Vivre ensemble chacun chez soi ?

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Vivre ensemble chacun chez soi ?

Vivre ensemble chacun chez soi ?

20 octobre 2010

Alors que l’individualisme règne, la question du comment habiter ensemble apparaît complexe. Certaines personnes tentent de réhabiliter le mieux vivre ensemble afin de reconstruire une vie de partage, autant à l’échelle d’une famille que du voisinage proche et lointain. Exemple avec le Lavoir du Buisson Saint-Louis, à Paris.
Diaporama Vivre ensemble chacun chez soi ? - le lavoir vu des toits... | Photo Philippe Mollon Deschamps
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Diaporama Vivre ensemble chacun chez soi ? - vers l'habitat groupé | Photo Amélie Roux
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Diaporama Vivre ensemble chacun chez soi ? - derrière le lierre la parcelle | Photo Philippe Mollon Deschamps
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Diaporama Vivre ensemble chacun chez soi ? - le 1er module en construction | Photo Philippe Mollon Deschamps
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Diaporama Vivre ensemble chacun chez soi ? - et maintenant! | Photo Amélie Roux
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Diaporama Vivre ensemble chacun chez soi ? - la circulation centrale | Photo Amélie Roux
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Diaporama Vivre ensemble chacun chez soi ? - où on s'amuse! | Photo Philippe Mollon Deschamps
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Diaporama Vivre ensemble chacun chez soi ? - la dé-construction du lavoir | Photo Philippe Mollon Deschamps
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Diaporama Vivre ensemble chacun chez soi ? - désormais habité | Photo Amélie Roux
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Diaporama Vivre ensemble chacun chez soi ? - la ligne d'eau... | Photo Amélie Roux
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Diaporama Vivre ensemble chacun chez soi ? - ...où les enfants pataugent... | Photo Philippe Mollon Deschamps
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Diaporama Vivre ensemble chacun chez soi ? - ...où on se détend! | Photo Amélie Roux
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Diaporama Vivre ensemble chacun chez soi ? - et les ados se baladent! | Photo Philippe Mollon Deschamps
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Diaporama Vivre ensemble chacun chez soi ? - vers le dernier espace collectif | Photo Amélie Roux
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Diaporama Vivre ensemble chacun chez soi ? - une cabane au fond de la parcelle | Photo Philippe Mollon Deschamps
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Diaporama Vivre ensemble chacun chez soi ? - et maintenant, le logement de Catherine | Photo Amélie Roux
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Diaporama Vivre ensemble chacun chez soi ? - une petite partie... | Photo Philippe Mollon Deschamps
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Diaporama Vivre ensemble chacun chez soi ? - dans le jardin! | Photo Philippe Mollon Deschamps
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Diaporama Vivre ensemble chacun chez soi ? - ah, la fine équipe! | Photo Philippe Mollon Deschamps
Diaporama Vivre ensemble chacun chez soi ?
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Au moment de pénétrer dans ce lieu, une dame en sort. Après une petite explication sur notre intrusion, elle nous dirige spontanément. « Allez frapper chez Pierre, la première porte à droite sous l’escalier. » A l’image des chats que nous croisons, nous pénétrons à pas feutrés dans ce havre de paix qui, d’un premier abord, semble tout à fait ordinaire. Pierre Mazolini et Catherine Gauthier, deux des habitants nous ouvrent chaleureusement leur porte afin d’expliquer leurs souhaits, leurs projets, leur regrets.

Le contexte

Dans la mouvance post-68, des groupes d’individus se sont constitués à travers la France avec une volonté commune : s’approprier l’espace, du concept jusqu’à l’emménagement. Ces groupes se sont fédérés en 1977 au sein du MGHA, Mouvement de l’habitat groupé autogéré, qui consistait à construire un bâtiment s’articulant autour de trois points majeurs. Le groupe conçoit d’abord collectivement un habitat convivial et maitrisé. Chaque foyer définit ensuite un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités financières. Enfin, le groupe détermine les locaux communs et les espaces extérieurs pouvant accueillir des activités collectives.
La démarche semblait communautaire pour les néophytes, il s’agissait pourtant d’autre chose. « Nous voulions vivre à la fois comme une famille nucléaire normale mais en convivialité. Ici, nous n’avons pas d’activité économique commune. Nous ne souhaitions pas élever nos enfants dans une famille fermée, centrée sur elle-même », insiste Catherine. En 1975, elle et son mari rencontrent Yves de Lagausie, urbaniste, l’un des fondateurs du MGHA. Commence alors un long cheminement vers l’habitat rêvé.

La démarche

Quatre couples, membres de l’association, constituèrent la base du groupe. La première étape consistait à trouver le terrain. « Avec mon mari et les enfants, nous écumions les rues de Paris les unes après les autres, rencontrions les concierges , les habitants des quartiers et sur un grand plan, au fur et à mesure, nous éliminions des zones .» Ce n’est qu’en 1979, un an après le début de leurs recherches, qu’ils tombent sur une petite annonce dans le Figaro. Le coup de cœur est immédiat. Ce sera le Lavoir, rue du Buisson Saint-Louis, laissé à l’abandon sur une parcelle de 1400 m². Il a alors fallu agrandir le groupe, le projet n’étant pas viable financièrement avec seulement quatre couples. « C’est par le biais de nos relations et les petites annonces que nous avons rencontré ceux qui aujourd’hui vivent au lavoir. » Les couples intéressés par ce projet sont tous issus de milieux intellectuels de gauche et exercent des professions variées : ingénieur, juriste, fonctionnaires dans les ministères, professeur de faculté, chercheur, psychologue, graphiste… Une centaine de réunions et quatre ans plus tard, les douze couples et leurs enfants s’installent dans le lavoir réhabilité, transformé selon leurs souhaits. Nous sommes en 1983.

