Paris change. Les vieux quartiers en mutation voient des projets contemporains s’élever un peu partout. Mais l’architecte des bâtiments de France rode et travaille à la conservation du patrimoine. Pour ce quartier du XIe arrondissement de Paris, un passé d’activités artisanales (menuiserie, ferronnerie, etc.) se remarque grâce à une architecture industrielle typique des anciens ateliers du début du siècle. Activité qu’il a fallu intégrer, selon le plan local d’urbanisme (PLU), dans la réhabilitation du bâti. Situé à deux pas du cimetière du Père-Lachaise, Erwan Gayet nous accueille dans son loft.
Une histoire à conserver
C’est dans une impasse très animée que nous pénétrons. Pas de commerces à proprement parler mais une activité artistique. Signes extérieurs, des enseignes de sociétés, des flashs d’appareils photo derrière les rideaux tirés d’un atelier, et des personnes visiblement en pause café devant leur lieu de travail.
L’impasse est bordée par des ateliers qui, une fois scindés en lot, ont été vendus et aménagés de manière à accueillir une part d’habitat, environ 1/3 de la surface, et une part d’activité, les 2/3 restants. « La division des lots a été assez simple, explique Erwan, les parcelles ayant environ les mêmes dimensions, 10 mètres de large sur 20 mètres de long. »
Erwan, son épouse et sa sœur achètent le n°7 bis, un ancien entrepôt de perles. « L’existant comprenait deux corps de bâtiments, précise-t-il. On accédait à la partie bureau sur un étage et aux ateliers en rez-de-chaussée, par une grande porte en fer forgé. »
Un mélange habile
L’existant se composait d’un bâtiment à étage. Il s’étendait sur la profondeur de la parcelle sur lequel était accolé un autre de plain-pied. Ce dernier fut démoli : une bande de 20 mètres de long était alors exploitable. Erwan greffa au bâtiment d’origine, leur espace d’habitation aligné sur la rue, puis créa un espace libre, le patio et enfin imagina l’espace d’activité en fond de parcelle, toujours greffé à l’existant.
La façade sur rue, complètement repensée, conserva toutefois un gabarit et une pente de toit similaires. Amoureux des matériaux bruts, ils dessinèrent une façade originale en métal et verre. Celle-ci cohabite harmonieusement avec le matériau prédominant des autres façades : la brique rouge. La partie vitrée, qui évoque le bureau du contremaître des anciennes usines, permet de faire entrer la lumière dans l’espace de vie de l’habitation et la partie pleine dissimule la porte d’entrée principale menant au patio. Patio qui dessert lui-même les entrées de la zone d’habitation et de la zone d’activité.
L’espace d’Erwan et son épouse, d’une surface de 90 m², s’organise au rez-de-chaussée en « L » et à l’étage. De l’entrée, deux possibilités : soit on emprunte l’escalier conservé qui mène à l’étage. A l’origine composé de deux bureaux, il fut transformé de manière à accueillir deux chambres et une salle de bain. Soit on pénètre dans la cuisine ouverte vers l’espace créé où s’organise le salon. Ici, Erwan imagine une mezzanine où il pourra travailler. « Le fait de conserver la pente de toit existante permet de créer des hauteurs de plafond généreuses, entre 4,6 m. et 5,5 m. Une partie de la toiture est en zinc, l’autre en verre. La verrière apporte lumière et soleil dans le salon. » Cette verrière apparaît comme la continuité de la façade vitrée sur rue, elle crée également l’articulation avec le bâti existant.
Le métal prédominant
La soeur d’Erwan est productrice de cinéma. Elle a installé son activité dans un local de 210 m². Un volume cubique de plain-pied vient se loger entre le bâtiment existant et le voisin. Le rez-de-chaussée se compose principalement d’un grand volume sous une verrière. La cuisine, une salle de projection vidéo et le bureau s’organisent dans la partie d’origine. Un escalier en béton brut permet d’accéder à l’étage réorganisé de manière à accueillir deux autres pièces pouvant être soit des chambres soit des bureaux ainsi qu’une salle de bains. Toutes ces pièces s’ouvrent enfin vers la toiture terrasse accessible du cube. Depuis cette toiture, on surplombe non seulement le patio désormais orné de plantes mais également l’espace d’activité. Il a également choisi de rehausser la verrière, répondant ainsi à la toiture zinc du bâtiment sur rue.
Les deux nouveaux bâtiments peuvent se connecter par une porte réhabilitée, à l’étage, mais surtout par le patio qui organise les circulations. La végétation amène fraîcheur et permet « d’intimiser » les deux bâtiments créés. On ne s’y sent pas enfermé, au contraire, la transparence domine grâce aux façades largement vitrées. Avec toujours ces menuiseries très fines en métal. « Au départ, j’ai travaillé le béton, puis le bois et, il y a dix ans après une rencontre avec l’entreprise de serrurerie Pirès, j’ai commencé à créer des bâtiments où le métal prédominait », explique Erwan. Malgré cette influence, le bois n’a pas tout à fait disparu de ses projets. Le mur du voisin a été agrémenté d’un bardage à claire-voie en bois où un chèvrefeuille s’installe petit à petit.
Loin des cités-dortoirs, cette mixité entre l’habitat et l’activité crée du dynamisme dans le quartier et attire d’autres types de commerces, comme des restaurants. Le quartier vit, les personnes échangent. Quant à Erwan, malgré son plaisir de vivre dans son architecture « sans surplus, ni fioritures », il reconnaît que son projet n’intègre pas les questions relatives aux économies d’énergies. Il pense d’ailleurs déjà à sa future réalisation qui, cette fois, rentrera dans le registre du passif.