Prends garde à toi : roman d’émancipation et d’emprise

Prends garde à toi : roman d’émancipation et d’emprise

Prends garde à toi : roman d’émancipation et d’emprise

Prends garde à toi : roman d’émancipation et d’emprise
Rentrée littéraire janvier 2025

25 mai 2025

Prends garde à toi est le second roman de Manon Fantou, avocate pénaliste de métier, après Les Confidentes. Court roman de l’émancipation et de l’emprise, mené à tambour battant et jamais plombé par le pathos, il frappe fort, malgré une langue trop orale.

Court roman de l’émancipation et de l’emprise, mené à tambour battant et jamais plombé par le pathos, Prends garde à toi interpelle.

Marie et la rage de devenir

« Les femmes de ma famille n’ont jamais su choisir leurs mecs ». C’est la réflexion que se fait Marie, 22 ans, en aidant sa mère à installer sa grand-mère en maison de retraite. La langue choisie par Manon Fantou est drue, le paragraphe suivant annonce la couleur :

« Pendant que les vieux matent un DVD de Carmen dans la salle commune, on installe ma grand-mère dans sa chambre avec ma mère et Nina. Une bassine blanche dépasse du matelas, une sorte de moule en plastique en forme de fesses. Je me demande si Mamie l’utilisera bientôt, et ce que ça lui fera que des inconnus lui touchent le sexe. “Sexe”, un mot qu’elle ne prononce pas, qu’elle retient dans sa bouche comme un sac d’aspirateur retient la poussière. Attention à ne pas en mettre partout. “Sexe”. Ou peut-être qu’à son âge elle s’en fout de le montrer et qu’on le lui touche, au point où elle en est. Avec un peu de chance l’idée l’excite même un peu. Si seulement. Je scrute la pièce – un endroit qu’elle va bientôt connaître par cœur, Mamie. Si seulement pour elle. »

Des hommes absents, des femmes consumées dans une vie qu’elles n’ont pas choisie : pour Marie, hors de question de reproduire le schéma familial. À 22 ans, elle se sent libre, invincible. Elle veut profiter de sa jeunesse, assurer son avenir. Prendre la vie à bras le corps. Antoine l’a quittée, elle a le cœur en miettes mais qu’importe, il faut avancer. S’employer à oublier. Sa rentrée en master à Assas tombe à pic : un nouveau monde s’ouvre à elle, plus traditionnel, un brin conservateur. C’est le bal des cols roulés et des pulls noués aux épaules. Elle rencontre Clément, « l’archétype de l’aristocratisme pur jus » : Gauloises vintage, cols roulés ajustés, nez aquilin. Ils n’ont rien en commun, et c’est peut-être ce qui attire Marie.

Aristocratie chic et dérive toxique

Mais les choses ne se passent pas comme prévu. Marie tombe enceinte. Trop tard pour avorter. Clément exulte. Projetée sur l’autoroute de la famille, Marie étouffe en silence. Car Clément qui « n’a pas d’odeur », qui « ne sent que son parfum », n’est pas Antoine, et l’amour ne se commande pas.
Au fil des semaines, le comportement du jeune homme devient de plus en plus détestable. L’enfermement se fait progressif, insidieux. Mais la vie réserve toujours des surprises.

Prends garde à toi est tout sauf une histoire d’amour. Court roman de l’émancipation et de l’emprise, mené à tambour battant et jamais plombé par le pathos, il frappe fort. On regrette cependant une tendance trop marquée à l’oralité : trop souvent, l’écriture donne l’impression d’écrire comme on parle, ce qui nuit à la force évocatrice du texte. Quel dommage que la langue ne soit pas plus travaillée, plus tendue, plus précise. Reste néanmoins un regard acéré sur la violence ordinaire, sur ces pièges qu’on appelle parfois des choix. Ça et là, on relève des pépites de phrases, souvenirs et reviviscence de l’enfance :

« Ma tête est lourde et chaude comme après une sieste d’enfant »
« Dans la voiture, enfant, je faisais semblant de dormir. C’était pour profiter de la chanson toute seule, pour la dorloter dans mon ventre. »

Couverture du livre Prends garde à toi de Manon Fantou

Prends garde à toi de Manon Fantou

128 pages
Date de publication
9 janvier 2025
Éditeur
Mercure de France
Page du livre sur le site de l’éditeur