« Le Sommet des Dieux », mythe ascensionnel

« Le Sommet des Dieux », mythe ascensionnel

« Le Sommet des Dieux », mythe ascensionnel

« Le Sommet des Dieux », mythe ascensionnel

Au cinéma le 22 septembre 2021

À Katmandou, le reporter japonais Fukamachi est sur la piste d'un alpiniste disparu depuis des années qui détient un objet pouvant changer à jamais l'histoire de l'alpinisme. Adaptation du manga éponyme, Le Sommet des Dieux est une épopée saisissante d'une beauté et d'une profondeur remarquables. Une ascension de l'Everest pleine de suspens interrogeant avec poésie la fascination risquée de vouloir s'élever toujours plus haut.

En visite à Katmandou pour un reportage photo, le journaliste japonais Fukamachi croit reconnaître Habu Jôji, alpiniste que l’on pensait disparu depuis des années. Pour ajouter au mystère, Habu semble tenir entre ses mains un appareil photo mythique dont le contenu pourrait réécrire l’histoire de l’alpinisme.

Le 8 juin 1924, George Mallory et Andrew Irvine se lancent dans l’ascension de l’Everest. Les corps des deux alpinistes sont retrouvés à quelques centaines de mètres du sommet. Et s’il étaient les premiers hommes à avoir atteint le sommet ? Seul le petit appareil photo Kodak Vest Pocket avec lequel ils devaient se photographier sur le toit du monde pourrait livrer la vérité.

Habu Jôji a-t-il retrouvé cet énigmatique appareil photo ? 70 ans plus tard, Fukamachi se lance sur les traces de l’insaisissable alpiniste pour tenter de résoudre ce mystère. Le photo reporter décide de l’accompagner jusqu’au voyage ultime vers le Sommet des Dieux, cet Everest qui fait tant fantasmer les passionnés assoiffés de conquêtes impossibles. Au risque de tout perdre.

© Le Sommet des Dieux – 2021 / Julianne Films / Folivari / Mélusine Productions / France 3 Cinéma / AuRA Cinéma

Inception d’adaptation

Histoire passionnante, Le Sommet des Dieux connaît avec le film d’animation de Patrick Imbert – co-réalisateur du réjouissant Le grand méchant renard et autres contes (lire notre critique) – sa seconde adaptation. Entre 1994 et 1997, ce récit addictif prend vie sous la plume de l’écrivain japonais Baku Yumemakura qui le publie sous forme de feuilleton.

Jamais traduit en dehors du Japon, cette aventure au sommet marque les esprits dans son pays d’origine. Particulièrement inspiré par l’œuvre, le mangaka Jirō Taniguchi décide de l’adapter en manga. Avec la complicité de Yumemakura, il se lance dans une adaptation fleuve.

© Le Sommet des Dieux – 2021 / Julianne Films / Folivari / Mélusine Productions / France 3 Cinéma / AuRA Cinéma

Entre 2000 et 2003, 5 tomes publiés par les éditions Shueisha au Japon sont nécessaires pour raconter la quête de Fukamachi. En France, le manga sort aux éditions Kana et se vend à 380 000 exemplaires.

Le projet d’adaptation du manga en film d’animation débute dès 2012. Le scénario lui-même nécessitera 4 ans de travail pour condenser les 1500 pages du manga dont les intrigues secondaires sont écartées. En 2019, le scénario et des dessins préparatoires ont pu être montrés à Jirō Taniguchi qui a approuvé le projet peu avant sa mort.

© Le Sommet des Dieux – 2021 / Julianne Films / Folivari / Mélusine Productions / France 3 Cinéma / AuRA Cinéma

Mise en abyme

Pour cette adaptation cinématographique, Patrick Imbert a conservé le cœur du récit : la quête du journaliste Fukamachi qui espère percer le mystère des premiers hommes à avoir atteint le sommet de l’Everest en suivant Habu Jôji, lui-même un mystérieux fantôme. Mais le récit n’est pas linéaire pour autant.

Très soigné, le scénario conserve l’idée de l’œuvre originale qui entremêle le passé et le présent. Alors que l’enquête du photographe avance, le passé dramatique de Habu se dévoile à travers des flashbacks. Patrick Imbert évoque notamment comme inspiration l’animé Souvenirs, goutte à goutte (1991) du maître Isao Takahata pour sa structure narrative.

