« Near Death Experience », le suicide onirique

« Near Death Experience », le suicide onirique

« Near Death Experience », le suicide onirique

« Near Death Experience », le suicide onirique

Au cinéma le

Un homme lassé de tout s’exile dans la montagne avec l’intention de se suicider mais, face au vide, il hésite. Il erre alors pendant plusieurs jours en pleine nature, analysant sa vie avec dureté mais aussi avec un certain détachement. Un trip radical et attachant signé par le duo Delépine et Kervern.

Paul (Michel Houellebecq), salarié d’une plateforme d’assistance téléphonique de l’opérateur Orange, est proche de la retraite. En plein burnout, il envisage très sérieusement l’option du suicide. Alors qu’il végète sur son canapé devant le journal de Jean-Pierre Pernault, un reportage sur la superstition entourant le vendredi 13 déclenche chez lui l’envie de passer à l’acte. Paul part alors en vélo dans la montagne avec la ferme intention d’en finir avec la vie. Mais une fois arrivé sur place, l’apprenti suicidaire hésite à faire le saut fatal. Pendant quelques jours, Paul va vivre une expérience inédite : pas encore mort mais plus vraiment vivant, un statut propice à l’introspection et au bilan d’une vie. Un retour à l’état sauvage désespéré qui bénéficie du second degré et de l’humour (forcément noir) des réalisateurs Delépine et Kervern.

Near Death Experience

Introspection en pleine nature

Near Death Experience joue à fond la carte de la contemplation : ce que Paul s’avoue à lui-même il pourrait aussi bien le dire lors d’une séance de psychothérapie. Sauf que cet homme de 56 ans n’a pas fait le choix de pousser la porte d’un spécialiste et va affronter ses doutes et son mal-être avec la montagne comme seul témoin. Confronté à la nature – forcément hostile – Paul analyse sa vie : famille, société, travail… autant de sujets évoqués en voix off avec lucidité et une touche de dérision. Une introspection illustrée par des plans souvent fixes, dans lesquels il ne se passe rien ou pas grand-chose, pour mieux évoquer l’ennui et le vide intérieur de cet homme fatigué et concentrer l’attention sur ses paroles. Des mots, parfois drôles, souvent très justes qui illustrent les doutes d’un individu perdu dans son époque. Seul à l’image pendant quasiment tout le film, Michel Houellebecq assure ; le lauréat du prix Goncourt en 2010 se donne à fond et incarne à merveille ce cinquantenaire en plein doute métaphysique. On s’habitue assez rapidement à sa diction parfois approximative et on se laisse entraîner par la poésie de certaines réflexions.

Near Death Experience

Désespéré et décalé

La réflexion sur la société actuelle, souvent acerbe et omniprésente dans les films de Benoît Delépine et Gustav Kervern depuis Aaltra (2004), est plus tangible que jamais. Plus explicite – le film est assez bavard –, cette critique est plus virulente mais ne sombre jamais dans le pessimisme absolu grâce à un décalage salvateur qui évite de se prendre trop au sérieux. Le personnage le reconnait d’ailleurs lui-même quand il se fait le reproche suivant : « Paul tu parles trop et tu ne te suicides pas assez ». L’expérience de ce « pauvre gars » comme il se définit est touchante car elle pointe du doigt certaines vérités : Paul est fatigué des objectifs, de la pression sociale qui le pousse à paraitre jeune, séduisant, sportif et en bonne santé. En décalage avec ses enfants, sa femme et la société en général, l’homme qui est également atteint d’un cancer se sent « obsolète » mais évoque toutefois des raisons de continuer à endurer cette vie même imparfaite. Ce doute sur sa capacité à se suicider fait évidemment tout le suspens du film, habilement entretenu jusqu’au dénouement qui nous prend totalement par surprise.

Near Death Experience assume pleinement son statut contemplatif et sonne très juste. Porté par un Michel Houellebecq usé à souhait, la mélancolie de cet homme terrifié par la fin du parcours émeut, amuse et fait réfléchir. Un film-poème attachant qui a la pudeur de prendre son désespoir avec un certain recul.

> Near Death Experience, réalisé par Benoît Delépine et Gustave Kervern, France, 2013 (1h27)

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