Coupé du monde moderne, Rob (Nicolas Cage) vit en ermite dans la nature sauvage de l’Oregon. Dans sa cabane perdue dans les bois, il n’a pour seule compagnie que sa truie truffière. Sa routine n’est perturbée qu’une fois par semaine lorsque le jeune Amir (Alex Wolff) vient récolter le fruit de ses trouvailles : des truffes à revendre à prix d’or aux restaurants de Portland.
Cette vie paisible bascule lorsque des inconnus le tabassent et repartent avec son animal de compagnie insolite. Déterminé à retrouver sa truie bien aimée, Rob se rend en ville avec Amir sur les traces des mystérieux « pignappers ». Une quête qui fait ressurgir les fantômes d’un passé douloureux.
Histoire cochonne
Réaliser un film ayant comme ressort dramatique l’enlèvement d’un cochon domestique, il fallait oser. C’est pourtant le pari réussi par le cinéaste Michael Sarnoski pour son premier long métrage. De prime abord, la situation peut en effet prêter à sourire mais il faut reconnaître que la truie de Rob n’est pas un simple cochon de basse-cour.
Comme le joli documentaire Chasseurs de truffes (2020) l’a rappelé récemment – lire notre critique -, le commerce de la truffe est une affaire très sérieuse. Les chiens dénicheurs du précieux champignon valent de l’or. Il en est de même pour le groin des cochons qui savent repérer cet ingrédient très recherché sous un amas de feuilles mortes.
Cet enlèvement de cochon n’est donc pas si délirant qu’il n’y paraît de prime abord. Il ouvre une porte sur le milieu des métiers de bouche qui va se dévoiler au fur et à mesure de l’enquête menée par Rob, un ancien chef réputé.
Un groin sympa
L’audace de ce « revenge movie » au rythme lent est d’assumer le lien qui unit Rob et son cochon. Ses interlocuteurs ont beau lui proposer une somme conséquente pour le dédommager de sa perte, le mystérieux ermite n’en démord pas : il veut récupérer « son » cochon.
Un entêtement qui place l’animal au-delà de toute considération financière ou professionnelle. La quête de Rob est résolument sentimentale. Et le film réussit à imposer cette évidence qui fait écho à la situation de l’ermite, volontairement coupé d’un monde qui vient – une nouvelle fois – le tourmenter.
Reclus du monde suite à un deuil impossible, Rob voit en effet la civilisation frapper à nouveau à sa porte avec l’enlèvement de son précieux cochon. Difficile de ne pas ressentir de la compassion pour cet homme qui ne demandait rien à personne et que l’injustice vient à nouveau bousculer. Et pour retrouver son animal, Rob va devoir replonger dans ce monde moderne qu’il a volontairement fui.
Cage, acteur normal
Malgré une carrière diversifiée, Nicolas Cage reste le plus souvent associé à des rôles de personnages excités avec un appétit particulier pour l’outrance. Une sensation renforcée par la culture internet, mèmes et gifs capturant les expressions les plus excessives de l’acteur. Ce ressenti d’un acteur se délectant de rôles exaltés a pu être renforcé par ses films récents.
Nicolas Cage endosse souvent le costume du héros salvateur ou en quête de vengeance. Ainsi dans l’excitant Mandy (2018) de Panos Cosmatos il part en guerre contre une secte religieuse. Plus récemment, dans le foutraque Prisoners of the Ghostland (2021) il incarne un criminel à la rescousse d’une femme mystérieusement disparue. Des quêtes qui mettent en avant une incarnation musclée dans des univers décalés.
Comme pour prendre le contrepied de cette représentation devenue caricaturale, Pig joue la carte du antihéros à mille lieux de la frénésie que l’acteur peut dégager. Nicolas Cage joue avec une retenue touchante cet ancien chef cuisinier reconnu qui a décidé de s’éloigner de la civilisation. Son jeu minimaliste rappelle à ceux qui l’auraient oublié l’étendue de sa palette d’acteur.
Rob mène en effet son enquête sans fracas, son combat étant avant tout contre des souvenirs d’un passé douloureux qu’il avait choisi d’oublier. Avec sa prestation nuancée, Cage porte le film sur ses épaules. Il offre de la crédibilité à cet attachement porcin et entraîne sa quête de vengeance vers la délicate question du deuil.
Assigné à résilience
Avec l’enlèvement de sa truie adorée, Rob est confronté à un éventuel nouveau deuil qu’il ne semble pas prêt à accepter. Au fil de l’enquête pour retrouver l’animal, Pig glisse délicatement vers une réflexion touchante sur la perte et la difficulté de faire son deuil. Et cette fois-ci, Rob décide de faire face.
Évoluant dans le milieu de la gastronomie, cette idée d’une résilience inatteignable est habilement associée au pouvoir évocateur de la nourriture. La confection d’un plat, symbole de partage, est aussi une manière de se souvenir d’un passé plus joyeux. En jouant la carte de la nourriture réconfortante, Pig saupoudre sur cette quête vengeresse un voile nostalgique à la saveur douce amère.
Pour son premier film, Michael Sarnoski ose un improbable enlèvement de cochon pour évoquer le sentiment d’une perte inconsolable. Pig réussit ce pari risqué notamment grâce à l’interprétation de Nicolas Cage, d’une justesse bouleversante. Comme le confirme l’adage : tout est bon dans ce cochon.
> Pig, réalisé par Michael Sarnoski, Royaume-Uni – États-Unis, 2021 (1h45)