Exposition « My name is Orson Welles », multi-facettes d’un homme-orchestre

Exposition « My name is Orson Welles », multi-facettes d’un homme-orchestre

Exposition « My name is Orson Welles », multi-facettes d’un homme-orchestre

Exposition « My name is Orson Welles », multi-facettes d’un homme-orchestre

7 octobre 2025

Pour marquer le 40ème anniversaire de sa disparition, la Cinémathèque française invite à (re)découvrir l'œuvre du réalisateur de Citizen Kane avec l'exposition My name is Orson Welles. Une plongée dans les méandres d'une production tentaculaire - radio, théâtre, cinéma… - et fragmentée, représentée par de nombreuses archives, parfois inédites. Visite guidée de cet héritage titanesque qui continue à se dévoiler quatre décennies après la disparition de cet homme-orchestre à l'appétit créatif insatiable.
Orson Welles sur scène dans La Tragique histoire du Docteur Faust
Exposition "My name is Orson Welles"
Costumes dessinés par Orson Wellles pour la pièce La Tragique histoire du Docteur Faust
Exposition "My name is Orson Welles"
Espace consacré à la Guerre des Mondes
Exposition "My name is Orson Welles"
Affiche du film Citizen Kane
Exposition "My name is Orson Welles"
Différentes versions du script de Citizen Kane
Exposition "My name is Orson Welles"
Document de promotion pour Citizen Kane
Exposition "My name is Orson Welles"
Références à Citizen Kane (Picsou, Peanuts, Batman...)
Exposition "My name is Orson Welles"
Pièce immersive dans l'ambiance de Citizen Kane avec une boule à neige et la luge Rosebud
Exposition "My name is Orson Welles"
Installation immersive en miroir avec diffusion de la scène culte de La Dame de Shanghai
Exposition "My name is Orson Welles"
Installation immersive en miroir avec diffusion de la scène culte de La Dame de Shanghai
Exposition "My name is Orson Welles"
Affiche du film Macbeth
Exposition "My name is Orson Welles"
Dessins d'Orson Welles sur des boites à cigares
Exposition "My name is Orson Welles"
Sculpture réalisée par Orson Welles
Exposition "My name is Orson Welles"
Dessins réalisés par Orson Welles
Exposition "My name is Orson Welles"
Dessin de Don Quichotte réalisé par Orson Welles
Exposition "My name is Orson Welles"
Table de montage avec la bande annonce inédite de F for Fake
Exposition "My name is Orson Welles"
Publicités avec Orson Welles
Exposition "My name is Orson Welles"
Cartes de noël dessinées par Orson Welles
Exposition "My name is Orson Welles"
Dessins et photos dédicacées par Orson Welles
Exposition "My name is Orson Welles"
fleche avantfleche avant
fleche suivantfleche suivant
 

Je contiens des multitudes

Sur l’affiche de l’exposition, Orson Welles nous fixe d’un regard ténébreux plein d’assurance. Autour de lui, les mots d’une de ses déclarations qui énumère ses multiples talents : réalisateur, acteur, producteur, auteur, magicien… L’artiste multicarte précise qu’il se produit sur scène et à la radio et conclut de façon insolente en se demandant « pourquoi y-a-t’il autant de moi et si peu de vous » ?

L’interrogation provocatrice à l’égo boursouflé est à mettre en parallèle avec d’autres déclarations bien plus humbles émanant d’un artiste qui n’est pas à une contradiction près. Le jeu entre le vrai et le faux parcourt en effet l’œuvre de Welles et déborde dans ses déclarations publiques créant un labyrinthe de vérités et mensonges pour reprendre le titre français de F For Fake (1973), documentaire malicieusement truqué sur un faussaire, ressorti en salles en 2023 en même temps que Le procès (1962) – lire notre article.

Derrière la formule frondeuse, un fait : Orson Welles est un monument du 7ème art, et au-delà, dont la multiplicité fascine autant qu’elle peut décourager face à une œuvre tentaculaire. Quarante ans après sa disparition à 70 ans, l’exposition My name is Orson Welles offre un tour d’horizon d’une carrière mouvementée – pour ne pas dire chaotique. Une introduction à un corpus d’œuvres foisonnantes, parfois souvent inachevées, qui se cache derrière Citizen Kane (1941), film le plus célèbre de l’histoire du cinéma réalisé par Welles alors qu’il n’a que 26 ans.

Orson Welles

Du boy wonder à l’invasion radiophonique

Riche de 400 œuvres, l’exposition se divise en cinq sections pour donner un aperçu de la richesse de la production de cet homme-orchestre. Un surnom qui lui est donné dans le documentaire Orson Welles: The One-Man Band (1995) réalisé par Vassili Silovic et Oja Kodar, l’actrice et réalisatrice qui a partagé les dernières années de sa vie.

