La pharmacorée de la place Monge

La pharmacorée de la place Monge

La pharmacorée de la place Monge

La pharmacorée de la place Monge

10 mai 2013

Il est une pharmacie, place Monge, qui occupe une place bien particulière dans le coeur des touristes sud-coréens. Ils s'y pressent dès qu'ils se trouvent à Paris. Avec ses shampooings, ses plaquettes de paracétamol et ses sirops, elle n'a rien à envier au Louvre, côté fréquentation sud-coréenne. Comment cette pharmacie de quartier est-elle devenue le passage obligé de tous ces touristes venus de Séoul ?

C’est une drôle de pharmacie que nous avons découverte place Monge dans le Vème arrondissement de Paris. Une grande enseigne lumineuse mange la totalité de l’une des façades. Du Coréen. Une déduction faite après avoir aperçu le drapeau de la Corée du Sud en haut du panneau. 

Photo Dorothée Duchemin

Vers l’entrée de l’échoppe se presse une foule étonnante de cheveux noirs et fins. En effet, quelque 500 à 600 clients quotidiens de cette pharmacie-parapharmacie arrivent de Corée du Sud. Sur les 2.000 clients que voit passer le commerce chaque jour, environ un quart sont des touristes venus d’Asie. Ils prennent d’assaut cette pharmacie, aussi populaire à leurs yeux que les galeries Lafayette et le Printemps ! Plutôt inhabituel pour une pharmacie et ses suppositoires.

Pourquoi donc la pharmacie Monge est-elle devenue un lieu incontournable pour les sud-Coréens en visite en France ? « Voici une dizaine d’années, une journaliste blogueuse coréenne (habituée des lieux , ndlr) a parlé de nous sur son blog. Cela a amené des clients coréens, petit à petit. Au début peu, puis une dizaine, une quizaine dans la journée. Tout de suite, j’ai décidé de salarier une coréenne », explique Alexandre Freyburger, le propriétaire des lieux. L’intérêt ? Pouvoir guider personnellement les Coréens qui se faufilent dans les rayons étroits de cette pharmacie où grouille une clientèle dense chaque jour.

Photo Dorothée Duchemin

Quand aux autres employés, ils apprennent à parler le Coréen. Ils prennent des cours du soir deux heures par semaine. « J’en ai même envoyé deux en voyage linguistique pendant deux semaines ! », se félicite-t-il, ravi des liens étroits qu’entretient aujourd’hui la pharmacie avec le centre culturel franco-coréen. Ici le Coréen résonne sous les luminaires et se lit aussi. Tout est traduit. Et la pharmacie a même réussi à s'immiscer dans les colonnes des guides de voyage. 

Les cadeaux pour la famille

Aujourd’hui, ce sont quatre salariés qui sont destinés à l’accueil de ces touristes venus d’Extrême-Orient. Sevcan, l’une des salariés inscrite au cours de Coréens explique ce qui rend la pharmacie si sexy aux yeux des Coréens. « On les accueille bien. Les Coréens aiment beaucoup les cadeaux, on leur donne plein d’échantillons. Et ça leur permet de faire des cadeaux à leur famille. » C'est aussi pour les cadeaux à la famille, que les baumes à lèvres et crèmes pour les mains rencontrent un grand succès. « Ca ne coute pas cher et ils les offrent à leur retour », commente Alexandre Freyburger.

Photo Dorothée Duchemin

Ici, tout est toujours en promotion. Sur les 15 000 références de la pharmacie, rien est au prix "normal". Les stocks sont achetés en très gros volume et les marges très petites. Des prix bridés, dont bénéficie n’importe quel client. Alors les locaux, parfois fâchés de cette forte présence coréenne, y trouvent aussi leur compte.

La pharmacie star du web sud-coréen

Des prix bas et une population coréenne chouchoutée : la réputation de la Pharmacie Monge n’est plus à faire sur la Toile corénne. À la question « comment avez-vous découvert cette pharmacie ? », la réponse est toujours la même, pour ce couple de jeunes mariés, ce groupe de trois amies et les autres : « Sur Internet ! » Tous viennent pour les prix bas et détaxés pour les étrangers hors de la communauté européenne, et pour l’accueil qu’on leur réserve.

Photo Dorothée Duchemin

Ils pénètrent dans la boutique avec la liste des produits qu’ils veulent acheter, ceux dont les mérites sont vantés sur la Toile. « C’est vraiment la culture coréenne, de suivre ce qui se dit sur Internet. Cette crème concentrée pour les mains, tout le monde l’a achetée parce qu’une personne en a parlé sur Internet ! Ils choisissent sur Internet ce qu’ils veulent acheter, c’est pour ça qu’ils ont tous la même liste. Les prix peuvent être jusqu’à 3 fois moins chers qu’en Corée du Sud », confirme Eunyoung, l’une des salariés coréennes.

Cap sur la Chine

Alexandre Freyburger l’a joué fine, mêmes les guides touristiques participent à la success story. « Cette notoriété a aussi un effet sur les guides touristiques qui nous amènent leurs clients. Ils savent qu’on va gâter les touristes. Ils arrivent par petits groupes. On s’occupe d’eux personnellement. C’est très valorisant pour le client et pour le guide. » Quant au site marchand de la pharmacie, il est exclusivement en coréen et les 2 500 inscrits sont tous Coréens. Vous voulez commander ? Apprenez le coréen !

Photo Dorothée Duchemin

Si le propriétaire de la pharmacie ne veut pas vexer sa voisine Citypharma qui, elle, capte la majorité des clients chinois, les visiteurs Chinois sont toutefois dans sa ligne de mire. Pour preuve, à côté des traductions coréennes, s’étalent aussi des caractères Chinois. Et la grande enseigne lumineuse diffuse également des messages dans cette langue. Alexandre Freyburger fait de l’œil aux touristes Chinois de la rue du Four, c’est certain. Mais, à pas de velours. D’ailleurs un autocollant indique à l’entrée : "China outbound tourism quality service certification".

On quitte la pharmacie alors qu’elle est remplie. Certains clients Français s'impatientent pendant que l'on conseille les touristes, tant pis pour eux. Ici, l’amitié franco-sud coréenne bat son plein. Un dernier coup d’œil à l’enseigne lumineuse. Cette fois, le message est diffusé en portugais sous un drapeau brésilien ! Les salariés doivent-ils se préparer à un séjour linguistique au Brésil ?