« Milla », à la vie, à l’amour

« Milla », à la vie, à l’amour

« Milla », à la vie, à l’amour

« Milla », à la vie, à l’amour

Au cinéma le 28 juillet 2021

Milla, 15 ans, devrait avoir la vie devant elle. Le destin qui en a décidé autrement met sur son chemin Moses, un petit dealer qui ne la laisse pas indifférente. Au grand dam de ses parents qui vont devoir gérer à la fois l'impensable et le premier amour tumultueux de leur fille chérie. Premier long métrage de Shannon Murphy, Milla charme par la grâce de ses interprètes et son ton en équilibre délicat entre rire et larmes. Une tragédie lumineuse où les sentiments défient le néant.

S’il n’y avait pas cette maladie qui la ronge, Milla (Eliza Scanlen) serait une adolescente comme les autres. Lorsqu’elle croise Moses (Toby Wallace), un dealer plus âgé qu’elle, Milla fantasme une romance normale, comme les autres jeunes filles de son âge.

Mais un premier amour n’est jamais simple, d’autant plus lorsqu’il se déroule au bord d’un précipice. Pour Henry (Ben Mendelsohn) et Anna (Essie Davis), ses parents, le coup de cœur de Milla pour ce garçon peu fréquentable est un véritable cauchemar.

Milla - photo © Lisa Tomasetti

De la scène au ciné

Formée au théâtre, Shannon Murphy a réalisé plusieurs épisodes de séries australiennes, notamment Offspring (2016-2017) ainsi que la mini-série On the Ropes (2018). Cette dernière ayant attiré l’attention des productrices Jan Chapman et Alex White.

C’est ainsi que la cinéaste qui a réalisé récemment deux épisodes pour la série Killing Eve (2020) s’est retrouvée dans le bureau de Jan Chapman, productrice notamment de La Leçon de piano (1993). Une rencontre forcément impressionnante.

Pour ce premier long métrage, Shannon Murphy adapte la pièce Babyteeth de la scénariste Rita Kalnejais qui s’est jouée en 2012 à Sydney. Si Milla traite d’un sujet grave, la cinéaste réussit à éviter le pathos grâce notamment à un ton oscillant entre désinvolture et résilience face à l’inévitable.

Milla - photo © Lisa Tomasetti

Survivor

L’aspect lumineux qui se dégage du film de Shannon Murphy tient en partie au caractère combatif de la jeune Milla. Pas question pour la jeune fille de se laisser abattre par cette épée de Damoclès qui flotte au-dessus de sa tête. Difficile d’envisager sa propre mortalité alors qu’on a seulement 15 ans.

Eliza Scanlen, révélée par son rôle dans la série Sharp objects (2018), incarne avec beaucoup de tact cette jeune fille à la soif de vivre décuplée par l’inévitable tragédie qui s’annonce. Au point de tomber amoureuse, acte totalement inconscient vu les circonstances. Et pour compliquer les choses, son choix ne se porte pas sur le gendre idéal, loin de là.

Milla - photo © Lisa Tomasetti

Part en vrille

Plus âgé et délinquant, les parents de Milla ont du mal à valider l’énergumène qui a tapé dans l’œil de leur fille. Moses est la goutte d’eau qui vient faire déborder le vase déjà rempli d’une réalité difficile à avaler. Comme si l’ombre de la mort ne suffisait pas, le jeune homme ajoute une nouvelle menace pour Henry et Anna, parents forcément protecteurs mais totalement impuissants.

Ce souci supplémentaire qui s’ajoute à leur vie donne également le ton du film, entre tragédie et humour. Comme si le drame qui s’annonce n’était pas suffisamment cruel, l’arrivée dans leur vie d’un amoureux suspect ajoute une touche d’absurde et d’humour, forcément noir, à la vie tourmentée de cette famille.

Milla - photo © Lisa Tomasetti

Centré sur le romance entre Milla et Moses, le film de Shannon Murphy offre également une belle leçon de parentalité en plongeant ses parents dans une situation intenable où leur rôle de protecteurs devient celui de trouble-fête. Un rôle d’autant plus insupportable lorsque la fête est prévue pour être de courte durée.

Duo de choc

La malice avec laquelle Milla interroge la responsabilité parentale traverse l’ensemble du film. L’œuvre de la cinéaste est parcourue d’une dualité de tout instant qui lui permet de rester en équilibre sur le fil entre rire et larmes.

L’humour et la douleur sont présents dans chaque scène, évitant que le film ne sombre dans le pathos tout en rappelant constamment les enjeux. Ce jeu de rupture entre le drame et la comédie est présent jusque dans la construction du film.

Milla - photo © Lisa Tomasetti

La cinéaste a veillé à ce que les dialogues ou encore la musique provoquent des coupures allant jusqu’à abolir le quatrième mur de la fiction. Comme son héroïne, Milla n’a pas le temps, ces ruptures de rythme et d’ambiance sont autant de raccourcis pour accéder à la vérité de cette ado en sursis.

Porté par des prestations impeccables, Milla est une œuvre audacieuse qui mêle avec brio tragédie et comédie dans le même souffle de vie. Un périple tendre et touchant qui célèbre la beauté d’un amour aussi désespéré que résilient.

> Milla (Babyteeth), réalisé par Shannon Murphy, Australie, 2019 (1h58)

Milla (Babyteeth)

Date de sortie
28 juillet 2021
Durée
1h58
Réalisé par
Shannon Murphy
Avec
Eliza Scanlen, Toby Wallace, Emily Barclay, Eugene Gilfedder, Essie Davis, Ben Mendelsohn
Pays
Australie