Le parcours débute logiquement avec un espace consacré au jeune Orson Welles. De la naissance en 1915 du boy wonder qui fait la une du journal pour sa précocité à 10 ans seulement à ses productions théâtrales acclamées à New York en passant par ses premières expériences d’acteur de théâtre rémunéré à Dublin à 16 ans. Une séquence qui se conclut avec la fameuse émission de radio polémique, l’adaptation très – trop ? – vivante de La Guerre des mondes de H.G. Wells en octobre 1938 sur CBS lors d’un Halloween qui restera dans les annales de l’histoire de la radio.

Si l’ampleur de l’impact qu’à eu l’émission sur certains américains qui ont cru qu’une invasion extra-terrestre était réellement en cours est toujours discutée, le jeune Orson a frappé un grand coup. Un coup d’éclat à revivre dans une salle immersive avec postes de radio et microphones issus des collections de la Cinémathèque française. La diffusion de l’émission de radio est accompagnée d’archives de journaux revenant sur le scandale et des références comme dans la série Les Simpson (1989-). Après des excuses publiques, entre sincérité et amusement incrédule, Orson se voit proposer un contrat historique par le studio RKO pressé de capitaliser sur la polémique et l’aura de l’agitateur des ondes.

Orson Welles dans Citizen Kane

Citizen Welles

Il faut bien une section à part pour traiter LE film qui revient systématiquement lorsque le nom d’Orson Welles est prononcé : l’inévitable Citizen Kane. Parfois détrôné du statut du meilleur film de tous les temps selon les classements, ce premier film mythique n’en reste pas moins une œuvre maîtresse de l’histoire du cinéma et d’une certaine manière le début de la fin pour le cinéaste, en tout cas le climax fragile de son rêve hollywoodien.

L’exposition revient sur la genèse de ce premier film qui devait au départ être une adaptation du roman Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad en caméra subjective ! Beaucoup trop risqué artistiquement et marqué politiquement pour les producteurs de la RKO. Embauché pour sa créativité, Welles se voit déjà recadré par une industrie qui ne l’adoptera jamais en tant que membre à part entière. Le rapport ambigu du film avec le magnat de la presse William Randolph Hearst, modèle du film même si Orson Welles a souvent démenti l’importance de l’inspiration, est évidemment évoqué pour les circonstances qu’a eu son boycott du film sur la suite de la carrière du réalisateur.

L’espace fait écho au mythe de ce film incontournable avec un rappel de la célèbre boule à neige qui ouvre le filme en se fracassant au sol alors que le mystérieux Rosebud, le dernier mot prononcé par Kane, franchit ses lèvres. Une réplique du célèbre traîneau nostalgique est aussi exposée alors que l’un des trois exemplaires existants, en possession du réalisateur Joe Dante, s’est vendu en juillet dernier à 14.75 millions de dollars aux enchères. Des scripts et des storyboards sont accompagnés par des projections qui rappellent la place du film dans l’imaginaire collectif à travers de nombreuses références, de la série Les Soprano (1999-2007) à la bande dessinée Peanuts de Charles M. Schulz.

Orson Welles et Rita Hayworth dans La Dame de Shanghai

Tentatives hollywoodiennes

Après Citizen Kane, les tentatives de Welles pour rester au sein de la grande famille hollywoodienne se soldent par des échecs déchirants à l’image de son second film La Splendeur des Ambersons (1942) dont le studio filme une happy end dans son dos alors qu’il est en tournage au Brésil. L’esprit même du drame familial est détruit par cette trahison, la première d’une longue série pour Welles. Une thématique qui hante ses films. Cette partie de l’exposition détaille les rapports tumultueux de Welles avec l’industrie de 1942 à 1958 avec notamment La Dame de Shanghai (1947) dans lequel Welles a pour partenaire Rita Hayworth pour un tournage particulier alors que leur relation s’achevait.

Clin d’œil à la scène la plus célèbre du film, un assemblage d’écrans permet au visiteur d’expérimenter la multiplicité déroutante des miroirs offerte par le « Palais du rire » du Luna Park qui sert de conclusion dramatique à ce film noir kaléidoscopique. La séquence impressionniste, démultipliée, joue avec la dualité des personnages et fait écho aux nombreux talents d’un cinéaste qui n’a cessé de se multiplier et parfois se perdre dans des projets non aboutis. L’extrait est associé avec des scènes hommages provenant d’autres films qui se répondent en miroir, autant de réflexions qui finissent irrémédiablement brisées.

