«Une femme ne négocie pas son salaire»

«Une femme ne négocie pas son salaire»

«Une femme ne négocie pas son salaire»

«Une femme ne négocie pas son salaire»

16 mars 2011

L'Equal Pay Day, la journée pour l'égalité des salaires entre les hommes et les femmes, se tiendra en France le 15 avril prochain. Les femmes gagnent moins, sont nommées à des postes moins élevés que les hommes, mais réclament moins que les hommes.

16 mars, une date idéale pour parler des femmes ! Le 15 avril prochain se tiendra l’Equal Pay Day, une journée européenne pour défendre l’égalité des salaires entre les hommes et les femmes. Elle est organisée par BPW, Business and Professional Women, une ONG internationale, présente sur chaque continent et dans plus de 90 pays dans le monde. Reconnue par l’ONU, elle est habilitée à lui remettre, tous les quatre ans, un rapport sur la situation féminine en France dans le cadre du CEDAW, la Convention des Nations Unies pour l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes.
Citazine s’est entretenu avec la vice-présidente de BPW France, Brigitte Granarolo. Des propos qui ne s’en prennent pas qu’aux hommes.

De quoi parle-t-on précisément quand on évoque les disparités salariales en France ?

On parle de la différence de salaires entre les hommes et les femmes. A diplômes et postes équivalents, une femme, pour avoir le même salaire que ce que gagne un homme en une année, doit travailler quasiment trois mois de plus. En moyenne, les femmes gagnent 18% de moins dans les métiers généraux et 21% pour les cadres. Au niveau européen, les femmes touchent en moyenne 26% de moins.
Les femmes se heurtent très souvent au plafond de verre. Elles parviennent à gravir normalement les échelons mais, arrivées à un certain niveau, ne se voient plus proposer les niveaux supérieurs. Les postes haut placés, à responsabilités, ne leur sont plus accessibles. Elles sont bloquées et ne parviennent plus à avancer, alors qu’elles voient leurs collègues masculins, anciens homologues, passer au-dessus. Ce plafond de verre est monnaie courante en entreprise.

Quel est votre constat ?

Au niveau des entreprises, rien ou quasiment rien n’a été fait pour obtenir cette égalité. Alors que nous avons en France un texte de loi daté du 23 mars 2010 qui prévoit de supprimer, avant le 31 décembre 2010, tout écart de salaire entre les hommes et les femmes. Cette égalité est aujourd’hui loin d’être atteinte. La loi a donc été prorogée : c’est maintenant en 2012 que tout le monde doit toucher le même salaire.

Qu’est-ce qui handicape tant la femme au travail ?

Quand une femme se présente, dans l’esprit même d’un directeur des ressources humaines, elle est un membre du personnel susceptible de tomber enceinte et qui causera des problèmes dans l’entreprise : remplacements, retards dans les dossiers, etc. Ce congé maternité doit être intégré et non pas resté un défaut. C’est pour ça qu’on parle de congé paternité, de plus en plus, pour que la période d’absence de la mère soit, de ce fait, réduite. Il ne faut plus voir la femme comme une personne susceptible de manquer son travail.

Ou voir également l’homme comme une personne susceptible de manquer son travail…

Oui, bien sûr. D’ailleurs, ce serait bien aussi qu’ils prennent davantage de responsabilités dans la famille.

Laurence Parisot, la présidente du Medef, se déclare favorable au congé paternité obligatoire. Défendez-vous également cette position ?

On serait, bien sûr, tout à fait d’accord. Même si à cette heure, BPW n’a pas encore statué sur une position officielle.

Remarque-t-on les mêmes disparités dans tous le domaines et toutes les branches des catégories socioprofessionnelles ?

Sur 200 branches professionnelles actuellement en France, il n’existe que 82 accords sur l’égalité salariale entre hommes et femmes. On demande bien sûr à ce que les accords soient signés le plus vite possible, mais beaucoup d’entreprises préfèrent payer une amende plutôt que remonter le salaire des femmes et se conformer à la loi.

D’autant plus que la loi est bienveillante envers ces patrons. Chacun devait avoir nivelé les salaires pour 2010. Rien n’a été fait donc, on proroge la loi jusqu’à 2012 !

Bien sûr ! On se rend compte qu’actuellement, pour tout ce qui touche à l’égalité et aux droits des femmes, on a tendance à perdre des points et à reculer plutôt qu’à avancer. C’est pour ça qu’il ne faut rien considérer comme acquis ! Sur un an, on voit que 49% des différences salariales, qui se sont creusées, sont au détriment des femmes. C’est énorme ! Parfois, les patrons paient moins uniquement par souci financier.

Vous venez bien de dire qu’on reculait actuellement sur les droits des femmes ?

Ce serait mentir. Mais en tout cas, on patine. Vous voyez bien, rien qu’en considérant cette loi. Au 31 décembre dernier, elle devait être appliquée ! Une loi existe, on doit s’y conformer, point. Mais elle n’a pas été prise en compte, donc on la proroge !
Parallèlement, beaucoup de jeunes femmes en France qui rentrent dans le monde du travail, y arrivent avec des acquis et elles oublient que ces acquis, d’autres femmes se sont battues pour les obtenir, des années durant ! Elles ont tout et oublient qu’il faut encore se motiver pour ne pas perdre les acquis et surtout, pour continuer à progresser.

Donc certaines femmes participent à cet immobilisme concernant les salaires ?

Oui, certaines femmes ne se sentent plus ou pas concernées par ces problématiques. On s’en rend compte au niveau local quand on discute avec elles.

Si des patrons paient moins uniquement par souci financier, pourquoi ce sont seulement les femmes qui en subissent les conséquences ?

On s’est rendu compte qu’un homme qui se présente pour un poste, pense dès le départ, à discuter le salaire qu’on lui propose. Alors qu’une femme qui va accepter un emploi, accepte immédiatement la proposition de salaire sans oser la discuter. Elle ne négocie pas son salaire et accepte.