« Kouté vwa », leurre de la vengeance

« Kouté vwa », leurre de la vengeance

« Kouté vwa », leurre de la vengeance

« Kouté vwa », leurre de la vengeance

Au cinéma le 16 juillet 2025

Melrick, 13 ans, passe ses vacances d'été en Guyane chez sa grand-mère dans l'ombre de son oncle, tué dans des conditions tragiques. Entre documentaire et fiction, Kouté vwa met en scène un drame familial avec une belle réflexion sur le deuil hanté par une soif de vengeance difficile à maîtriser. Un film lumineux malgré son sujet qui tend vers une résilience lucide à défaut d'être totalement apaisante.

Loin de la métropole, Melrick (Melrick Diomar) passe ses vacances d’été à Cayenne chez sa grand-mère Nicole (Nicole Diomar) où il apprend à jouer du tambour. Sa présence en Guyane fait soudain resurgir le spectre de son oncle, ancien tambouyé, poignardé en 2012 alors qu’il avait 18 ans.

Au contact de Yannick (Yannick Cébret), un ami de son oncle présent lors du drame, l’adolescent de 13 ans est confronté à cette absence qui pèse toujours sur la communauté. Avec l’aide de sa grand-mère, Melrick tente de surmonter son désir de vengeance face à l’absence pour ne pas se laisser entraîner dans la spirale de la violence.

Kouté Vwa © photo Les Alchimistes

Du drame…

Kouté vwa est un film très personnel pour Maxime Jean-Baptiste car Lucas Diomar dont le meurtre a marqué la Guyane en mars 2012 était son petit cousin. Ce drame fortement ancré dans la mémoire du territoire a déjà donné lieu à de nombreux reportages et documentaires couvrant les marches blanches et les associations créées dans le sillage du choc pour la communauté.

Avec Audrey Jean-Baptiste, sa sœur et co-autrice, le  réalisateur a souhaité porter un regard intime sur cette histoire intimement liée à sa famille. Tourné dans le quartier de Mont-Lucas, Kouté vwa débute avec des images de manifestations en hommage à Lucas Diomar pour marquer l’impact de sa disparition mais le film prend rapidement ses distances avec l’aspect documentaire pour dévoiler les conséquences de l’absence à travers un dispositif fictionnel.

Kouté Vwa © photo Les Alchimistes

…à la fiction

Pour libérer les membres de la famille de cette histoire dramatique, Kouté vwa met en scène Melrick qui s’est rapidement imposé comme le protagoniste principal du récit. Comparé à son oncle décédé alors qu’il apprend le tambour comme lui, l’adolescent cristallise l’absence de ce parent mort l’année de sa naissance. Dans ses pas, le spectateur découvre l’impact de la disparition tragique de Lucas Diomar, figure très appréciée au sein de la communauté, qui pose la question du juste châtiment pour ses meurtriers.

La position d’observateur extérieur de Melrick est aussi celle adoptée par le cinéaste qui porte un regard distancié avec la Guyane. Maxime Jean-Baptiste reste prudemment à distance de tout propos globalisant sur la violence en Guyane et se concentre sur le cas de son cousin. Avec la distance fictionnelle, le sujet reste volontairement centré sur ce drame familial qui a bouleversé toute la communauté.

Yannick était présent avec Lucas lorsqu’ils se sont fait agresser par cinq jeunes lors d’une soirée d’anniversaire en mars 2012. Submergé d’émotions devant un graff dédié à son ami disparu, il incarne une peine toujours aussi forte 13 ans après les faits. En portant le souvenir du drame dans sa chair, Nicole, la mère de Lucas, est celle qui transmet à son petit-fils les armes de l’esprit pour ne pas succomber au désir de vengeance qui plane sur le film.

Kouté Vwa © photo Les Alchimistes

Souffle de vengeance

En évoquant les faits plus d’une décennie après le drame, Kouté vwa est confronté à la question de la libération des agresseurs de Lucas Diomar qui ont depuis repris une vie normale. Une sortie de prison qui fait planer sur le film la question sensible de la justice – les fautifs ont-ils été assez punis ? – et du désir de vengeance qui s’empare du jeune Melrick. Dans une séquence marquante, Nicole raconte à son petit-fils qui lui exprime son désir de se venger comment elle est aussi passée par là.

Avec une grande sincérité, la grand-mère avoue avoir eu envie d’écraser avec sa voiture l’un des tueurs de son fils remis en liberté lorsque l’occasion s’est présentée. Une confession bouleversante dans laquelle s’exprime toute l’incompréhension devant une justice qui n’arrivera jamais à compenser la perte de son fils. Ce moment fort du film est aussi le marqueur d’une résilience face à une vengeance qui ne viendrait apporter que plus de malheur dans la famille et la communauté.

Kouté Vwa © photo Les Alchimistes

La traduction directe de Kouté vwa est « Écoute les voix ». Aux côtés de Melrick, jeune vacancier plongé au cœur du deuil, nous sommes conviés à écouter ces voix qui expriment la peine d’une absence injuste et la résilience difficile mais nécessaire pour un futur apaisé. Et entendre la sagesse qui se fraie un passage à travers le tumulte des tambours rageurs.

> Kouté Vwa, réalisé par Maxime Jean-Baptiste, Belgique – France, 2024 (1h16)

Kouté Vwa, réalisé par Maxime Jean-Baptiste

Date de sortie
16 juillet 2025
Durée
1h16
Réalisé par
Maxime Jean-Baptiste
Avec
Melrick Diomar, Nicole Diomar, Yannick Cébret
Pays
Belgique - France