Son inauguration en juillet 2012, juste avant les Jeux olympiques, lui avait déjà valu une médaille d’or : celle de plus haute tour habitée d’Europe, avec ses 310 mètres. La tour Shard, oeuvre d’acier et de verre de l’architecte Renzo Piano (à qui l’on droit notamment le Centre Pompidou à Paris, en collaboration avec Richard Rogers) tente aujourd’hui une nouvelle performance, en ouvrant au public son belvédère à 360° sur lequel elle attend un million de personnes par an.
Pour observer l’exceptionnelle "view from the Shard" et contempler Londres à plus de 60 mètres à la ronde, il faudra débourser 24,95 livres (29 euros) pour les adultes et monter au 72ème étage du bâtiment, à 244 mètres au-dessus du sol (deux autres plateformes panoramiques sont accessibles aux 68e et 69e étages). Pour ce prix, on a quand même droit à la projection d’un documentaire sur l’histoire de Londres et – only in Britain – une introduction à l’humour anglais avec des photomontages montrant Margaret "dame de fer" Thatcher sur un tandem en compagnie de son meilleur ennemi idéologique Karl Marx, ou Winston Churchill arborant sans complexe un short aux couleurs sobres de l’Union Jack. Ensuite, direction le 72e étage dans un ascenseur hyper rapide voyageant à 6 mètres par seconde.
Une menace pour "l’intégrité visuelle" de la ville ?
Financée à 95% par un fond qatari, la tour à 570 millions d’euros dont les parois s’inclinent à mesure qu’elle perce les nuages est un programme mixte, puisqu’elle accueille des bureaux sur les 28 premiers étages, puis des restaurants, un hôtel 5 étoiles et des appartements de luxe. Sa construction n’a duré que trois ans, mais c’est un projet de longue date, débuté en 2000.
L’impressionnante flèche de verre, officiellement nommée "tour de London bridge", a cependant gardé le surnom de "Shard", ou "tesson" donné par ses détracteurs. Car la tour Shard n’a pas été accueillie unanimement. "Ce sera un bâtiment merveilleux, mais il est au mauvais endroit. Il porte atteinte à plusieurs panoramas sur les monuments historiques les plus importants de Londres", avait décrété pendant la construction Paddy Pugh, directeur général d’English Heritage, organisme chargé de la protection du patrimoine. Même l’Unesco y est allée de son analyse, jugeant que la Shard nuisait "à l’intégrité visuelle" de la Tour de Londres, inscrite à son patrimoine et toute proche du nouvel édifice. En effet, la tour de Renzo Piano est en plein coeur de Londres, près de la Tamise et du London Bridge. Le cabinet d’architectes indique d’ailleurs s’être inspiré, pour la forme pointue de ce gratte-ciel, d’images très londoniennes, telles que les grands mats dépassant des bateaux sur la Tamise ou les toiles de Monet représentant le palais de Westminster.
Avec son allure audacieuse et son surnom singulier, la tour Shard a rejoint dans le ciel londonien une série de bâtiments aux silhouettes particulières et surtout aux surnoms tout aussi imagés. On peut citer le désormais célèbre Gherkin de Norman Foster, un "cornichon" qui doit son nom à sa forme phallique, ou encore le "razor", ou "rasoir électrique" . Le club, qui en compte d’autres, s’agrandira en 2014 avec la fin des travaux du "Cheesegrater", ou rape à fromage, de Richard Rogers.