Thriller à la frontière mexicaine avec Charlton Heston, La Soif du mal (1958) marque un espoir de retour à Hollywood qui s’avère illusoire. L’exposition revient sur l’historique du film et ses différents montages. Des versions qui marquent une malédiction qui semble s’abattre sur un auteur qui décide de s’exiler pour poursuivre sa soif de cinéma.

Orson Welles dans Dossier Secret - Mr. Arkadin

Exil européen

La section suivante suit les pérégrinations de Welles en Europe où il accueilli par plusieurs pays, dont la France et l’Espagne, avec un enthousiasme qui lui manque sur sa terre natale. Mais cet exil n’est pas synonyme de paradis pour autant, Orson Welles paie sa réputation de réalisateur exigeant qui ne sait pas terminer ses projets à temps et par conséquent dans les budgets impartis.

Le lien de Welles avec Shakespeare, déjà très présent à la radio et au théâtre, plane dans cet espace où l’on retrouve les adaptations sur grand écran réalisées avec les moyens du bord avec le ténébreux Macbeth (1948) – lire notre critique, le paranoïaque Othello (1951) – lire notre critique – et le sublime Falstaff (1965) – lire notre critique. L’espace propose également d’admirer des dessins réalisés par Welles, pour la production de ses films ou ses proches, ainsi qu’une sculpture. Des œuvres rarement exposées qui ajoutent une corde artistique à son arc créatif.

L’autre film iconique de sa carrière, cette fois-ci en tant qu’acteur, est aussi présent : Le Troisième Homme (1949) de Carol Reed. Une apparition sous les traits du cynique Harry Lime qui restera dans la mémoire des spectateurs comme son rôle le plus marquant malgré un temps de présence à l’écran réduit. Thriller en forme de fable sur les apparences, Monsieur Arkadin – Dossier secret (1955), lui aussi connu sous différents montages, est aussi présent dans cette rétrospective européenne de films fait avec des moyens limités stimulant la créativité de Welles et sa maîtrise du montage pouvant cacher les limites de la production.

Orson Welles dans Macbeth

Fragments à vendre

Un souverain sans royaume, la dernière section de l’exposition, explore les errances de Welles de 1969 à 1985. Les dernières années de sa vie pendant lesquelles le cinéaste n’a jamais renoncé à réaliser des films. Pour financer ses projets – dont beaucoup ne verront jamais le jour, de son vivant du moins – Orson Welles joue dans des films, n’importe lesquels. Une galerie de visages issus de ces films montre le soin apporté à se dissimuler pour incarner ses personnages, à commencer par camoufler ce nez qu’il n’a jamais aimé.

Orson Welles monnaie également son image publique et traîne sa carrure désormais imposante sur les plateaux de télévision pour continuer à exister aux yeux du métier et d’un public qu’il n’a jamais totalement conquis. Il vend son image pour des publicités rentables, pour un appareil photo ou du whisky japonais… peu importe, si ça permet de financer son prochain film. Ces apparitions sur le petit écran alimentent le mythe du loser magnifique et renforcent l’idée, notamment aux États-Unis où ses films européens ne sont pas vus, d’un héritage qui se résume à Citizen Kane. Et encore, son rôle dans l’écriture du scénario est contesté par la célèbre critique Pauline Kael d’abord et plus récemment dans le révisionniste Mank (2020) de David Fincher – lire notre critique.

Pour contrer cette idée d’un vide artistique total après la flamboyance des débuts, un écran interactif permet de voir des extraits de ces films inachevés et des fragments de projets immortalisés malgré tout, jusqu’au bout, sur la pellicule. Une façon d’inviter le spectateur à revenir à la Cinémathèque pour explorer plus en profondeur l’univers d’Orson Welles à travers une rétrospective foisonnante du 8 octobre au 29 novembre. L’occasion de (re)découvrir ses films sortis en salles – certains proposés avec différents montages – et tous les autres restés dans l’obscurité (Don Quichotte, The Deep, The Other Side of the Wind lire notre article) ainsi que des documentaires et des séances spéciales avec des documents rares sans oublier une sélection de films avec Welles en tant qu’acteur. Que l’exploration commence !

Orson Welles dans Le procès

 

Infos pratiques :

Exposition My name is Orson Welles
Du 8 octobre 2025 au 11 janvier 2026
La Cinémathèque française
51 Rue de Bercy
75012 Paris

Plein tarif : 14 €
Tarif réduit : 11 €
18-25 ans : 11 €
Moins de 18 ans : 7 €
Libre Pass : Gratuit

Horaires
Lundi : 12h – 19h
Mardi : Fermé
Mercredi à vendredi : 12h – 19h
Samedi à dimanche : 11h – 20h