Ensemble à la ville comme à la scène, Ruben (Riz Ahmed) et Lou (Olivia Cooke) sillonnent les États-Unis entre deux concerts. Unis par la musique, le duo est inséparable : elle à la guitare, lui à la batterie.

Un soir, Ruben est gêné par des acouphènes pendant un concert. Lorsqu’un médecin lui annonce qu’ils sont annonciateurs d’une surdité prochaine, sa vie bascule. Sa passion pour la musique, son couple… Tout est remis en question. Au pied du mur, Ruben va devoir accepter cette nouvelle vie qui s’annonce. Mais pour cela il doit affronter ses vieux démons.

Projet personnel

Avec Sound of Metal, Darius Marder signe sa première incursion dans le domaine de la fiction. Scénariste de The Place Beyond the Pines (2012), il avait jusque-là exploré la réalisation avec le documentaire avec Loot en 2008. Une sensibilité pour le réel que l’on retrouve dans sa volonté de décrire au plus juste la communauté sourde.

Projet qui lui tient à cœur depuis de nombreuses années, Sound of Metal a été inspiré au cinéaste par sa grand-mère qui a perdu l’audition après avoir pris des antibiotiques qui lui ont malgré tout sauvé la vie.

Piégée entre le monde sourd et le monde entendant, elle s’est ensuite battue toute sa vie pour que les films soient tous sous-titrés.

Réellement inclusif

Expérience immersive, Sound of Metal se veut inclusif de tous les spectateur.trice.s. Les dialogues du film sont ainsi sous-titrés et accompagnés de descriptions sonores. Une démarche en cohérence avec le propos du film pour que l’expérience puisse être partagée par les entendant.e.s comme les personnes sourd.e.s ou malentendant.e.s.

Pour plus de réalisme, l’équipe ne s’est pas facilité la tâche. Darius Marder a fait le choix d’un tournage sur pellicule rendant trucages et coupes moins aisées. Et le couple d’acteurs a également été mis à contribution.

Olivia Cooke, vue notamment dans Ready Player One (2018) — lire notre critique —, a dû apprendre la guitare et Riz Ahmed la batterie pour l’énergique scène inaugurant le film.

The sound of silence

Pour nous faire vivre l’expérience de Ruben, Sound of Metal bénéficie d’un minutieux travail sur le son. Chose peu commune, l’ingénieur du son Nicolas Becker a travaillé en amont du tournage pour que cet aspect primordial du projet soit intégré parfaitement au film. Une préparation complétée par un gros travail en post production.

Ces expérimentations permettent l’immersion dans les différentes couches de fréquences et les acouphènes que subit Ruben. Une évolution des sifflements jusqu’à la perte d’audition quasi totale que des implants cochléaires tentent de compenser.

La précision du travail sur le son permet d’appréhender l’évolution des perceptions auditives du batteur et ressentir le sentiment de perte qui l’oppresse peu à peu.

Dépendances

Pour Ruben, cette surdité qui s’invite dans sa vie vient bouleverser un équilibre fragile. Sound of Metal est d’autant plus percutant que ce séisme auditif remet en cause les addictions du batteur et l’oblige à se recentrer sur lui-même.

Personne n’affrontera cette épreuve à sa place et, pour une fois, il n’y a pas d’échappatoire. En résulte une fébrilité que Riz Ahmed incarne avec brio parcourant l’ensemble du film.

Pour s’adapter à cette nouvelle vie, le musicien doit prendre de la distance avec ses addictions. À commencer par la relation d’interdépendance qui l’enchaîne à Lou.

La relation entre les deux musiciens est ainsi au cœur du film. Il s’agit du phare dont Ruben doit s’éloigner pour accéder à une nouvelle vie, plus apaisée. Mais pour cela, il doit faire son apprentissage seul, loin de Lou, de l’héroïne et de la batterie.

Résilience

La découverte du monde de la surdité se double pour Ruben d’une cure de désintox. Il doit tirer un trait sur ces substituts utilisés pour éviter de se retrouver seul face à lui-même. Sound of Metal est évidemment traversé par l’idée de la résilience nécessaire pour accepter la surdité mais au-delà il s’agit pour Ruben d’être une nouvelle personne adaptée à ce nouveau monde.

Pour Ruben, la découverte de ce monde du silence a quelque chose de quasi mystique. Son apprentissage est d’ordre philosophique et cette impression que l’on est invité à partager est due à la façon dont la communauté des sourd.e.s et malentendant.e.s est montrée dans le film.

Not so quiet

Pour incarner au plus juste son personnage, en plus de l’apprentissage de la batterie, Riz Ahmed a appris le langage des signes. Une expérience qui l’a conduit à découvrir une façon de communiquer plus impliquée.

Ce langage à part nécessitant un investissement physique, l’acteur le considère plus honnête car il est impossible de se cacher derrière les pirouettes du langage parlé. Si l’immersion dans la perception auditive de Ruben est totale, il en est de même pour la communauté qui l’accueille.

Darius Marder montre les sourd.e.s et malentendant.e.s comme ils sont rarement représentés dans les fictions. Le cinéaste dynamite notamment le cliché sur le supposé silence qui entoure leurs activités lors d’une scène de repas.

La volonté de sous-titrer le film pour le rendre accessible à tou.te.s renforce l’immersion dans ce monde qui reste très mal connu des personnes entendantes. Sound of Metal invite à porter un regard différent sur les sourd.e.s et malentendant.e.s en les considérant comme une communauté riche d’une culture riche et fascinante faisant oublier le terme de handicap.

En jouant la carte du réalisme, Sound of Metal explore le monde du silence avec une volonté touchante de le comprendre de l’intérieur. L’engagement du duo d’acteurs et le travail sur le son en font une expérience viscérale qui touche au cœur.

> Sound of Metal, réalisé par Darius Marder, États-Unis, 2019 (2h00)