’on a pu voir notamment dans Vita & Virginia (2018) — lire notre critique — et plus récemment dans la série The Crown dans le rôle de Camilla Parker Bowles va assurément faire grincer des mâchoires entières de masculinistes.

Le pamphlet féministe de la réalisatrice trentenaire s’inscrit dans la tradition des films de vengeance. Il possède toutefois une particularité assez étonnante puisque le flambeau de cette vendetta est transféré post-mortem.

Le plan de Cassie est une façon de venger son amie mais sert aussi probablement d’exutoire à cette culpabilité de ne pas avoir su la protéger.

Le but étant de débusquer les brebis galeuses, Promising Young Woman peut donner l’impression de faire des généralités sur les mauvais comportements masculins. En réalité, si la charge est frontale, elle est plus complexe et subtile qu’il n’y paraît de prime abord.

Bien sous tous rapports

Logiquement, Cassie est isolée par cette traque punitive. Heureusement elle rencontre Ryan ! Est-il là pour rassurer les machos fragiles qui doivent trouver la charge trop virulente et injuste ?

Sympathique, amusant et charmant, Ryan a tout pour plaire. Il pourrait incarner d’une certaine manière le « Not all men ! », slogan qui vient minimiser les ravages de la masculinité toxique comme le « White lives matter » tente de nier le racisme systémique aux États-Unis.

Ryan la perle inespérée ? Ce n’est évidemment pas si simple même s’il représente bien une alternative pour Cassie qui se surprend à accepter une relation. Mais pas question d’abandonner sa mission pour autant !

Deux salles, deux ambiances

Alors que les scènes entre les deux tourtereaux n’ont rien à envier aux comédies romantiques dégoulinantes d’amour insouciant, Cassie continue la tournée des bars et enchaîne les situations sordides.

Promising Young Woman joue habilement sur les deux tableaux, au risque de dérouter le spectateur qui ne sait plus trop quel type de film il est en train de regarder. Le voyage devient magnifiquement schizophrène en faisant miroiter un bonheur auquel on a envie de croire tout en sachant qu’il est incompatible avec la mission de Cassie.

L’excuse de trop

La romance se retrouve menacée par ce passé qui rattrape Cassie. L’occasion est trop belle d’affronter enfin frontalement cette douleur qui a mis sa vie entre parenthèses. Et c’est le point de bascule qui rend Promising Young Woman si intéressant.

En se replongeant dans le passé, Cassie étend sa chasse à tout ceux qui, à l’époque, ont participé au viol sordide de son amie ou l’ont couvert. Et avec les accusations viennent les inévitables excuses.

Il y a évidemment l’excuse de l’immaturité, de l’époque qui était propice au passage sous silence des scandales ou tout simplement une inconscience totale face à la gravité des faits.

Évidemment, aucune n’est recevable. La répétition de ces excuses tout au long du film pour minimiser la gravité des actes et se dédouaner d’un silence coupable serait presque humoristique si elle n’était pas terrifiante. Car ces circonstances atténuantes sont toutes clamées de bonne foi.

Derrière les procédés très directs choisis par Cassie, il y a la mise en avant d’une mécanique d’une efficacité implacable qui banalise le crime et isole la victime. Et ce système concerne tout le monde.

Not all women

Dans son expédition punitive, Cassie compte bien traiter toutes les racines du mal. Car le suicide de son amie est également du au refus de son entourage de la considérer comme victime. Et Cassie est déterminée à faire sortir les têtes du sable.

Elle n’oublie pas les femmes qui savaient mais non rien dit. Élèves ou salariée de l’université, la question du tabou est un rouage important de la mécanique. Avec là aussi des excuses toutes trouvées pour se disculper.

Cette évocation de l’omerta face aux violences sexuelles permet de rappeler que la culture du viol ne concerne pas que les hommes cis hétéros. Avec sa méthode assez radicale, la quête vengeresse de Cassie est une piqûre de rappel : nous sommes tous responsables de la société dans laquelle nous vivons.

Volontairement dérangeant, Promising Young Woman frappe fort et juste en dénonçant une culture masculine dominante protégée par un système d’entre-soi bien rodé. Et son dénouement nous rappelle que le combat ne fait que commencer.

> Promising Young Woman, réalisé par Emerald Fennell, Royaume-Uni – États-Unis, 2020 (1h53)