L’existence de Julia (Carla Crespo) bascule lorsque sa compagne Barby (Antonella Saldicco) décède soudainement. Alors que Julia se retrouve seule pour gérer leur restaurant, elle tente de sauvegarder sa relation privilégiée avec León (Lorenzo Crespo), le fils de Barby.

Mais l’équilibre entre Julia et León est menacé par Débora (Susana Pampín), une grand-mère obstinée, et le retour inattendu d’un père absent.

Séisme familial

Avec León, les deux Argentins Andi Nachon et Papu Curotto traitent en parallèle deux conséquences d’une disparition brutale. La mort de la compagne de Julia vient fragiliser le cocon familial formé par Julia, Barby et son fils. Sans lien biologique ni légal avec León, la situation de Julia confrontée au deuil pose la question de l’évolution de son lien avec le jeune garçon.

Sa place est d’autant plus remise en cause lorsque la mère de Barby, plutôt envahissante, vient se mêler des affaires de Julia, sur le plan personnel et professionnel. Et pour compliquer les choses, le père du jeune garçon refait surface après avoir déserté de longues années sa paternité. Une configuration qui a de quoi interroger la nature des liens familiaux, ce que le film fait avec beaucoup de justesse.

Deuil universel

Dans ce glissement des plaques tectoniques familiales, le couple formé par Julia et Barby n’est pas traité différemment d’un couple hétérosexuel. Il n’y a pas d’expression homophobe dans León. Cette absence banalise de fait la situation et permet de se concentrer sur les choix auxquels est confrontée Julia. Le film interroge ainsi de façon universelle le rôle de beau-parent sans place bien établie emporté par la tempête du deuil.

Que le restaurant géré par Julia et Barby porte le nom du fils de la disparue est un symbole qui devient très concret. Une fois Barby disparue, le projet de restaurant et le lien avec León deviennent indissociables. Tous deux sont le fruit et l’héritage d’un amour désormais perdu que Julia doit continuer à faire vivre. À moins qu’elle décide de tout laisser derrière elle…

Le grand chamboulement

Sans grande effusion, León est porté par les états d’âme de Julia. Chamboulée par la perte de l’être aimé, elle tente de retrouver un second souffle. Malgré une grand-mère envahissante et un père qui revendique son autorité paternelle sur le tard, le cœur du film reste cependant centré sur la perception de Julia. Une exploration intime du deuil entre découragement et attachement à León, le fils et le restaurant.

Ainsi les doutes de Julia ne concernent pas seulement le combat pour conserver le lien devenu fragile avec le fils de sa compagne. Il s’agit également d’une exploration pudique d’un drame brutal amenant à reconsidérer l’avenir. Toujours accrochée au souvenir de Barby, Julia est aussi tentée de partir sur la côte en laissant tout derrière elle pour se réinventer en réalisant un vieux rêve. Une idée qui s’avère aussi libératrice que culpabilisante au sein de ce deuil compliqué.

Tendre regard sur le deuil, León exprime avec pudeur et simplicité le choc de la perte et ses conséquences, entre évasion et affrontement. Un dilemme qui interroge la nature des liens familiaux au-delà de ceux du sang et le besoin de se reconstruire après une perte.

> León, réalisé par Andi Nachon et Papu Curotto, Argentine, 2023 (1h20)