Lorsque les regards de Pär (Rolf Sohlman) et Annika (Ann-Sofie Kylin) se croisent furtivement au buffet campagnard où ils ont suivi leur famille respective, l’attraction est immédiate. De milieux sociaux différents, les deux adolescents vont vivre leur relation en marge de leurs parents, pour mieux la protéger de ces adultes prisonniers de leurs conventions et préjugés.
La ressortie en salles en version restaurée de A Swedish Love Story (Une histoire d’amour suédoise) – réalisé en 1970 mais sorti près de 40 ans plus tard en France – offre la possibilité de découvrir les débuts du cinéaste suédois dont le dernier film, Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence (2014), a remporté le Lion d’Or au dernier festival de Venise.
Smells like teen spirit
Avec sa forme narrative conventionnelle, A Swedish Love Story est plus accessible que la suite de la filmographie de Roy Andersson. Ce drame romantique séduit avant tout par la justesse avec laquelle est décrit ce premier amour adolescent, cet âge où la sortie de l’enfance se marque en fumant des clopes entre amis ; de la nicotine ingérée pour signifier à la fois un acte de défiance vis-à-vis des parents et le ralliement au groupe. Ces rituels sociaux et sentimentaux, propres à cette période sensible où le corps et l’esprit changent, sont subtilement évoqués dans cette histoire d’amour naissante qui offre à ses protagonistes leurs premiers émois mais également leurs premières déceptions.
Pär et Annika vont en effet devoir faire l’apprentissage de ces incompréhensions inhérentes au jeu de la séduction, si délicat à maîtriser. Sublimée par la présence solaire et magnétique d’Ann-Sofie Kylin jouant Annika, cette tendre histoire d’amour dont se dégage une innocence réjouissante est d’autant plus touchante qu’elle s’oppose au monde des adultes, pour mieux se préserver.
Un monde adulte trop sérieux
Pär et Annika décident de vivre leur romance à l’écart de leurs parents car ceux-ci voient d’un mauvais œil leur union, mais les deux adolescents cherchent également à fuir la médiocrité générale du monde adulte. Le cinéaste n’est pas tendre avec ces grandes personnes qui offrent un spectacle pathétique, il scrute sans pitié avec sa caméra les travers d’une génération qui semble s’être résignée à une existence d’illusions perdues.
À la fougue, maladroite mais sincère, des jeunes amoureux, répond la torpeur du monde sérieux des adultes, bientôt submergés par la crise morale et économique qui s’annonce. L’enthousiasme des adolescents se heurtent ainsi à l’étroitesse d’esprit de leur aînés, créant une nostalgie sincère pour cette période où l’on est pressé de grandir, tout en espérant ne jamais devenir adulte.
Inventaire tendre et bienveillant des émotions, parfois contradictoires, qui sont à l’œuvre lors du premier béguin adolescent, A Swedish Love Story offre également une réflexion sur la perte de l’innocence et l’inévitable entrée dans le monde adulte. Il s’en dégage une impression confuse, mêlant optimisme et mélancolie, alors que nous sommes entraînés à la recherche nostalgique d’une enfance insouciante qui n’existe plus qu’au travers de sensations et de souvenirs épars.
> A Swedish Love Story (En kärlekshistoria), réalisé par Roy Andersson, Suède, 1970 (1h55)