« Burning Casablanca », passion Maroc’n’roll

« Burning Casablanca », passion Maroc’n’roll

« Burning Casablanca », passion Maroc’n’roll

« Burning Casablanca », passion Maroc’n’roll

Au cinéma le 3 novembre 2021

Star déchue du rock, Larsen Snake revient à Casablanca où il tombe sous le charme de Rajae, fille de la rue à la voix d'or. Unis dans l'adversité, les deux outsiders prennent la route pour échapper aux démons de leur passé. Western spaghetti célébrant le melting pot bouillonnant de la culture marocaine, Burning Casablanca est un film résolument rock qui charme par une énergie fébrile gommant en partie ses défauts.

Dans une autre vie, Larsen Snake (Ahmed Hammoud) était une  star du rock adulée. De retour dans sa Casablanca natale, le musicien est désormais l’ombre de lui-même, empêtré dans les déboires financiers et une addiction paralysante. Au détour d’une rue, il fait la rencontre explosive de Rajae (Khansa Batma), une prostituée qui cache une voix hors du commun.

Ensemble, les deux laissés-pour-compte écument les lieux nocturnes de la ville. Et tombent éperdument amoureux. Mais leur passion est rattrapée par les fantômes du passé. Harcelé de toute part, le couple sauvage prend la route vers le désert en espérant semer pour de bon les démons qui les hantent.

Burning Casablanca © UFO Distribution

Let the music play

Ancien étudiant à la Fémis, Ismaël El Iraki partage sa vie entre Paris et Casablanca. Fondateur d’une société de captation de concerts à Paris, il a toujours évolué dans le milieu de la musique et celle-ci est, à plus d’un titre, au cœur de son premier long métrage. Avec Burning Casablanca, le cinéaste relocalise le genre du western sur les terres de son Maroc natal.

Porté par la musique des années 70, le film joue la carte de l’authenticité avec une bande originale qui pioche dans les morceaux ayant marqué le Maroc de l’époque. Une ambiance que s’est approprié avec brio Alexandre Tartière. Le compositeur a composé les morceaux originaux accompagnant le périple des deux amoureux. Omniprésente, la musique sert de colonne vertébrale à cette histoire d’amour née sous de mauvais auspices.

Burning Casablanca © UFO Distribution

The Voice

Parmi ces morceaux inédits, Zanka Contact, une touchante complainte interprétée par une débutante au cinéma. Khansa Batma, chanteuse du groupe Lemchaheb, incarne avec fougue Rajae qui voit en sa rencontre avec Larsen Snake l’occasion de rompre ses chaînes.

La prestation de la chanteuse a d’ailleurs été récompensée par le Lion de la meilleure actrice dans la catégorie Orizzonti à la Mostra de Venise. Pour les rendre encore plus saisissantes, certaines scènes musicales ont été chantées et jouées en direct. Une prise de risque qui fait écho au sentiment d’urgence qui a accompagné le tournage du film.

Rock the Casa

Comme un symbole, les deux protagonistes sont réunis dans le fracas de la toile froissée lors d’un accident de voiture. Dans le titre original du film, Zanka Contact, le terme « zanka » désigne la ruelle des quartiers populaires. C’est dans le « quartier Cuba », un de ces lieux mouvementés de la Médina, qu’a été tourné le film. Et la tension était au rendez-vous avec une bagarre au couteau dès le premier jour de tournage !

Burning Casablanca © UFO Distribution

De par son scénario et ses conditions de tournage, Burning Casablanca baigne dans cet esprit rock et subversif. Le cinéaste a su capter cette ambiance fébrile où un métalleux peut se retrouver condamné à la prison pour satanisme. Au Maroc, être rockeur n’a pas perdu de son sens, le mot est toujours synonyme de liberté et d’esprit rebelle.

Dans cette ville en constante évolution, à la fois séduisante et déroutante, le cinéaste se nourrit de cet esprit de défiance qui perdure. L’univers de ce western spaghetti assumé est à l’image de ce melting pot culturel cher à Casablanca que le cinéaste célèbre. Pour le reste, son western lorgne vers le film noir avec des flics tortionnaires et des femmes fortes sur fond de rock des années 70 et d’abus de drogue.

