Dans la banlieue de Delhi, Titli (Shashank Arora) vit avec son père et ses deux frères plus âgés, Vikram (Ranvir Shorey) et Baawla (Amit Sial), qui l’entrainent malgré lui dans leurs activités criminelles. D’un tempérament doux, le jeune homme n’a qu’une envie : fuir au plus vite la violence familiale pour vivre en toute indépendance. Pour réaliser ce rêve, Titli économise pour s’acheter une place de parking dans un centre commercial en construction, un emplacement qu’il espère bien faire fructifier en le louant.
Alors qu’il atteint la somme nécessaire, les plans du jeune homme sont contrecarrés par ses frères qui décident de le marier contre son gré. Titli se retrouve alors lié à Neelu (Shivani Raghuvanshi), une jeune femme pleine d’assurance qui avait également d’autres projets en tête, notamment se marier avec un agent immobilier, d’une classe bien supérieure à celle de son mari imposé. Sur fond de querelles pécuniaires, Titli et Neelu vont devoir associer leurs forces pour réussir à atteindre l’indépendance qu’ils souhaitent tous les deux.
L’Inde pas du tout Bollywood
Présenté au Festival de Cannes dans le cadre de la sélection Un Certain Regard en 2014, ce drame familial austère est très loin des clichés associés au cinéma indien « made in Bollywood » et ses scènes musicales entrainantes. Ici on ne sourit pas, les habits ne sont pas chatoyants, les demeures non plus, et les époux n’entament pas de danse endiablée, entourés d’une foule de danseurs enthousiastes.
Le jeune Titli vit dans la misère, à la périphérie de la grande ville, sous l’influence de ses frères criminels, et notamment du plus âgé Vikram qui violente sa femme. Pour le glamour, on repassera.
Les époux eux ne s’aiment pas, loin de là puisqu’ils se supportent à peine, forcés d’accepter un mariage qui réduit à néant leurs projets d’émancipation. Cette part sombre de la société indienne – misère, violence, misogynie… – le réalisateur la montre sans fard, avec une crudité parfois choquante et dérangeante.
Très loin de l’esprit festif souvent associé aux films indiens, ce drame sans concession traine ses personnages dans la boue et le sang, un passage obligé pour leur permettre, peut-être, d’en sortir.
Du vol à l’envol
Titli, dont le prénom signifie littéralement « papillon », va avoir bien du mal à s’extraire du cocon familial qui l’oppresse. Soumis aux règles imposées par ses frères, il se retrouve encore plus bloqué par l’arrivée de Neelu qui amène dans le foyer la dot associée à leur union, un butin sur lequel lorgnent ses deux frères.
Pris au piège, le jeune homme va tenter de dominer cette épouse imposée, qui n’a pas l’intention de se laisser faire.
Lorsque Titli comprend que son comportement violent, héritage pernicieux de ses frères, ne le mène nulle part, il envisage un rapprochement stratégique avec Neelu afin qu’ils tentent, ensemble, de parvenir à leurs objectifs : s’affranchir de la pression familiale et pour elle rejoindre l’homme qu’elle aime.
Un combat pour la liberté qui va mettre Titli face à ses responsabilités : on ne quitte pas une famille si renfermée sur elle-même sans casse. Si le film traine légèrement en longueur, la psychologie des personnages y est subtile et l’empathie pour le jeune couple permet de garder une curiosité intacte jusqu’au dénouement de ce parcours initiatique, assez éprouvant.
Récit d’une émancipation difficile, Titli, une chronique indienne étonne par la noirceur de son propos, à l’opposé de l’ambiance bon enfant – et, il faut l’avouer, terriblement cliché – des films de Bollywood. Une exposition des failles de la société indienne qui vaut par l’originalité de son propos.
> Titli, une chronique indienne, réalisé par Kanu Behl, Inde, 2014 (2h04)