Une aventure humaine

Après avoir acheté le terrain, le groupe fait appel à Bernard Kohn, architecte particulièrement sensibilisé à ce type d’initiative. L’idée de base du projet était une percée centrale traversant le lavoir entre la rue du Buisson Saint-Louis et celle du Faubourg du Temple. Autour de cette ligne directrice, les modules d’habitations, allant de 30 à 140 m², s’organisaient de manière à créer des espaces extérieurs collectifs. Une cour d’entrée dirige sous le premier module d’habitation, puis nous pénétrons dans une cour commune où nous faisons face au deuxième module. Il est intégré à la structure conservée du lavoir, condition d’obtention du permis de construire. Au sein de cette cour, l’architecte a créé un bassin linéaire perpendiculaire à la circulation centrale. De part et d’autre de cette ligne d’eau, on observe des espaces intimes aménagés en terrasse couverte par les appartements. Cette continuité du bâti constitue la liaison entre le premier et le deuxième module de bâtiments.
Après avoir traversé le lavoir, nous arrivons dans le jardin collectif, au fond de la parcelle. Un habitat groupé, basé sur des notions de communauté, ne se réduit pas au partage d’espaces extérieurs : la création d’une laverie commune et d’une salle dédiée à des activités ou à des soirées festives répondait également à leurs attentes. Deux réunions par semaine furent nécessaires pour satisfaire les envies de chacun. « La volonté de laisser la créativité s’exprimer ne se fait pas sans créer quelques tensions au sein d’un groupe », explique Pierre.
Rapidement tombe la question du financement : « La transparence financière était une condition sine qua non à la réussite de notre projet », poursuit Pierre. Des avances de fonds ont dû être consenties pour payer les travaux, mais l’architecte fut assez conciliant sur ses honoraires. Passionné par le projet, il s’est même installé sur le chantier !
L’attribution des lots fut un moment très intense pour le groupe. L’équité devait être respectée en fonction des moyens de chacun. La taille des lots, leur luminosité et leur position dans le Lavoir : autant de paramètres permettant de fixer le prix de l’appartement. La réalisation du second œuvre fut confiée à chaque occupant : « nous n’étions pas tous d’accord sur le mode de chauffage, par exemple », précise Pierre. « Il était plus simple à ce stade du projet que chaque couple décide de la matérialité de son espace de vie, sans dénaturer l’architecture de Bernard. »

Les réussites et les failles

Les enfants ont grandi ensemble. Ils ont désormais fondé leur propre famille, mais restent particulièrement attachés au lieu et surtout, les uns aux autres. Un seul couple a quitté l’endroit en vingt-six ans. « On ne pensait pas que cela perdurerait. Les enfants sont accros au lieu. Il n’est pas question de vendre. » L’entretien des espaces communs et la gestion des comptes se sont répartis naturellement et ont changé de main au fil du temps. Pour Catherine le pari est gagné. « Si c’était à refaire, ce serait sans hésiter. »

Bernard Kohn a tout de même eu l’intelligence de créer une architecture évolutive car la vie ne se passe pas toujours comme on le souhaiterait. Chaque logement muni de deux portes d’entrée, peut être divisé en deux. « Cela s’est révélé très utile lorsque certains ont divorcé », ironise Catherine. L’intimité de chaque famille est respectée mais l’échange entre eux se fait naturellement et les lieux communs sont investis sans modération.
L’échec majeur reste l’intégration dans le quartier. Alors que la genèse de leur projet se basait sur le partage, celui-ci n’est vrai qu’à l’échelle de leur habitat, devenu, peut-être, « un îlot de riches au sein d’un quartier pauvre ». Quelques personnes ont intégré les associations du quartier, mais le mélange s’arrête là. Catherine s’inquiète également pour les plus jeunes, les derniers ados, qui semblent ne pas vouloir sortir du cocon. « C’est comme s’ils étaient maintenus dans l’enfance et que l’extérieur, Paris, leur faisait peur. »

Et maintenant ?

Le foncier est aujourd’hui de plus en plus cher et les promoteurs mettent la main sur la moindre parcelle. De nombreuses personnes rallient ce courant afin de concevoir un habitat et un mode de vie qui leur correspondent. L’envie de recréer un village « de partage » entre les individus et de vivre dans une architecture pensée est bien réelle.
L’association aide ces groupes à se former et à appréhender la démarche. Elle se nomme désormais Eco Habitat Groupé. Les valeurs restent les mêmes ; sont venues s’y ajouter les problématiques de l’habitat sain et du respect de l’environnement. Prendre part à ce type de projets est un engagement fort, fondé sur des valeurs communes et demande investissements et conciliations. Au-delà des doutes et des prises de bec, il s’agit de franchissement d’étape et d’une aventure humaine extraordinaire. Catherine confirme : « ces 5 ans de réflexions restent l’un de mes meilleurs souvenirs ».