Au mystère entourant l’expédition de Mallory et Irvine s’ajoute l’obsession de Habu de gravir à son tour l’Everest. Réussir là où d’autres ont échoué, en passant par des chemins impossibles, dans des conditions extrêmes. Alors que le passé de l’alpiniste se dévoile peu à peu, le récit prend une épaisseur psychologique et un aspect à la fois tragique et poétique qui dépasse le simple exploit sportif.

© Le Sommet des Dieux – 2021 / Julianne Films / Folivari / Mélusine Productions / France 3 Cinéma / AuRA Cinéma

Everest in peace

Sommet mythique, l’Everest continue de faire rêver les alpinistes du monde entier mais pas seulement. En 1953, Edmund Hillary et Tensing Norgay sont les premiers à gravir les 8 848 m du toit du monde.

Depuis, 5 800 alpinistes ont suivi leur exemple mais 300 candidats malheureux y ont trouvé la mort. Les abords du tracé vers le sommet sont hantés par leur fantômes.

Parmi ces fantômes, celui de Mallory. En 1924, cet alpiniste britannique âgé de 37 ans est resté célèbre pour avoir péri, avec son partenaire Andrew Irvine, près du sommet. Leurs corps ont été retrouvés à 8 390 m d’altitude.

© Le Sommet des Dieux – 2021 / Julianne Films / Folivari / Mélusine Productions / France 3 Cinéma / AuRA Cinéma

Et si les deux hommes étaient en train de descendre du sommet lorsqu’ils ont perdu le combat contre la célèbre montagne ? Ont-ils été les premiers à la conquérir près de trente ans avant ce qu’à retenu l’histoire ?

L’hypothèse qui excite Fukamachi est séduisante. La révélation posthume de leur exploit à travers une hypothétique photo qui dort depuis tout ce temps dans l’appareil récupéré par Habu est éminemment poétique.

© Le Sommet des Dieux – 2021 / Julianne Films / Folivari / Mélusine Productions / France 3 Cinéma / AuRA Cinéma

Avalanche sonore

L’adaptation de Patrick Imbert a su se détacher des visuels du manga d’origine pour trouver sa propre identité graphique, entre réalisme et abstraction lors de moments plus oniriques. L’équipe s’est entourée de véritables alpinistes pour rendre crédibles le moindre mouvement ce qui rend certaines scènes extrêmes particulièrement saisissantes.

Le Sommet des Dieux se vit comme un film d’action très réussi avec une attention particulière apportée au travail du son qui donne vie à ces paysages magnifiques où la moindre erreur est fatale. Au-delà de l’exploit, la quête du journaliste pointe une question métaphysique et vertigineuse à la hauteur du mythe de l’Everest.

© Le Sommet des Dieux – 2021 / Julianne Films / Folivari / Mélusine Productions / France 3 Cinéma / AuRA Cinéma

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Pourquoi prendre tant de risques ? Alors qu’un journaliste du New York Times demandait à Mallory pourquoi il s’entêtait à vouloir gravir l’Everest, l’alpiniste avait répondu « parce qu’il est là ».

Mystérieuse, la réponse peut paraître une simple boutade mais résume parfaitement l’état d’esprit partagé par Fukamachi et Habu. Les deux hommes sont liés par le même type d’obsession : découvrir la vérité pour l’un, se surpasser pour l’autre. Et ils sont prêts à mourir pour cela.

Ascension captivante, Le Sommet des Dieux est porté par un scénario particulièrement efficace qui lève le voile sur cette pulsion insensée qui pousse à vouloir atteindre des sommets. Bien au-delà de la pratique de l’alpinisme, ce périple s’élève vers un questionnement quasi mystique qui tend vers l’universel. Un pinacle glacé chaudement recommandé.

> Le sommet des Dieux, réalisé par Patrick Imbert, France – Luxembourg, 2021 (1h30)

Le sommet des Dieux

Date de sortie
22 septembre 2021
Durée
1h30
Réalisé par
Patrick Imbert
Avec
Lazare Herson-Macarel, Eric Herson-Macarel, François Dunoyer
Pays
France - Luxembourg