« On dirait la planète Mars », la galère des étoiles

« On dirait la planète Mars », la galère des étoiles

« On dirait la planète Mars », la galère des étoiles

« On dirait la planète Mars », la galère des étoiles

Au cinéma le

La première mission habitée sur Mars est en péril. Heureusement, cinq « doubles » des astronautes sont scrutés de près pour résoudre les conflits spatiaux. Mais l'expérience se révèle peu concluante. Basé sur une idée originale, On dirait la planète Mars ramène malicieusement l'immensité du rêve interstellaire au niveau de préoccupations bassement humaines. Une comédie délicieusement farfelue qui interroge, entre deux rires, l'unicité de notre condition d'être humain fasciné par ce qui le dépasse.

La mission menée par cinq astronautes envoyés pour la toute première fois sur Mars bat de l’aile. Les relations se dégradent entre les explorateurs de la planète rouge dans cet environnement très hostile et les conséquences pourraient être désastreuses. Heureusement, la branche canadienne de l’agence spatiale a une solution !

La structure a installé cinq anonymes dans une base déserte en plein désert. Citoyens lambda, ils ont été sélectionnés pour la proximité de leurs profils psychologiques avec ceux des astronautes. Tout au long de l’exercice, ils vont devoir vivre comme eux, penser comme eux et se comporter comme eux. Un mimétisme qui doit aider l’agence à anticiper et résoudre les conflits de l’équipe martienne.

Renommés John (Steve Laplante), Steven (Larissa Corriveau), Liz (Denis Houle), Gary (Hamza Haq) et Janet (Fabiola Nyrva Aladin), les doublures se prêtent à ce drôle de jeu de rôle en espérant sauver la mission. Mais le désert canadien n’est pas Mars. Et ils ne sont pas vraiment astronautes.

On dirait la planète Mars © UFO Distribution

Prévoir double

Au commencement il y a Space Utopia, une exposition du photographe Vincent Fournier. Le réalisateur Stéphane Lafleur est fasciné par les photographies à la fois « poétiques et vertigineuses » d’astronautes perdus dans le désert. Il découvre plus tard que les sujets sur les clichés sont salariés d’une société qui organise des simulations martiennes dans le désert. Ce concept de « faire semblant » à travers un protocole très scientifique intrigue le cinéaste qui y voit une bonne ébauche de film.

Puis vient ce documentaire sur les sondes Voyager, envoyées aux confins de notre système solaire. Stéphane Lafleur y apprend que des doubles des sondes sont soigneusement conservées sur Terre pour régler les problèmes à distance. Et si ce principe de copie conforme était appliqué aux astronautes ?

On dirait la planète Mars © UFO Distribution

Second drôle

En partant de ce concept décalé et prometteur, On dirait la planète Mars joue sur les faux semblants d’une équipe qui se veut une réplique plus ou moins fidèle des astronautes envoyés sur Mars. La comédie s’amuse du décalage des genres imposés par la compatibilité supposée avec les astronautes. Les test de personnalités ont rendu leur verdict : « Steven » s’incarne ainsi dans la frêle silhouette d’une femme et « Liz » est un homme !

Cet étonnant jeu de rôle est un clin d’œil au métier d’acteur offrant une lecture méta réjouissante. Larissa Corriveau, vue récemment dans Un été comme ça (2022) de Denis Côté – lire notre critique – et ses compagnons prennent un malin plaisir à incarner ces rôles dans une position ambiguë. Il ont après tout été sélectionnés pour ce qu’ils sont mais comme une copie des véritables astronautes.

Cette incarnation prend une tournure touchante pour David, un professeur d’éducation physique qui enfile le costume de John Shepard, ingénieur en aérospatial. Il y voit l’occasion inespérée de se projeter dans un rêve inaccessible. Certes, il n’est pas envoyé dans l’espace mais il croit fermement à l’utilité de l’expérience, pour les astronautes et pour l’humanité. Et la nonchalance affichée de Steven a tendance à l’agacer…

On dirait la planète Mars © UFO Distribution

On dirait que…

Comme des enfants qui se lancent dans un jeu – on dirait que je suis astronaute et qu’on est sur Mars -, cette comédie interstellaire qui a les pieds sur terre s’avère très ludique, malgré la gravité de l’enjeu. Stéphane Lafleur entremêle habilement l’aspect un peu ridicule de cette mise en scène au milieu du désert et l’implication sincère des participants.

