Étudiant, Andy Mc Gee (Zac Efron) se soumet à une expérience organisée par La Boîte, une mystérieuse agence gouvernementale, pendant laquelle il rencontre Vicky (Sydney Lemmon), sa future femme.
Tous deux reçoivent une dose du « Lot 6 », une drogue expérimentale aux effets censés être similaires à l’absorption de LSD. Suite à ces tests, Vicky développe de faibles capacités télékinétiques et Andy un pouvoir télépathique qui lui permet de contrôler les esprits. Les résultats étonnants de l’expérience n’ont pas épargné Charlie (Ryan Kiera Armstrong), leur fille.
Dès son plus jeune âge, Charlie enflamme tout ce qui l’entoure lorsqu’elle éprouve de la peur ou de la colère. Lorsque La Boîte retrouve la trace de la petite famille, Andy et Charlie, désormais âgée de 11 ans, doivent s’enfuir. La traque confronte la jeune pyromane à son pouvoir dévastateur, de plus en plus puissant et difficile à maîtriser.
Rallumer le feu
Hollywood, ici représenté par le puissant studio Universal, n’en finit plus de piocher dans l’œuvre foisonnante de Stephen King pour ressusciter ses anciens romans. Avec, en général, des résultats décevants qui ont bien du mal à proposer un regard neuf sur les livres du maître du fantastique et de l’horreur.
Deux films ont récemment prouvé ce manque d’inspiration déceptif. Le retour des animaux zombies de Simetierre (2019) – lire notre critique – et le nouveau tour de piste de Grippe-Sou, clown flippant de Ça : Chapitre 2 (2019) – lire notre critique.
Le studio a cette fois-ci confié la tâche de rallumer le brasier à Keith Thomas, réalisateur de The Vigil (2019), une veillée funèbre horrifique sur fond de tradition juive et de résilience face au deuil. Malheureusement, le retour de Charlie sur grand écran n’apporte pas grand chose par rapport au film initial tout en prenant de curieuses libertés avec le roman.
Casting de feu
En France, la première adaptation de Firestarter au cinéma reprend le titre du livre paru dans l’hexagone. Sorti en 1984 dans les salles, Charlie a hérité d’un regard nostalgique complaisant qui efface en partie ses défauts. Réalisé par Mark L. Lester, le film a notamment l’avantage de suivre de plus près la trame de l’œuvre originale pour les puristes et peut se vanter d’un casting solide.
Outre la présence de Drew Barrymore dans le rôle central de la jeune pyromane, la version des années 80 bénéficie de la présence de Martin Sheen qui incarne le Capitaine Hollister, tête pensante de l’organisation scientifique secrète, The Shop en version originale. George C. Scott endosse le rôle ambigu de John Rainbird, un mercenaire fasciné par la mort qui cherche à gagner la confiance de la jeune Charlie. Le charisme de l’acteur impose ce personnage troublant, atout non négligeable du film au sein d’une organisation secrète plus mystérieuse que véritablement inquiétante.
Daddy pas cool
Niveau casting, le point fort de la nouvelle adaptation est la jeune Ryan Kiera Armstrong, récemment vue dans la dixième – et déroutante – saison 10 de la série anthologique American Horror Story. Aidée par un scénario qui met plus en valeur son dilemme face à son pouvoir incontrôlable, la jeune actrice campe une Charlie Mc Gee plus déterminée que l’incarnation proposée à l’époque par Drew Barrymore.
Le reste de la distribution peine malheureusement à imposer des personnages au niveau de l’enjeu. Comme s’il suivait l’exemple de David Keith en son temps, Zac Efron est quasiment transparent en tant que père dépassé par les pouvoirs surnaturels de sa fille. Mais la pièce qui manque le plus cruellement au puzzle de ce thriller horrifique quelque peu alambiqué est la complexité de John Rainbird.
Nouveau foyer
Pour cette nouvelle adaptation, Scott Teems, scénariste de Halloween Kills (2021), réussit à transposer l’histoire de nos jours avec quelques pirouettes assez habiles. Le « métier »exercé par Andy ou encore l’absence de téléphone portable ou d’accès Internet chez les Mc Gee sont des clins d’œil malins à la modernité.
