« Mon ninja et moi », un héros anti ego

« Mon ninja et moi », un héros anti ego

« Mon ninja et moi », un héros anti ego

« Mon ninja et moi », un héros anti ego

Au cinéma le 15 juillet 2020

Pour son 13ème anniversaire, Alex reçoit une curieuse poupée ninja. Doué de parole, le jouet propose un marché au jeune ado : il promet de l'aider à ne plus se faire marcher sur les pieds, en échange de quoi Alex devra l'accompagner dans une mystérieuse mission. Véritable phénomène au Danemark, Mon ninja et moi surprend par son ton cash et ses préoccupations dans l'air du temps. Une aventure résolument moderne et vivifiante qui pourfend à coup de sabre nos lâchetés individuelles.

Élève en classe de 5ème, Alex n’aime pas se faire remarquer et fuit régulièrement la confrontation. À l’école, il fait partie du groupe d’élèves souffre-douleurs et a du mal à s’imposer au sein de sa famille recomposée. Pour son anniversaire, Alex reçoit de la part de Stewart, son oncle excentrique, de retour de Thaïlande, une poupée ninja vêtue d’un inhabituel tissu à carreaux.

L’adolescent est loin de se douter que ce mystérieux ninja va bousculer sa paisible existence. Alex découvre en effet que le jouet s’anime et qu’il parle ! Le ninja lui propose un pacte secret : il lui promet de le rendre plus fort pour affronter ses peurs à la maison comme à l’école. Et au passage conquérir le cœur de la ravissante Jessica. En échange, Alex devra soutenir l’espiègle jouet dans une mission périlleuse : venger la mort d’un enfant.

Mon ninja et moi © Koba Films

Ninja danois

Adapté du livre Ternet Ninja par Anders Matthesen, coréalisateur du projet, Mon ninja et moi a marqué le box-office danois avec plus de 950 000 entrées. Un record étonnant pour un film d’animation puisque ce chiffre correspond à près d’un habitant sur cinq s’étant déplacé pour assister aux aventures du jeune Alex et de son improbable ninja à carreaux.

Visuellement, le résultat n’est certes pas comparable aux productions des grands studios — qui ont évidemment d’autres moyens — mais l’animation ne démérite pas pour autant. La taille des mains — légèrement surdimensionnée par rapport au reste du corps — est un parti pris assez déconcertant qui peut distraire mais il serait mesquin de pinailler sur ce genre de détails. La force de ce film d’animation réside ailleurs.

Mon ninja et moi © Koba Films

Dans l’air du temps

Dès les premières minutes, Mon ninja et moi annonce la couleur en mettant en scène le décès d’un jeune thaïlandais. Enfant esclave dans une usine où sont conçues des poupées ninja, celui-ci est tué de sang-froid par Philip Eppermint, un fabricant de jouets sans scrupules. Une entrée en matière pour le moins radicale pour un film d’animation destiné aux enfants qui surprend et force le respect pour sa prise de risque.

Ainsi débute le périple de la poupée à carreaux, habitée par l’esprit vengeur d’un ninja qui, cinq siècles plus tôt, n’a pu protéger les enfants dont il avait la garde. Arrivé au Danemark, le jouet compte sur l’aide d’Alex pour venger la mort du jeune thaïlandais. Mon ninja et moi traite ainsi la thématique sensible du travail forcé des enfants en Asie mais également d’autres sujets de société comme le harcèlement scolaire ou encore les familles recomposées.

Mon ninja et moi © Koba Films

Sirena, la mère d’Alex, incarne une conscience écologique en imposant le bio et le sans gluten à toute sa famille — au grand dam de ses membres pas franchement emballés — tandis que Phil, le beau-père, vit aux dépens de sa compagne. De son côté, l’oncle Stewart, alcoolique et consommateur de drogue douce supposé, apporte quant à lui une réflexion sur l’usage des produits stupéfiants.

La barque peut paraître chargée mais Mon ninja et moi aborde tous ces sujets — et bien d’autres, il est notamment fait référence au mouvement #metoo — avec habilité et naturel, sans forcément imposer de leçon.

À partir de 8 ans ?

Cette façon de traiter ces sujets — plus ou moins graves — avec recul et sans imposer une lecture moralisatrice peut d’ailleurs troubler. D’autant plus que le ton adopté est à l’image des sujets évoqués, sans concession. L’univers d’Alex n’a rien d’aseptisé comme cela est souvent le cas dans les films destinés au jeune public.

Mon ninja et moi © Koba Films

Alex et ses camarades s’expriment — ô surprise ! — comme de jeunes adolescents de leur âge. Et le ninja à carreaux n’a pas non plus sa langue dans sa poche lorsqu’il s’agit de mettre la pression sur Glenn, la brute qui terrorise Alex. S’il peut dérouter, ce parti pris d’adopter un langage cash et réaliste est également rafraîchissant. Ce ton cash est en tout cas en parfaite cohérence avec un film qui n’hésite pas à aborder franchement les sujets.

Justicier responsable

Véritable combattant, le ninja est prêt à faire couler le sang pour se venger du meurtre auquel il a assisté en Thaïlande. Si la poupée va apprendre à Alex à prendre confiance en soi, le jeune ado va devoir tempérer les ardeurs de son nouvel ami en tissu. Car le côté rentre-dedans de Mon ninja et moi ne valide pas pour autant l’usage de la violence prônée par le ninja. Bien au contraire, son message plaide pour une justice apaisée, excluant de fait la loi du talion décrétée par la poupée vengeresse.

Mon ninja et moi © Koba Films

D’une façon plus générale, Mon ninja et moi porte également un regard intéressant sur la notion de responsabilité individuelle. Symbole d’une mondialisation sauvage, Philip Eppermint n’hésite pas à faire travailler des enfants thaïlandais, littéralement jusqu’à la mort. Son excuse ? S’il ne le fait pas, d’autres le feront de toute façon.

La logique mortifère du chef d’entreprise sans scrupule fait disparaître la responsabilité individuelle devant l’écrasante pression d’un cynisme sociétal globalisé. Derrière cette réflexion se cache une réelle question de morale individuelle pouvant s’appliquer à une multitude de domaines : économique, écologique, éthique… Un débat d’une actualité brûlante que Mon ninja et moi tranche à coup de sabre avec une détermination réjouissante.

En abordant sans détour des sujets sociétaux sensibles, Mon ninja et moi détonne dans le paysage des films d’animation pour enfants souvent aseptisés. À l’instar de son héros à carreaux, voici une aventure qui ne cherche pas à mettre les formes pour dire ses quatre vérités à un monde à l’égoïsme coupable.

> Mon ninja et moi (Ternet Ninja), réalisé par Anders Matthesen et Thorbjørn Christoffersen, Danemark, 2018 (1h21)

Mon ninja et moi (Ternet Ninja)

Date de sortie
15 juillet 2020
Durée
1h21
Réalisé par
Anders Matthesen et Thorbjørn Christoffersen
Avec
AloÏs Agaësse, Adeline Chetail, Stéphane Ronchevski, Thierry Jahn, Martial Leminoux, Marie Chevalot, Thomas Sagols
Pays
Danemark