Pour réaliser son rêve olympique, Olga (Anastasia Budiashkina), gymnaste ukrainienne de 15 ans, quitte son pays natal pour rejoindre la Suisse. Au sein de l’équipe helvétique, elle s’entraîne pour participer au Championnat d’Europe de gymnastique artistique de 2013. Son objectif : être sélectionnée pour les JO.
En s’exilant en Suisse, Olga a accepté d’abandonner sa nationalité ukrainienne, le pays n’acceptant la double nationalité pour ses athlètes. Elle laisse également derrière elle sa mère, une journaliste menacée pour les sujets qu’elle traite.
Entre deux entraînements, la jeune gymnaste suit à distance les événements d’Euromaïdan qui font trembler le gouvernement ukrainien. Une révolte dans son pays natal que sa mère couvre en prenant tous les risques qu’elle suit, impuissante, par écrans interposés.
Du violon aux barres parallèles
Si le premier long métrage d’Elie Grappe est une fiction, il est fortement inspiré par son expérience de documentariste. Fin 2015, alors qu’il co-réalise un documentaire sur un orchestre dans l’univers des conservatoires qu’il connaît bien, Elie Grappe rencontre une violoniste ukrainienne. Elle lui raconte son arrivée en Suisse, juste avant la révolte d’Euromaïdan, et la façon dont elle a vécu cette crise, exilée loin de son pays natal.
Ces confidences donnent naissance dès 2016 à un scénario explorant cette thématique de l’exil et du rapport parfois compliqué à la nationalité, transposée dans l’univers de la gymnastique. Avec Olga, le cinéaste filme la passion d’une adolescente et son dévouement physique total à une pratique exigeante. Et pour plus de véracité, il s’est entouré de véritables athlètes.
Vraies pirouettes
À l’instar du film Nadia, Butterfly (2020) – lire notre critique -, interprété par des nageuses professionnelles, Olga fait appel à de jeunes athlètes d’élite. Ainsi les personnages d’Olga et son amie Sasha (Sabrina Rubtsova) font partie de l’équipe nationale de réserve d’Ukraine. Les coachs et d’autres athlètes du centre d’entraînement suisse sont des membres de l’équipe nationale suisse.
Si les personnages sont fictifs, le scénario s’est nourri de leurs diverses personnalités et expériences. La méthode choisie par le cinéaste insuffle un regard quasi documentaire sur la pratique de ce sport exigeant. Le tournage a d’ailleurs dû s’adapter au rythme des entraînements.
De façon moins prévisible, les caméras ont dû s’arrêter en 2020 à cause du coronavirus. Le tournage n’a finalement été achevé que 9 mois après son démarrage. Une gestation longue qui n’a pas empêché le film de recevoir le prix SACD à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes. Olga représentera également la Suisse aux Oscars 2022.
Distanciation sociale
Cette volonté de réalisme au plus proche des athlètes, s’est également étendue au traitement des manifestations pro-européennes d’Euromaïdan. Les images des manifestations présentes dans le film sont des vidéos prises par les manifestants eux-mêmes, avec leur téléphones. Une façon de capter sur le vif le chamboulement politique de l’époque auquel répondent les séances intenses d’entraînement de la jeune athlète.
Ces images brutes, Olga les regarde à distance de la même façon qu’elle communique avec sa mère, à travers l’écran d’un ordinateur. Loin de ses racines, elle tente de capter le pouls d’un pays en crise qu’elle ne reconnaît plus. Les images des manifestations font planer sur le film une tension permanente et ce conflit résonne avec celui qui étreint l’adolescente.
Pays refuge pour Olga, la Suisse incarne la neutralité et la distance par rapport au reste du monde. Ce pays d’accueil est aussi la promesse de réaliser ses rêves pour l’athlète. Mais à quel prix ? Difficile pour elle de rester indifférente aux événements alors que sa mère prend tous les risques loin d’elle. L’impuissance et le sentiment de trahison planent sur la conscience de l’adolescente.
Exercice hors sol
Le choix de la gymnastique n’est pas anodin de la part du réalisateur. Sport à la fois individuel et collectif, sa pratique entre en résonance avec le dilemme de la jeune sportive, tiraillée entre son rêve intime et un enjeu géopolitique qui la dépasse. En mettant en scène les transferts de sportifs et d’entraîneurs entre pays, Elie Grappe interroge le sens de la nationalité pour un.e athlète.
Lorsqu’elle abandonne sa nationalité ukrainienne pour rejoindre la Suisse, Olga se retrouve dans le pays d’un père qu’elle n’a presque jamais connu. Maîtrisant mal la langue française, elle est mise à l’écart des autres sportives. Dans ces conditions, quel sens donner à l’hymne qui résonnera en cas de victoire ?
Olga capte avec brio ce décalage entre la fierté nationale et l’ambition sportive personnelle. Pour la jeune sportive, ce grand écart est d’autant plus douloureux que son pays semble imploser sous ses yeux.
Plongée réaliste dans les coulisses d’un sport exigeant, Olga dépeint le dilemme poignant d’une athlète partagée entre ses ambitions sportives et l’abandon d’une patrie et d’une mère. De la haute voltige qui mêle avec grâce le sentiment d’indépendance propre à l’adolescence face au concept mouvant de la nationalité dans la sphère sportive.
> Olga, réalisé par Elie Grappe, France – Suisse – Ukraine, 2021 (1h25)