« Rebuilding », brûlé mais pas coulé

« Rebuilding », brûlé mais pas coulé

« Rebuilding », brûlé mais pas coulé

« Rebuilding », brûlé mais pas coulé

Au cinéma le 17 décembre 2025

Dusty a tout perdu dans l'incendie qui a ravagé son ranch. Réfugié dans un camp de fortune, il tente de tout reconstruire avec l'espoir de renouer avec sa fille et son ex-femme. Porté par la complicité de Josh O’Connor et la jeune Lily LaTorre, Rebuilding est l'histoire touchante de simplicité d'un renouveau qui puise dans une communauté de circonstance pour surmonter les épreuves. Une résilience pratique qui plaide pour la reconnaissance, un peu fataliste, de notre fragilité grandissante face à cette nature que nous avons déréglée.

Dans l’Ouest américain, les feux dévastateurs n’ont pas épargné le ranch de Dusty (Josh O’Connor), réduit en cendres par les flammes. Sans alternative, il se retrouve avec sa fille Callie-Rose (Lily LaTorre) et d’autres habitants sinistrés de la région à devoir vivre dans des mobil-homes mis à disposition temporairement par les autorités. Alors que des liens se tissent avec ces inconnus qui ont aussi tout perdu, Dusty retrouve progressivement l’espoir. Porté par sa fille, il retrouve la volonté de tout reconstruire.

Rebuilding © Crowded Table LLC - KMBO

Au feu !

Cette malédiction d’un feu ravageur, Max Walker-Silverman n’a pas eu besoin d’aller la chercher très loin. De retour dans la Colorado après ses études de cinéma, le réalisateur est hébergé par des membres de sa famille, passant d’une maison à l’autre, ballotté entre son père et sa mère. Un jour, sa sœur le rejoint en catastrophe chez sa mère avec ses affaires. L’ancienne maison de la grand-mère a été anéantie par les flammes, il ne reste plus rien. À l’époque, c’est comme si chaque membre de la famille fuyait quelque chose : les feux à l’Ouest, le Covid à l’Est… pour se retrouver au final sous le même toit. Une réunion familiale forcée par les circonstances qui a semé l’idée de film.

Après le sinistre, Max Walker-Silverman a mis du temps à se rendre sur les terres de sa grand-mère. Il ne voulait pas se confronter à la nouvelle et triste réalité de cette terre recouverte avant l’incendie d’une végétation verdoyante autour d’un cours d’eau. Lorsqu’il s’est finalement décidé à affronter le paysage de désolation qui l’attendait, il a eu la surprise de découvrir à travers le sol noirci et les ruines de la maison des traces de vie. Les jeunes pousses se frayant un chemin à travers les cendres lui ont donné de l’espoir. Une obstination naturelle à continuer malgré tout qui lui a inspiré la quête de résilience de son héros.

Rebuilding © Crowded Table LLC - KMBO

Home sweet hope

Rebuilding est traversé par le paradoxe du désastre qui détruit autant qu’il crée, à commencer par de l’entraide entre sinistrés. Parmi les catastrophes naturelles, le cinéaste a choisi le feu qui incarne selon lui une forme particulière de ce paradoxe. Si son pouvoir de destruction est amplifié par le dérèglement climatique et des décennies de mauvaises décisions – dont l’homme est ironiquement à la fois coupable et victime -, le feu est aussi essentiel à l’équilibre écologique mondial.

Symbole de souffrance et de pertes irréparables, les incendies de plus en plus violents sont aussi des drames qui révèlent l’entraide et la solidarité, des liens qui se créent à travers une nouvelle communauté de destins contrariés à l’instar de Dusty découvrant ses nouveaux voisins. Rebuilding se nourrit de cette idée d’un foyer qui n’est plus symbolisé par un lieu physique, mais un soutien. Le Home sweet home cher aux américains devient ici plus abstrait : un lieu en évolution, pour guérir et se réinventer, ensemble. D’abord désorienté, Dusty finit par trouver de façon paradoxale un point d’appui solide dans cette situation instable où tout est à refaire.

Rebuilding invite à penser ces lieux soumis au bon vouloir naturel comme des espaces dont il faut prendre en compte l’impermanence. Ces terres qui ont brûlé et qui brûleront encore continuent à être une maison pour ceux qui y habitent et souvent ne veulent pas la quitter. Une nouvelle résilience face aux aléas climatiques qui fait écho à celle des japonais soumis depuis toujours à ces cycles de destruction et de renaissance avec les tremblements de terre et tsunamis notamment.

Rebuilding © Crowded Table LLC - KMBO

Recréer le familier

Le film incarne un esprit optimiste, du moins au niveau personnel, face à des défis climatiques de plus en plus violents. Rebuilding déconstruit au passage le mythe de l’autonomie fortement ancré dans l’histoire américaine. Si son héros est un cowboy moderne, ce n’est pas un hasard : les cendres grises remplacent ici les peaux rouges dans ce western à l’antagoniste insaisissable. Max Walker-Silverman s’attaque avec le film à ce mythe de l’individualisme qu’il trouve triste et mène vers la solitude et l’épuisement.

Héros du quotidien incarné par Josh O’Connor, vu récemment dans Challengers (2024) de Luca Guadagnino et La Chimère (2023) d’Alice Rohrwacher – lire notre critique, Dusty s’ouvre aux autres. Il faut dire que sa fille le pousse à aller de l’avant. Signe de la vie qui continue, Dusty et Callie-Rose vont squatter devant la bibliothèque municipale fermée pour utiliser son wifi et compléter les devoirs à faire « à la maison ». Il ne s’agit ici moins de reconstruire concrètement que d’imaginer la suite, se réinventer.

Film sur l’après, Rebuilding est aussi une ode à la communauté, à la fabrique d’un nouveau familier. Cette idée d’un retour à la terre est incarnée dans le film par des acteurs amateurs choisis sur place. Ils forment, autour de la poignée d’acteurs professionnels, la nouvelle communauté de Dusty. Un ancrage local indispensable pour le cinéaste qui donne un souffle de fraîcheur et d’authenticité au film.

Rebuilding © Crowded Table LLC - KMBO

Reconstruction d’une envie de (re)faire communauté avant de rebâtir physiquement, Rebuilding joue la carte de l’apaisement et de la solidarité dans une Amérique à feu et à sang, plus divisée que jamais. Au-delà de ce père qui retrouve l’espoir de repartir à zéro, il y a cette idée que nous sommes tous sur le même bateau que nous menons tout droit vers l’iceberg. Autant se serrer les coudes au moment de l’impact.

> Rebuilding, réalisé par Max Walker-Silverman, États-Unis, 2025 (1h36)

Rebuilding

Date de sortie
17 décembre 2025
Durée
1h36
Réalisé par
Max Walker-Silverman
Avec
Josh O’Connor, Lily LaTorre, Meghann Fahy, Kali Reis, Amy Madigan
Pays
États-Unis

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