Mireille Fournier, auteur de cet article, est étudiante en droit à Montréal. Elle a participé au Printemps érable et suit pour Citazine l’évolution de la situation.
Une victoire tiède pour le Parti Québécois
L’élection de Pauline Marois au poste de Premier ministre, la première femme à diriger le Québec, a été ternie par une fusillade au théâtre Métropolis où se réunissaient ses partisans, faisant un mort et un blessé grave. Un triste événement dont on peut craindre le précédent dans une tradition politique pacifique comme la nôtre. Et s’il est l’oeuvre d’un homme isolé, il souligne toutefois le malaise des Angolophones du Québec, qui craignent pour leur statut avec l’arrivée des souverainistes au pouvoir. Rappelons que l’homme a agi alors que Pauline Marois prononçait cette phrase : « L’avenir du Québec, c’est de devenir un pays souverain. »
Élue sans la majorité absolue des sièges à l’Assemblée nationale, Pauline Marois dirige désormais un gouvernement aux mains liées. Le Parti Québécois (centre gauche indépendantiste) n’a gagné qu’avec 54 sièges sur 125. Le Parti Libéral (centre droite-fédéraliste) devient le premier parti d’opposition avec 50 sièges et l’arbitrage du pouvoir (19 sièges) tombe entre les mains de la Coalition Avenir Québec (CAQ), un nouveau parti de droite modérée, teinté de populisme et nationalisme, mené par François Legault. Ce sont donc deux partis aux convictions opposées, le PQ et la CAQ, qui devront s’entendre pour régler les enjeux critiques de la province.
Pour mettre fin à la crise politique en lien avec le financement des universités et la hausse des frais de scolarité, Pauline Marois a promis de faire annuler cette mesure et la loi 12 (issue du projet de loi 78) par décret, au premier jour du gouvernement. De plus, les libéraux ont perdu le pouvoir ; ils ont payé leur prétention à faire régner l’ordre au-dessus de la volonté populaire. C’est donc une victoire pour quiconque croit aux libertés civiles, même si l’ère qui s’amorce est emplie d’incertitudes, notamment quant à la durée de vie de ce gouvernement…
Le chef libéral humilié
Le Parti Libéral, dont tout le monde prévoyait une défaite retentissante s’en est plutôt bien tiré avec ses 50 sièges, (soit 15 de plus que l’on ne lui prédisait au départ). Cependant, pour l’ex-Premier ministre Jean Charest, c’est la défaite de sa carrière. Défait dans sa propre circonscription, il a annoncé mercredi 5 septembre son retrait de la vie politique, humilié. Après 28 ans de vie publique dont neuf comme Premier ministre du Québec, son comté de Sherbrooke ne l’a pas jugé digne de reprendre son siège à l’Assemblée nationale.
On s’en souviendra sans doute comme un chef à la volonté de fer et un grand débatteur, mais aussi comme un politicien qui a constamment manqué d’écoute à l’endroit de sa population et qui a exercé le pouvoir au sein de son propre parti en sacrifiant l’un après l’autre ses ministres les plus talentueux. C’est le cas de Line Beauchamp et de Michelle Courchesne (deux ex-ministres de l’éducation) qui ont vu leurs carrières politiques ruinées, étant tenues responsables de l’intransigeance de leur chef.
Alors d’où vient la division ?
La gauche souverainiste québécoise, divisée entre trois partis : le PQ, le Québec Solidaire et l’Option nationale, n’est pas parvenue à faire élire un gouvernement ayant les moyens de ses convictions indépendantistes. En fait, la division de l’électorat dans certains comtés a joué pour beaucoup dans le peu de sièges obtenus par le PQ. Le parti de gauche Québec Solidaire n’a obtenu que deux sièges et l’ON aucun, ce qui forcera Pauline Marois à faire des compromis avec la droite pour gouverner. Aussi la gauche québécoise n’est pas au bout de ses peines puisqu’un nouveau Parti Démocratique Québécois pourrait être créé (une branche du parti canadien du même nom) pour combler le vide politique de la gauche fédéraliste au Québec. En plus de cela, les attentes des Québécois sont très grandes pour ce nouveau gouvernement précaire.
Tout le monde est au moins d’accord sur le fait qu’il faut absolument mener des enquêtes et instaurer des mesures anti-corruption pour purger les institutions québécoises. Pauline Marois et François Legault, puisqu’ils devront maintenant travailler ensemble, ont énormément à faire pour restaurer la confiance de la population envers ses institutions et la classe politique en général…
Nous sommes donc loin de la « révolution » attendue par certains militants de la gauche québécoise, mais la crise politique entourant la hausse des frais de scolarité semble sur la voie de la résolution, à court terme. Puisqu’un gouvernement minoritaire a ordinairement une durée de vie limitée, on ne sait pas combien de temps durera celui de Pauline Marois. Un an? Deux, peut-être, avant des élections anticipées ? Car si la droite revient au pouvoir dans un an, ce ne sera que partie remise. Quoi qu’il en soit, pour les étudiants cette victoire n’est qu’une étape vers l’accès à un système d’éducation plus juste. En espérant que la défaite de M. Charest serve de leçon à quiconque serait tenté de suivre son exemple autoritaire; en faisant la sourde oreille aux cris, aux slogans et aux casseroles…