Dans la pouponnière aux écrits

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11 septembre 2012

Romans, scénarii, nouvelles ou logiciels… depuis plus de 60 ans, la Société des gens de lettres (SGDL) enregistre chaque année des milliers d'œuvres déposées par des auteurs désireux de protéger leurs droit, en attendant d'être un jour publiés. Ou pas.

Façade de l'hôtel Massa | Crédit SDLG

"L’assassin hypnotisé", "Mort à la cantonade", "Bad Max, le guerrier de l’autoroute" ou encore "Les aventures de Bibu, Tutu et Proupou"… au cœur d’une rentrée littéraire forcément chargée, vous ne retrouverez pas ces titres dans les librairies cette année. Pourtant, ils existent ou ont existé, attendant leur heure pour être publiés.

Ces romans, scénarii, logiciels ou recueils de contes ont tous été un jour enregistrés par la Société des gens de lettres (SGDL), une association de défense des auteurs de l’écrit installée dans le XIVe arrondissement de Paris.

Certains de ces documents dorment dans un gigantesque entrepôt de la banlieue parisienne pendant que d’autres font l’objet d’un "dépôt 2.0". D’autres encore, dont le nom court sur les pages jaunies de vieux cahier, ont connu des destins divers. "Brûlé", "Rendu à son auteur en 1963" ou encore "PSA" (auteur "Parti sans laisser d’adresse") : chaque récit a sa propre histoire.

Des manuscrits, mais pas seulement

Celle de l’enregistrement de manuscrits, elle, a plusieurs décennies. Fondée par des auteurs qui ont pour nom Hugo, Balzac ou Dumas (entre autres), la Société des gens de lettres a plus de 170 ans et assure depuis les années 1950 la protection de droits avant publication.

Quel genre d’œuvres ? Des manuscrits mais aussi des plans d’architectures, des œuvres graphiques ou photographiques… un dépôt de document tel jour et à telle heure est associé à un nom d’auteur. « En cas de litige, cela permet d’apporter une preuve de paternité », raconte Cristina Campodonico (action culturelle de la SGDL).

Jusqu’en 2010, près de 10 000 manuscrits étaient déposés chaque année, « mais depuis, le chiffre baisse : l’enregistrement numérique progresse vite ». Et ça, c’est grâce à Cléo, service d’identification et de datation des oeuvres en ligne par empreinte numérique.

Cléo, comment ça marche ?  

Sauvegarde 2.0 et empreinte numérique

Le principe est simple : à l’image d’une empreinte de pouce, le logiciel prend l’empreinte du fichier informatique et l’enregistre depuis le disque dur de l’ordinateur de l’auteur. « Ceux qui réalisent un dépôt doivent ensuite enregistrer leur création sur un support externe (disque dur ou clef USB) et ne plus le modifier : si une virgule ou un espace est différent, le manuscrit ne correspondra plus à l’empreinte enregistrée… », confie encore Cristina Campodonico. Quand il faut faire valoir ses droits, l’informatique ne rigole pas.

Tout ça, c’est pour la technique. Mais cette activité, c’est beaucoup plus que ça. Que le document soit protégé numériquement (10€ par an) ou qu’il arrive en version papier (45€ pour quatre ans), son enregistrement est toujours une vraie petite aventure humaine. Il marque une étape, avec le secret espoir que celle-ci en appellera d’autres. Et si le dépôt n’est pas renouvelé, le document peut être récupéré ou détruit.

Sylvie Nard, qui s’occupe du dépôt des œuvres, peut en témoigner : si elle ne doit pas lire les créations qui sont déposées, elle échange beaucoup avec ceux qui les apportent. « En arrivant ici, je n’imaginais pas qu’autant de gens pouvaient écrire : quand ils nous contactent, ils aiment nous parler de leur livre, de son histoire. Ils aiment partager cette expérience avec nous. »

Défense des droits d’auteurs

Plus ou moins autobiographiques, ces créations peuvent aussi être de vrais objets thérapeutiques. « Et pour toutes ces personnes, il n’y a rien de plus terrible que d’avoir été plagié. »

Si la question n’est pas nouvelle, elle reste d’actualité. « Nous avons connaissance d’une dizaine d’affaires par an. Il y a un vrai travail d’éducation à faire à ce sujet, précise Cristina Campodonico. Certains y pensent et d’autres pas. Il faut prendre en compte l’évolution du droit d’auteur et de son respect en fonction des évolutions technologiques. Les 24 et 25 octobre, nous organiserons d’ailleurs une rencontre sur les auteurs et la création sur Internet. »

Prudents ou non, tous poursuivent en effet le même objectif : avoir leur nom en couverture d’un livre ou au générique d’un film. Et devenir un des 6 000 adhérents de la SGDL : « Nos membres sont tous des auteurs publiés à compte d’éditeur. Ils peuvent bénéficier de conseils juridiques et fiscaux, voire d’une assistance sociale pour les périodes difficiles ». Parce que c’est aussi ça, défendre des auteurs.

 

> Un manuscrit à déposer ? La Société des gens de lettres de France, Hôtel de Massa,38, rue du Faubourg Saint-Jacques, 75 014 Paris. 01 53 10 12 00