Cette ambiance technophobe est d’autant plus bienvenue qu’elle renforce la paranoïa sous-jacente vis-à-vis d’un État dont la famille a appris à se méfier. Et pour cause… Cette défiance vis-à-vis du pouvoir et le début du film qui met en perspective une vie de famille quasiment « normale » avant la fuite permet de poser les enjeux d’une fuite inexorable.
Toujours plus chaud
Étonnamment, Scott Teems a résisté aux sirènes de la nouvelle adaptation voulant faire toujours plus grand et spectaculaire que l’opus précédent. Avec près de 40 ans séparant les deux films, la porte était pourtant grande ouverte à une frappe de feu sans commune mesure de la part de la jeune Charlie.
Les effets spéciaux de ce nouveau Firestarter n’ont certes pas la pudeur des années 80 et assument totalement un réalisme gore. Mais ces effets ne tombent pas dans la démonstration. Ainsi le feu matérialisé par Charlie apparaît comme « crédible » si tant est que l’on puisse utiliser ce terme.
La fureur de l’épilogue du film de 1984 est d’ailleurs en comparaison plus violente que dans cette nouvelle adaptation. Mais cette retenue appréciable au niveau des effets qui ne tombe pas dans le cliché de vouloir faire toujours plus impressionnant ne suffit pas pour sauver le film.
Charlie superhéroïne
Hélas, en voulant se démarquer à la fois du livre et de la première adaptation, Firestarter emprunte des chemins de traverses scénaristiques pour le moins déroutants. L’aspect le plus étrange de cette réécriture est le choix de séparer Charlie de son père plus radicalement que dans le roman.
Une distance qui la positionne comme celle qui doit le sauver des mains de la mystérieuse agence gouvernementale. L’idée n’est pas totalement étrangère au roman d’origine puisque l’utilisation du terrible feu vengeur pour de bonnes raisons est au cœur du dilemme de la jeune fille. Mais le chemin emprunté par Firestarter pour explorer cette idée nous prive de la relation ambiguë qui se noue habituellement entre Charlie et Rainbird.
Parti en fumée
Loin de l’interprétation dérangeante de George C. Scott mêlant rejet et fascination pour le personnage, le mercenaire engagé par La Boîte pour capturer Andy et Charlie plane sur le film plus comme un fantôme qu’une véritable menace. Et Michael Greyeyes qui l’incarne n’y est pour rien.
Introduit avec une scène aux effets clichés, Rainbird peine à gagner en crédibilité au fil du récit. Et la tentative bien tardive de raviver l’intérêt pour sa psychologie troublée tombe malheureusement à l’eau. En faisant l’impasse sur la relation trouble entre le mercenaire et Charlie, Firestarter se prive étonnement d’un atout fort du récit d’origine.
Après une ultime confrontation forcément enflammée mais peu convaincante entre Charlie et l’agence gouvernementale, le film fait là aussi l’économie de l’épilogue prévu par le roman. Avec une fin qui semble ouverte à une suite improbable, cette nouvelle adaptation laisse perplexe sur ses intentions. Difficile de ne pas penser qu’il y a finalement beaucoup de feu pour pas grand chose.
Hot 50
À travers les décennies, les deux adaptations sur grand écran du roman incendiaire de Stephen King sont liées par un soin particulier apporté à la musique qui transcende la qualité de chaque film. En 1984, le groupe Tangerine Dream avait proposé une BO très appréciable pour accompagner le combat brûlant de Charlie.
Pour cette nouvelle adaptation, la relève est assurée haut la main par John Carpenter accompagné de son fils Cody et Daniel Davies. Dans les deux cas, la BO composée pour les aventures cinématographiques de la jeune pyromane réchauffe l’atmosphère d’une traque qui exploite a minima le potentiel du récit d’origine.
Près de 40 ans après une première adaptation au cinéma, Firestarter tente d’attiser à nouveau l’intérêt pour ce thriller paranoïaque sur fond de pouvoirs surnaturels. Hélas, malgré une BO séduisante, cette relecture aux écarts fumeux est loin de posséder le feu sacré.
> Firestarter, réalisé par Keith Thomas, États-Unis, 2022 (1h34)