À l’hôpital pour récupérer les résultats de tests de routine, Nino (Théodore Pellerin) apprend qu’il est atteint d’un cancer de la gorge lié à un papillomavirus contracté il y a des années. Sous le choc, il peine à réaliser qu’il doit revenir d’ici trois jours avec un proche de confiance pour l’accompagner alors qu’il débutera le traitement contre la maladie. Un traitement qui, dans son cas, le rassure l’oncologue (Victoire Du Bois), ne lui fera pas tomber les cheveux. C’est déjà ça de gagné !
Par contre, les soins pouvant le rendre stérile, Nino se voit confier un petit pot à remplir avec sa semence qui sera précieusement conservée, au cas où il souhaite se reproduire dans un avenir devenu plus incertain. Avec ces deux missions en tête, Nino quitte l’hôpital sonné et réalise qu’il a perdu ses clés une fois arrivé chez lui. Débute un vagabondage forcé de trois jours à travers Paris pendant lequel l’introverti Nino est forcé d’établir un vrai contact avec ses proches.
En observation
Rédactrice culturelle pour des émissions culturelles de radio et de télé pendant des années, Pauline Loquès décide à trente ans de faire une formation de scénariste. Nino vient après le court-métrage La vie de jeune fille (2018) dans lequel la cinéaste s’inspire des jeunes filles qui l’entourent. Le personnage de ce jeune homme nonchalant est également le fruit d’une observation. Nino s’est imposé à Pauline Loquès alors que sa famille est confrontée à la maladie d’un proche emporté à trente-sept ans par un cancer très agressif.
Discret au phrasé hésitant, Nino est la transposition cinématographique de cette injustice mortifère qui s’abat au hasard dans la réalité. Avec sa carrure filiforme, Théodore Pellerin incarne parfaitement ce jeune homme qui pourrait passer inaperçu dans une soirée bondée, adossé contre un mur à l’écart des autres. Sauf que la maladie le rattrape et Nino va devoir se faire violence pour annoncer la mauvaise nouvelle à ses proches, épreuve inconcevable pour lui.
Lueur d’espoir
Si la maladie a gagné dans la réalité, Nino part avec un pronostic beaucoup plus optimiste. Détecté de façon précoce, son cancer de la gorge se soigne très bien insiste la médecin qui lui annonce le diagnostic. Celà n’empêche pas le stress qui s’abat sur le jeune homme et l’ironie d’imaginer avoir contracté le papillomavirus au cours d’un éventuel cunnilingus censé laisser un souvenir plus agréable.
À l’écran, Nino a de grandes chances de s’en sortir. Une différence de taille avec l’expérience vécue par la cinéaste qui vient exorciser l’intolérable fatalité de la vie. Cette promesse d’espoir permet au film de ne jamais sombrer dans le pathos. Au contraire, Nino est parcouru de scènes aux dialogues décalés qui font sourire malgré le contexte médical.
C’est le cas de l’annonce brutale de la maladie à Nino par une médecin qui le pensait au courant à cause d’un bug du logiciel de gestion et du dialogue de sourd entre Nino et sa mère lorsqu’il tente de lui annoncer qu’il est malade. Nino est en équilibre entre le fond dramatique et ces pas de côté, parfois appuyés par la réalisation, qui font ressortir le ridicule des situations.
En missions
La maladie de Nino agit comme un déclencheur qui le pousse à prendre en compte un corps dont il va devoir s’occuper tout en renouant avec son entourage. Le jeune homme possède trois jours seulement pour décider qui pourra l’accompagner lorsque la première aiguille piquera son bras. Et pour cela il faut évidemment prononcer le mot cancer et, de fait, le rend réel. Et si ça ne suffisait pas, il doit éjaculer dans un tube, en pensant fort à l’avenir. Un premier pas vers une potentielle paternité dont l’artificialité le bloque totalement.
Nino se concentre sur ce moment entre l’annonce du diagnostic et le début du traitement. Une courte période dans le parcours du malade qui est souvent traitée au cinéma par une ellipse. Pour renforcer l’aspect aventureux du périple, Nino perd ses clés. Il se retrouve par une succession de péripéties à la porte de chez lui pendant trois jours avec ce petit pot à remplir de sa descendance éventuelle, lui qui a perdu son père depuis un moment déjà.
La question de l’annonce de la maladie, sans cesse repoussée, et cette incapacité à faire le pas vers une potentielle paternité planent sur ce parcours aux rebondissements hasardeux. D’appartements en appartements, le jeune homme prend conscience, au fil des rencontres, qu’il n’est pas seul face à ces épreuves et trouve du courage pour les affronter, même maladroitement.
Foule sentimentale
Les multiples rencontres de Nino portent le film avec des échanges qui sonnent particulièrement justes. Jeanne Balibar – lire notre critique sur Le système Victoria (2024) – incarne avec une grande tendresse sa mère, touchante bien qu’elle soit totalement à côté de la plaque. Sofian, le meilleur ami de Nino, est joué par William Lebghil qui montre qu’il peut jouer tout en retenu, détaché de l’archétype du type exalté et tête en l’air comme dans Le sens de la fête (2017) – lire notre critique – ou plus récemment Grand Paris (2022) – lire notre critique.
Tous ces personnages très bien écrits viennent enrichir le parcours de Nino à travers des échanges souvent drôles et nostalgiques. Le jeune homme retrouve ainsi Camille (Camille Rutherford), son ex à laquelle il n’annonce pas sa maladie directement mais par une carte négligemment déposée dans sa boîte aux lettres. Croisée par hasard, Zoé (Salomé Dewaels), ancienne camarade de classe et mère de famille célibataire, s’avère une rencontre improbable à la complicité touchante.
En écho à la thématique de la paternité, Nino aide Lina (Estelle Meyer), dans les toilettes de sa soirée d’anniversaire, à s’injecter des hormones pour stimuler sa reproductivité. Enfin, en quelques répliques seulement, Mathieu Amalric laisse une belle impression dans le rôle d’un sans abri à la désillusion poétique croisé dans les bains publics. Chaque rencontre illumine le parcours incertain de Nino avec une présence qui apaise.
Entre nostalgie et détachement, Nino est un film plein d’espoir qui se sert de la maladie comme d’un révélateur des liens qui nous unissent. Pas toujours évidents à créer et encore moins à entretenir mais qui nous font avancer et grandir, pour tout affronter. Avec la bienveillance d’une fiction salvatrice.
> Nino, réalisé par Pauline Loquès, France, 2025 (1h37)