Alors qu’elle se rend à une soirée, Vicky Maloney (Ashleigh Cummings) est abordée dans la rue par Evelyn (Emma Booth) et John (Stephen Curry) White. D’abord méfiante, elle se laisse convaincre de les suivre jusqu’à leur domicile. Une fois sur place, Vicky comprend malheureusement trop tard qu’elle est tombée dans un piège. Retenue prisonnière, attachée avec une chaîne au montant d’un lit, la jeune femme découvre horrifiée les sévices que le couple diabolique s’apprête à lui faire subir. Seule, elle ne peut compter que sur une subtile manipulation pour tenter de semer le trouble entre ses deux ravisseurs.
Terreur hors champ
Alors que la mode consiste plutôt à faire monter le curseur dans l’horreur pour se faire remarquer parmi la production annuelle de films d’angoisse, le réalisateur australien Ben Young préfère jouer la carte plus subtile de la suggestion pour son premier long métrage. Bien que cette histoire de couple criminel enlevant des jeunes femmes pour leur faire subir les pires sévices permettait des séquences de maltraitance très explicites, Love Hunters s’adresse plus au cerveau du spectateur qu’à ses tripes. Avant que Vicky se fasse enlever, les plans sur les sex toys abandonnés au pied du lit sacrificiel et le sang de la précédente victime souillant les draps proposent un prologue qui n’augure rien de bon pour la jeune femme mais le drame ne s’aventure pas à montrer frontalement les sévices.
Une pudeur calculée qui permet à l’imagination du spectateur de remplir avec ses pires craintes les scènes se déroulant hors du champ de la caméra, ce qui est au final quasiment aussi effrayant. Adepte des ralentis, le cinéaste en offre un dès le plan d’ouverture, lorsque John et Evelyn observent des filles en train de s’entrainer au basket, tels deux loups choisissant le prochain agneau à attaquer. Cette façon, à la fois fascinante et dérangeante, de voir la réalité à travers les yeux des deux complices fonctionne assez bien. Lorsque les ralentis sont par contre purement esthétiques, notamment vers la fin du film, l’effet perd de son intérêt et devient malheureusement plus cliché.
L’ambiance sonore du film vient ajouter, par petites touches, du malaise à ce huis clos oppressant. Située dans la seconde partie des années 80, cette histoire d’enlèvement bénéficie d’une bande son qui vient appuyer des scènes marquantes. Le cinéaste joue cyniquement sur le décalage entre des titres comme la suave Nights in White Satin des Moody Blues ou encore la ballade Lady d’Arbanville de Cats Stevens et la tension visible à l’écran, ajoutant un côté surréaliste à la violence du couple. Parmi les prestations impeccables des acteurs, l’incarnation intense d’Emma Booth dans le rôle d’Evelyn, bourreau sous contrôle de son compagnon, est particulièrement remarquable.
Psychoses affectives
Avec ses suggestions et son refus de montrer les violences subies par Vicky, le film de Ben Young évite de faire du couple criminel de simples monstres bêtes et méchants. Ce parti pris permet un rapprochement — tactique de la part de la jeune femme séquestrée — entre Vicky et Elevyn et une tentative d’analyse du fonctionnement malsain du couple. Au-delà du suspens de la survie ou non de la jeune Vicky, c’est bien le personnage d’Evelyn qui cristallise l’intérêt du réalisateur. Comment cette femme a-t-elle pu s’enfermer dans ce rapport infernal de co-dépendance et se rendre coupable des pires atrocités avec son compagnon, alors qu’elle est également une mère dont la garde de ses enfants lui a été retirée.
Love Hunters explore la relation nocive, à la fois ambiguë et malsaine, entre John et Evelyn pour en démontrer les ressorts psychologiques. Fasciné par les femmes tueuses qui ont des raisons plus complexes de passer à l’acte que les hommes, Ben Young propose la face sombre du rapport amoureux dans cette « love story » perverse. Ce lien entre les deux amants, Vicky va tenter de l’affaiblir en jouant sur les failles de leur relation, persuadée qu’il s’agit là de sa seule chance d’en sortir indemne. Le spectateur est invité à trembler avec la victime mais également à s’improviser psychologue de couple avec elle pour tenter de tout faire pour qu’il explose de l’intérieur, avant qu’il ne soit trop tard.
Avec son couple malsain, à la fois détestable et étrangement fascinant, Love Hunters évite les écueils de la surenchère horrifique pour plonger dans la psyché des deux criminels. Oppressant, ce premier film réussit à maintenir la tension jusqu’à la dernière minute, tout en interrogeant cet étrange sentiment — parfois pervers — appelé amour.
> Love Hunters (Hounds of Love), réalisé par Ben Young, Australie, 2016 (1h48)