Quoi qu’il en coûte

Au-delà du lieu, l’énergie qui parcourt Burning Casablanca est également le fruit de ses conditions de tournage particulières. Le cinéaste avait en effet une lubie : capter la musique et l’argot urbain et poétique de Casablanca en pellicule 35mm au format Cinémascope. Un luxe devenu rare et assez improbable compte tenu du budget alloué au film qui a dû être compensé en adaptant le tournage.

Burning Casablanca © UFO Distribution

Pour économiser la précieuse pellicule, certaines scènes ont été filmées en une seule prise. Une méthode qui a imposé une rigueur toute particulière sur le plateau et a posé un véritable défi au montage. Ainsi est Burning Casablanca, brut de décoffrage dans son évocation d’un amour menacé par la violence comme dans son aspect. La forme épouse le fond, pour le meilleur et pour le pire, dans une spirale d’énergie excentrique.

I will survive

Ce premier long métrage, Ismaël El Iraki le considère comme un « incendie ». Cette envie de donner corps à cette histoire a tout consumé sur son passage. Plus qu’un souhait, ce désir s’est imposé comme une nécessité prenant racine dans un événement tragique à exorciser.

La nuit du 13 novembre 2015, le cinéaste était présent au Bataclan lorsque l’horreur est venue interrompre ce qui devait être un simple concert de rock. Ce soir-là, la célébration festive autour de la musique s’est transformée en drame macabre. Le périple mouvementé de Larsen Snake et Rajae ne fait pas directement référence au drame vécu par le cinéaste mais les deux amants incarnent deux survivants. Un terme cher au cinéaste.

Burning Casablanca © UFO Distribution

Entre les lignes du scénario, leur fuite pour échapper à leurs démons fait écho au trouble du stress post-traumatique ressenti par le réalisateur. Tous deux refusent le statut de victime et optent vaillamment pour celui de survivant. Leur histoire d’amour leur permet d’évoquer leur traumatisme pour mieux y faire face, ensemble. Et quoi de mieux que se réinventer en musique ?

Thé (à la menthe) pour deux

Déclaration d’amour à la vitalité hétéroclite de Casablanca et hommage à la musique marocaine des années 70, Burning Casablanca est un film de genre qui assume son esprit rock. Maladroit par moment, ce western revisité aurait probablement gagné à être plus court mais le désir de liberté qui le porte invite à gommer ces imperfections fébriles qui font également son charme.

Loin de la mécanique popularisée par Pretty Woman (1990), Khansa Batma incarne une femme forte qui n’a pas besoin qu’on la sauve. Dans ce Casa là, les femmes sont fortes et savent manier le fusil si besoin. Son regard déterminé et sa voix de velours donnent à sa prestation d’un naturel troublant un côté hypnotique.

Burning Casablanca © UFO Distribution

L’alchimie du couple que la chanteuse forme avec Ahmed Hammoud, notamment vu dans Mimosas, la Voie de l’Atlas – lire notre critique -, est assez évidente pour nous embarquer en balade avec eux.

Western spaghetti transposé sur les terres marocaines, Burning Casablanca met en musique une romance contrariée entre deux outsiders en quête de sérénité. Le résultat est à l’image du son rock qui soutient le film : par moment maladroit mais électrisant. Assez pour nous laisser embarquer avec les deux survivants vers cette oasis tant convoitée, promesse d’un avenir apaisé.

> Burning Contact (Zanka Contact), réalisé par Ismaël El Iraki, France – Belgique – Maroc, 2020 (2h05)

Burning Contact (Zanka Contact)

Date de sortie
3 novembre 2021
Durée
2h05
Réalisé par
Ismaël El Iraki
Avec
Ahmed Hammoud, Khansa Batma, Said Bey, Fatima Attif, Mourad Zaoui, Abderrahmane Oubihem, Oisín Stack
Pays
France - Belgique - Maroc