La femme de ménage, junk littérature diablement efficace

La femme de ménage, junk littérature diablement efficace

La femme de ménage, junk littérature diablement efficace

La femme de ménage, junk littérature diablement efficace

17 mai 2025

Malgré des personnages composés à la truelle et un néant stylistique absolu, La femme de ménage de Freida McFadden se dévore. Oui, un roman peut être à la fois insipide et jouissif, et la junk littérature diablement efficace.

On hésitait à franchir le pas. Acheter, comme deux millions de Français, ou non, le livre-phénomène de Freida McFadden, La femme de ménage ? Une lectrice avisée nous l’a dédaigneusement tendu, en nous enjoignant de faire ce que l’on voudrait. « Il faut avoir un esprit sacrément tordu pour inventer ça. Et c’est écrit avec les pieds », nous a-t-elle soufflé. Bon. On se savait déjà loin, bien loin de toute grande littérature, mais un tel succès ne pouvait qu’aiguiser notre curiosité.

La femme de ménage, haute tension domestique et testostérone

La placide et patiente Millie sort de prison. Quoi qu’elle ait fait pour passer dix années derrière les barreaux, elle a l’air d’une gentille fille. Prête à tout pour un nouveau départ, et à accepter un boulot de femme de ménage chez un riche couple new-yorkais. Un emploi qui, soit dit en passant, lui tombe littéralement du ciel. En plus de récurer la maison, Millie est aussi chargée de récupérer leur fille à l’école et de préparer les repas avant d’aller se coucher dans sa chambre, sous les combles. La pièce, pourtant minuscule et pas très engageante, sera toujours mieux que l’arrière de sa voiture. Pour la jeune femme, ce nouveau travail est une chance inespérée. L’occasion de repartir de zéro. Évidemment, elle va rapidement déchanter.

La femme de ménage est classé comme policier. Sans s’en réclamer complètement, il empreinte aussi quelques codes à la dark romance. Il y a du Desperate Housewives, dans l’air, et des personnages aussi stéréotypés que des mannequins de vitrine : une jeune fille livrée à elle même, une patronne pointilleuse voire tyrannique, une enfant insupportable, un mari d’une beauté ravageuse, un jardinier rustre au charme ombrageux. Millie n’en revient pas : que fait le beau et doux Andy avec Nina, mégère possessive, affabulatrice et mythomane ? Comment peut-il supporter la fille de cette dernière, capricieuse et antipathique au possible, engoncée dans des robes à frou-frou qui la font paraître complètement anachronique ?

Freida McFadden, thrillers psychologiques et lésions cérébrales

Freida McFadden, autrice de ce désormais best-seller (La femme de ménage est le thriller le plus lu aux États-Unis) a deux cordes à son arc : les thrillers psychologiques, et les lésions cérébrales. Elle est médecin, spécialisée en neurologie. A-t-elle encore le temps d’exercer ? C’est une autre question.

Toujours est-il qu’elle a une vraie capacité à brosser – à la truelle certes – les failles psychologiques et la profondeur des âmes. Car oui, il faudra repasser si on cherche finesse et ambition stylistique. La femme de ménage est un roman de gare, pour les fâchés de la littérature. Et qui se lit vite – on sera fidèle aux deux heures promises par la pub de J’ai Lu, sa maison d’édition poche, aperçue dans le métro, avec, on le confesse, quelques passages insipides lus en diagonale. Extrait : « Les Winchester vivent dans une ville qui se vante d’avoir parmi les meilleures écoles publiques du pays, mais Cecelia [leur fille] fréquente une école privée, parce que… ben voilà, quoi ».

« Je me rassure : les Winchester ne savent pas qui je suis vraiment. Ils ne savent pas de quoi je suis capable. »

La femme de ménage, en somme, c’est de la junk littérature avec de gros sabots, là pour distraire. Un poil écœurant, mais avec un goût certain de reviens-y. Un petit goût de Mon mari de Maud Ventura, en plus machiavélique et moins subtil. Des retournements de situations en veux-tu en voilà, parfois à la limite de l’invraisemblance, mais ça fonctionne. C’est trash, et c’est jouissif. Si on dit gaslighting, on vous spoile un peu. Après quelques longueurs, la fin est un coup de génie. On le confesse, on a eu envie de lire la trilogie (le tome 2 a reçu le prix Thriller 2024) malgré le risque de frôler l’overdose. La promesse est donc remplie.

La femme de ménage de Freida McFadden

416 pages
Date de publication
4 octobre 2023
Éditeur
J'ai Lu
Page du livre sur le site de l’éditeur