Depuis plusieurs jours, Edna (Robyn Nevin), matriarche de la famille vivant seule dans une maison isolée, n’a plus donné signe de vie. Inquiètes, Kay (Emily Mortimer) et sa fille Sam (Bella Heathcote) se rendent à la maison familiale pour lancer les recherches.
À la surprise générale, Edna réapparaît en refusant d’indiquer où elle avait disparu. Peut-être ne s’en souvient-elle pas. De plus en plus instable et troublant, le comportement de la vieille dame préoccupe Kay et Sam qui décident de rester quelques jours à ses côtés. Alors que son état s’aggrave, Kay envisage de placer sa mère dans une maison de retraite. Entre les trois femmes l’ambiance devient pesante tandis qu’une présence insidieuse semble planer sur la maison.
Le retour de la mommy
Si la perte d’un parent est une expérience douloureuse, le voir dépérir sans pouvoir intervenir est particulièrement déchirant. La réalisatrice Natalie Erika James a pu en faire l’amer constat lors d’une visite à sa grand-mère vivant au Japon. Consciemment ou non, la cinéaste avait maintes fois repoussé cette excursion pour voir son aînée souffrant de la maladie d’Alzheimer. Lorsqu’elle arrive enfin, il est trop tard : sa grand-mère ne la reconnaît pas. Une situation « pire que la mort » selon Natalie Erika James dont l’expérience a alimenté le script de Relic.
De retour chez elle après sa mystérieuse disparition, Edna ne semble plus vraiment être la même. Dans sa maison à la décoration désuète, la grand-mère semble un peu perdue, déjà ailleurs. Impuissantes, Kay et Sam assistent à sa lente dégradation aussi inéluctable que terrifiante.
Cette incapacité à intervenir qui fait écho à l’expérience de la cinéaste plane sur ce film qui use de l’horreur pour exacerber le désarroi ressenti par Kay et sa fille.
Horriblement réaliste
Débutant comme un drame familial, Relic intègre peu à peu des éléments inquiétants faisant basculer le film vers l’horreur. Ce glissement progressif est habilement mené par la cinéaste qui privilégie la montée en tension. Les « jump scare » auxquels se résument souvent les films du genre sont ici soigneusement remplacés par une angoisse se diffusant graduellement.
Cette subtilité se retrouve également dans le flou qui entoure les événements. En utilisant les codes de la maison hantée, Relic suggère que la vieille dame est soumise à une force mystérieuse qui expliquerait son état préoccupant. Mais rien n’est moins sûr. Derrière chaque événement horrifique se cache une explication plus terre à terre mais pas moins malaisante. Ainsi les « faits » peuvent être surnaturels ou vécus à travers le prisme de la confusion mentale.
Cette double lecture maintient habilement le film en équilibre entre le drame et l’horreur, laissant au spectateur le soin de choisir son camp. Difficile de trancher entre ce qui est le plus horrible : une manifestation surnaturelle inquiétante ou la démence d’un être aimé. Sans oublier un élément dévastateur pour les deux femmes venues au secours de leur aînée : une cruelle culpabilité.
Abandonné quelque part
Sous l’angoissant vernis horrifique, Relic s’impose comme un subtil drame familial posant la douloureuse question de l’accompagnement des personnes âgées. De retour dans la demeure familiale, Kay et Sam sont confrontées aux conséquences du temps qui passe inexorablement mais surtout à leur propre conscience.
Elle le sait, Kay aurait pu rendre visite plus souvent à sa mère. Et si elle avait été plus disponible, Edna serait-elle dans cet état ?
La fin justifie les moyens
Ce cauchemar éveillé entre en effet en résonance avec le « nouveau monde » devant vivre avec le coronavirus. Kay et Sam incarnent d’une certaine façon deux politiques difficilement conciliables sur la façon de gérer la crise : mesures strictes pour protéger les aînés ou laisser-faire fataliste synonyme d’abandon en faveur de l’économie (à savoir les actifs). Dans ce contexte si particulier, Relic renvoie le spectateur à des choix aussi bien personnels que sociétaux.
Porté par les prestations impeccables de ses comédiennes — Robyn Nevin et Emily Mortimer ont des scènes particulièrement intenses —, le film de Natalie Erika James convainc surtout avec sa conclusion. Dans une ultime scène saisissante, la cinéaste réussit la fusion subtile de l’épouvante et de l’émotion. L’horreur et le drame se mêlent alors pour une fin particulièrement troublante et étrangement apaisante.
Drame multigénérationnel à tendance horrifique, Relic évoque habilement le désarroi et la culpabilité face au déclin des êtres aimés. Sa conclusion, aussi dérangeante que touchante, impose de drame horrifique comme une œuvre à part parmi les films d’un genre manquant parfois cruellement de cœur.
> Relic, réalisé par Natalie Erika James, Australie – États-Unis, 2020 (1h29)