À l’instar des anonymes incarnant les astronautes, On dirait la planète Mars s’amuse à être ce grand film de science-fiction dont il ne possède pas les moyens. Comme une charmante série B qui cherche à se hisser à la hauteur de ses modèles. Le cinéaste emprunte les thématiques, costumes et décors des grandes superproductions hollywoodiennes pour mieux les sortir de leur contexte.

Lors d’une sortie hors du module, la rencontre lunaire entre les pseudos astronautes et deux cow-boys appuie cette volonté de détourner les clichés du cinéma américain. Cette rencontre incongrue entre le western et le la science-fiction – qui n’est d’ailleurs plus si fictionnelle, la NASA rêvant d’aller sur Mars avant 2030 – symbolise l’esprit du film, entre hommage et décalage réjouissant.

On dirait la planète Mars © UFO Distribution

L’infiniment banal

Le ressort comique repose aussi sur le fossé qui se creuse entre le sérieux annoncé du procédé et l’absurdité de certaines situations, si ce n’est du concept entier. Rapidement, le procédé est menacé par la routine du quotidien qui crée les premières tensions dans un contexte de promiscuité pesante.

Ainsi, Liz reproche à John sa consommation excessive de morceaux de sucre destinés à son café. Face à l’Histoire de la conquête spatiale en train de s’écrire, nous sommes ramenés à des querelles insignifiantes, terriblement humaines. Ces embrouilles quotidiennes sont d’autant plus savoureuses qu’elles sont savamment consignées par une procédure très scientifique respectée à la lettre.

Ainsi la phrase « Je suis content qu’on ait eu cette conversation » qui revient comme un gimmick de plus en plus irrésistible doit conclure toute conversation. La formule ne tarde pas à prendre un ton de plus en plus cynique au fur et à mesure de l’aventure. Car, au quotidien, chacun se révèle. Et pas forcément sous son meilleur jour.

On dirait la planète Mars © UFO Distribution

Pire ennemi

Bonne idée sur le papier, cette expérience sociologique devient de plus en plus bancale alors que les doubles doivent s’approprier les états d’âme de leur modèle de l’espace tout en luttant avec leurs propres sentiments. Comédie très efficace, On dirait la planète Mars est parcourue par ce concept de l’identification supposée parfaite entre les astronautes et leurs doublures.

Après tout, des millions de personnes lisent chaque jour leur horoscope. Comme si le fait d’être né à un certain moment de l’année allait influer sur le fait de passer une bonne ou mauvaise journée. Le test psychologique de l’agence spatiale a le mérite d’être plus scientifique que l’astrologie mais la promesse de trouver un double parfait sur le plan émotionnel ou logique semble aussi approximative.

D’ailleurs, comme on pouvait le prévoir, l’aventure ressemble de plus en plus à une télé-réalité au sein de laquelle les participants ne rêvent que de s’échapper. Mais il n’y a que peu d’issue lorsque l’on prétend être sur Mars et chacun se retrouve alors face à lui-même, ses erreurs et ses espoirs. Et l’être humain se révèle irrémédiablement le point faible et touchant de cette drôle d’aventure.

On dirait la planète Mars © UFO Distribution

Flirtant entre le vertige de l’infiniment grand et les petites mesquineries, On dirait la planète Mars est une réjouissante comédie de faux-semblants. Jeu méta sur l’incarnation, elle révèle cette humanité d’autant plus attendrissante qu’elle est imparfaite, obnubilée par ce désir fou de transcendance.

> On dirait la planète Mars, réalisé par Stéphane Lafleur, Canada, 2022 (1h44)

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