Ma nuit avec l’ouragan Sandy

Ma nuit avec l’ouragan Sandy

Ma nuit avec l’ouragan Sandy

Ma nuit avec l’ouragan Sandy

1 novembre 2012

Aurélie Desmas vit à New York. Elle a vécu son deuxième "Hurricane" dans la grosse pomme. Après Irène qui avait fini, malgré des pronostics alarmants, en pétard mouillé, Sandy a également surpris, mais pas pour les mêmes raisons. L'ouragan fut d'une immense violence. La ville a la gueule de bois et, plusieurs jours après, ne sort pas la tête de l'eau. Aurélie raconte.

La semaine passée, on a entendu que l’hurricane Sandy avait fait des dégâts dans une zone où il n’est que trop courant d’entendre ce genre de nouvelles – Haïti et Cuba faisaient état de plus d’une centaine de morts. Je m’y suis intéressée parce que j’étais allée en Haïti l’année passée mais ici, l’événement est passé inaperçu.

Flick4_CC_Reeve Jolliffe

Et puis vendredi la nouvelle s’est répandue : Sandy se dirigeait dangereusement vers New York. Après le flop de l’an passé, lorsqu’Irène n’avait fait que quelques malheureux dégâts pour être passée trop loin de Manhattan, personne – y compris le maire Bloomberg – ne voulait trop donner l’impression de paniquer. Donc par mesure préventive, une zone d’évacuation obligatoire a été établie comme l’année dernière et les consignes de sécurité habituelle ont été données (faire le plein d’eau et de nourriture, rester chez soi, ramasser à l’intérieur tout ce qui pourrait s’envoler et casser des fenêtres, et… rester éloigné des fenêtres – ces mesures étant un peu plus complètes pour les personnes âgées et les familles avec enfants en bas âge).

Le calme, puis la tempête 

Dimanche matin – une annonce officielle suite aux propos peu rassurants des météorologues, nous apprenait que le système de transport serait à l’arrêt complet a partir de 20h. Tentée par l’expérience pour mon second hurricane, je suis allée me balader le long de l’East River. Tout paraissait assez serein, la rivière amorçait une tranquille descente de marée : le mythe du calme avant la tempête. Seules les chaines de supermarchés et autre drugstores étaient anormalement peuplées pour un dimanche. L’hurricane était sensé arriver dans la soirée. Et en effet, la pluie a commencé vers les 21h, avec un vent qui n’avait, à cette heure, rien de menaçant.

Lundi matin, au réveil, le vent soufflait davantage et la pluie ne s’était toujours pas arrêtée. Les rapports météo étaient de plus en plus alarmants – Sandy était en effet trois fois plus large que ne l’était Irène et sa progression était bien plus rapide. Ainsi, de l’immeuble où j’étais à Williamsburg, on pouvait voir des ouvriers ramasser bien vite des planches laisser à traîner : New York n’étant pas une zone à cyclones, les assurances ne couvrent souvent pas les dommages causés à un tiers en cas de coup dur. Ces mêmes rapports d’experts nous expliquaient que le pire était en fait à venir – un changement de trajectoire de dernière minute avait déjoué les estimations. Le pire nous arrivait et se trouvait de l’autre côté de l’oeil du cyclone.
Œil qui était au dessus de Brooklyn vers 17h – une brève accalmie en effet, comme si l’hurricane reprenait son souffle de pluie et de vent avant de reprendre de plus belle, vers 19h30 alors que la nuit s’était déjà installée.

FlickR_CC_Ccho

Petite, on me disait souvent que la nuit amplifie les sons mais que ce n’était pas une raison d’avoir peur. J’avoue y avoir pensé en écoutant Sandy : les bruits du vent et des pluies diluviennes qui déferlaient sur la ville étaient tout de même bien réels et effrayants. Les sons causés par les tôles, planches, plantes et autres matériaux emportés par le vent et atterrissant brutalement on ne sait où, un échafaudage qui s’effondre, rendaient l’atmosphère apocalyptique. Les sirènes des pompiers étaient ce qui me semblait le plus angoissant : à New York, le bruit des sirènes est constant et fait partie du paysage sonore mais dans ces circonstances, savoir que ces pompiers risquaient leur vie pour travailler dans de pareilles conditions alors que tout le monde avait reçu consigne de ne pas sortir rendait le bruit de sirène terriblement angoissant.

La gueule de bois

FlickR_CC_David Shankbone

Mardi matin – bilan pour tout le monde. Lire sur Internet ce qui s’est passé au coin de la rue fait un drôle d’effet. Surtout quand il s’agit de Manhattan dans lequel je travaille et qui se trouve à seulement une station de métro de là où je suis. Le métro accuse le choc, et tout le système de transport en commun reliant Manhattan à Brooklyn, au Queens et au New Jersey est paralysé : tous les tunnels ont été sévèrement inondés et chaque rail doit être inspecté avant d’être remis en service. L’eau de mer sur le métal décuple les risques de corrosion et le métro New-Yorkais a tout de même plus de 108 ans (selon le site officiel, c’est la première fois en 108 ans qu’une telle catastrophe arrive).

Un générateur sur Manhattan a explosé pendant le passage de Sandy lundi soir plongeant la partie sud de l’ile dans le noir total. Le courant n’a toujours pas été rétabli pour le moment et la compagnie électrique ne donne pas de nouvelles quant à la date à laquelle le service sera à nouveau disponible. Aussi le sud de Manhattan qui comprend le bureau dans lequel je travaille mais aussi Wall Street, la réserve fédérale, le West Village, l’East Village, Chinatown et bien d’autres quartiers encore n’ont pas d’électricité, donc pas de système de pompage efficace pour les parties inondées (toutes les zones en bord de mer sont en effet sous les eaux). Long Island a aussi été très touchée : la baie de Long Island très prisée des New-yorkais pendant l’été est pratiquement entièrement sous les eaux, sans électricité (tout comme le New Jersey et le nord de l’état de New York).

FlickR_CC_Ccho

Le métro doit reprendre le service mercredi pour les lignes ne passant pas sous l’East River, laissant Brooklyn et le Queens un peu à la traîne pour le moment. Alors, les compagnies du nord de Manhattan prêtent des bureaux et entre clients et fournisseurs, les messages de soutien et de compréhension s’échangent pour excuser les retards de livraison et s’assurer que tout va bien.
Tout le monde espère un retour à la normale en début de semaine prochaine au plus tard et un retour au ‘Business as usual’.