Gaspar Borchardt est luthier à Crémone, ville d’Italie qui a vu naître les plus beaux violons jamais réalisés. Depuis des années, il est obsédé par l’idée de fabriquer un violon exceptionnel. Pour créer un instrument pouvant se hisser au niveau d’un Stradivarius, Gaspar part en quête du bois ultime, issu d’un érable multicentenaire devenu quasiment introuvable.

Pour trouver la perle rare, Gaspar fait le voyage jusqu’aux forêts d’Europe centrale, dans des zones encore couvertes de mines antipersonnel. Un périple guidé par des personnages aussi intrigants qu’inquiétants. S’il parvient à acquérir le précieux bois, Gaspar a déjà décidé qui posera ses doigts experts sur l’instrument : Janine Jansen, une célèbre violoniste néerlandaise.

Conte de faire

En 2018, le luthier français Nicolas Bonet remporte le grand Prix du concours international de lutherie de Crémone qui se tient tous les trois ans. Dans sa propre ville, la récompense passe sous le nez de Gaspar Borchardt. Pour le luthier, la déception est amère et vient renforcer son obsession : créer un violon d’une qualité exceptionnelle.

Pour Gaspar, cette quête devient un objectif absolu. Plus qu’une question d’égo, la confection d’un tel instrument est l’accomplissement d’une vie à sculpter le bois pour en extraire les plus beaux violons. La symphonie des arbres est un magnifique hommage à ce métier de luthier et à la passion qui anime Gaspar, prêt à un périple étonnant pour trouver le bois parfait.

Quête mélodieuse

Pour raconter cette étonnante quête du violon parfait qu’il qualifie de véritable conte de fées, le réalisateur Hans Lukas Hansen a suivi Gaspar Borchardt pendant six longues années. Une période oscillant entre espoirs et déceptions alors que la quête traverse des hauts et des bas.

La symphonie des arbres est porté par cette urgence de créer avant qu’il ne soit trop tard un instrument de légende comme on n’en fait plus depuis plusieurs centaines d’années. Très attachant, Gaspar confère à cette démarche un supplément d’âme très touchant.

Stradivarius Park

Les violons fabriqués il y a plusieurs siècles comme les Stradivarius figurent en haut de la liste des objets les plus chers créés par des hommes. Instruments fascinants, certains peuvent se vendre à plus de 10 millions. C’est cette perfection que souhaite atteindre Gaspar avec son projet fou de faire revivre ces violons légendaires.

À l’instar de John Hammond et son parc à dinosaures, le luthier a pour ambition de faire revivre un mythe a priori impossible à reproduire. Après avoir voué sa vie à étudier les mystères et énigmes de Stradivari et Guarneri, Gaspar pense savoir comment égaler leur génie. Mais est-ce vraiment possible ?

Auprès de mon arbre

Une question obsédante demeure : pourquoi personne n’a réussi à fabriquer des violons aussi précieux en 300 ans ? Pour Gaspar, la réponse est toute trouvée : le bois dans lequel sont réalisés ces violons est la clé de leur excellence.

Cette matière première légendaire est l’érable moiré bosniaque dont sont issus les violons de Stradivari. Un bois aussi beau qu’il sonne juste. Mais la présence de spécimens nécessaires à la confection de ces violons est devenue rarissime dans les forêts où ils ont toujours proliféré. Pour réaliser son rêve, Gaspar part sur les traces d’une véritable licorne.

Mélodie en sous bois

Et que de rebondissements ! Au cours de sa quête, Gaspar quitte l’Italie pour se rendre dans des forêts d’Europe centrale dont le sol n’a jamais été totalement déminé depuis la guerre. Autre danger, des tractations avec des intermédiaires douteux parfois douteux et des explorations flirtant avec la légalité.

La rareté de l’arbre recherché donne au documentaire un souffle épique. L’écriture adoptée par le cinéaste font de cette quête une véritable chasse aux trésors avec des rebondissements dignes d’une fiction. Mais au-delà du suspense sur la découverte ou non du bois majestueux, il se dégage de cette aventure une véritable poésie.

Poésie sonore

Le bois et la façon de le sculpter sont une chose mais Gaspar est persuadé que pour fabriquer un violon d’exception il faut avoir en tête son futur propriétaire. Ainsi, le luthier propose à Janine Jansen, célèbre violoniste néerlandaise, de lui confier son précieux violon si celui-ci voit le jour.

Cette conviction que l’instrument doit être créé pour une personne en particulier ajoute une note de poésie à ce périple incongru. Une croyance qui entre en résonance avec le sacrifice du luthier qui doit abandonner son instrument une fois réalisé pour que d’autres mains lui donnent vie. Une philosophie qui met en avant la générosité d’un métier fascinant.

Quête d’un arbre mythique pour fabriquer un violon légendaire, La symphonie des arbres rend un hommage vibrant à la musique et la nature. Une aventure hors du commun portée par la passion quasi mystique d’un homme pour son métier qui touche inévitablement une corde sensible.

> La symphonie des arbres (Jakten på Tonetreet), réalisé par Hans Lukas Hansen, Norvège, 2020 (1h30)