« Junk Head », la traque des clones

« Junk Head », la traque des clones

« Junk Head », la traque des clones

« Junk Head », la traque des clones

Au cinéma le 18 mai 2022

Dans un futur lointain, l'humanité n'arrive plus à se reproduire. Pour tenter de percer les secrets de la procréation, un émissaire est envoyé au plus profond de la terre où vivent des clones mutants. Film d'animation en stop motion, Junk Head est d'autant plus impressionnant qu'il a été réalisé quasiment en solitaire pendant sept ans. Menée tambour battant, cette quête pour sauver l'humanité ne manque pas d'humour mais sacrifie en partie l'intrigue au pur plaisir esthétique.

À force de manipulations génétiques, l’humanité a réussi à atteindre une quasi immortalité. Mais cette quête de la vie éternelle lui a fait perdre la possibilité de se reproduire. Afin d’enquêter sur les mystères oubliés de la procréation, Patron est envoyé dans les entrailles terrestres où vivent des clones mutants.

Autrefois utilisés par les humains pour faire les tâches ingrates, ces clones se sont rebellés contre leurs créateurs. Réfugiés au plus profond de la terre, ils sont désormais le dernier espoir d’une humanité menacée d’extinction.

Junk Head © GAGA Corporation - UFO Distribution

Du pinceau à la caméra

Projet un peu fou, Junk Head excite la curiosité des cinéphiles du monde entier pour sa méthode de fabrication. Alors que le 7ème art oblige à travailler en général – pour le meilleur et pour le pire – en équipe, cette histoire d’humanité sur le déclin est l’œuvre d’un seul homme, ou presque.

Après des études d’art, Takahide Hori est devenu peintre. Mais, peu persuadé par la qualité de ses œuvres, le jeune homme a commencé à travailler avec des volumes pour créer notamment des accessoires de mode.

Junk Head © GAGA Corporation - UFO Distribution

Lassé par cette nouvelle activité, le touche-à-tout bifurque une nouvelle fois et devient décorateur d’intérieur. Il fonde alors une entreprise qui a notamment dessiné les murs du Disneyland de Tokyo. À 40 ans, Takahide Hori décide de se lancer dans un nouveau défi artistique.

All by myself

La nouvelle lubie du créateur aux obsessions protéiformes devient le cinéma. Après avoir analysé des dizaines de films, l’autodidacte décide de se lancer dans la réalisation. Sans aucun lien avec l’industrie cinématographique, Takahide Hori porte son dévolu sur la technique du stop motion.

La technique d’animation lui paraît en effet la plus accessible. Après tout, construire des figurines, il sait faire. Et ces mêmes figurines animées devant une caméra deviennent des acteurs au salaire très raisonnable.

Junk Head © GAGA Corporation - UFO Distribution

Don’t stop me now

Le cinéaste débutant se lance alors dans l’apprentissage du stop motion dans des livres et via Internet. Ses premiers films prennent vie à partir de 2009. Pendant 4 ans, Takahide Hori travaille seul. Il découvre au fur et à mesure les possibilités et contraintes de l’animation de la technique.

En 2013, il termine Junk Head 1. Posté sur YouTube, le court métrage de 30 minutes est un avant-goût de la version longue devenue un véritable phénomène au Japon et qui s’exporte depuis dans les salles du monde entier.

Junk Head © GAGA Corporation - UFO Distribution

Fan art

Constitué de 140 000 prises de vue, Junk Head est le fruit de sept ans de travail. Cet étonnant récit d’anticipation a rapidement trouvé son public dans les salles nippones. Depuis sa sortie, une communauté de fans partage son engouement sur Internet pour ce monde post-apocalyptique peuplé de personnages étranges, autant de figurines toutes créées à la main par la réalisateur.

Cet univers foisonnant avec ses clones et créatures inventives a également séduit les festivals. Le film a notamment remporté le Prix Satoshi Kon au Fantasia Festival de Montréal et la Cigogne d’Or du meilleur film d’animation au Festival du Film Fantastique de Strasbourg.

Junk Head © GAGA Corporation - UFO Distribution

Technique ludique

Avec sa méthode artisanale assumée, le projet possède un charme très particulier qui se marie à merveille avec l’esprit ludique qui souffle sur cette quête souterraine. Junk Head se joue du décalage entre le missionnaire et un environnement totalement déroutant. Peuplé de créatures monstrueuses, le périple s’appuie sur une action constante qui tient en haleine.

Le cinéaste exploite les souterrains aux lignes de fuite infinies où se croisent et s’affrontent des monstres et ces clones qui ont décidé de s’affranchir des humains pour vivre leur propre vie. La quête du héros est accompagnée d’une musique électro – composée par Takahide Hori, évidemment – très énergique qui appuie le côté décalé de son aventure.

Junk Head © GAGA Corporation - UFO Distribution

Rien que pour vos yeux

Clones et créatures souterraines partagent un point commun : des yeux absents. Persuadé qu’un regard trop humain donne un aspect de poupée aux figurines, Takahide Hori a remplacé leurs yeux par de simples leds faisant office de caméras ou… rien. Ce sacrifice à l’expressivité des personnages est cependant habilement contrebalancé par des chorégraphies corporelles propres à chaque type de personnage.

Sans scénario pré-établi, Junk Head a été conçu à partir de quelques dialogues et un storyboard. Cette méthode qui mise tout sur le dessin préparatoire offre de jolies trouvailles de réalisation qui surprennent et exploitent les possibilités du stop motion. Elle prend également le risque de privilégier la forme sur le fond.

Junk Head © GAGA Corporation - UFO Distribution

En quête d’humanité

Visuellement captivant, Junk Head peut en effet laisser une impression de flou scénaristique. Il faut dire que le cinéaste n’a rien fait pour faciliter la tâche pour s’approprier ce futur déroutant. Tous les personnages s’expriment dans un charabia guttural qui ne ressemble à aucune langue. Un parti pris un peu perturbant bien que logique pour un monde se déroulant dans un futur très lointain.

Plus troublant, Patron qui a pour mission de sauver l’humanité est toujours encapsulé dans des corps artificiels, notamment un petit robot blanc plutôt mignon. Cette représentation d’une humanité sous carapace n’aide pas à l’identification avec le héros, lui-même déboussolé par le monde qu’il découvre.

Junk Head © GAGA Corporation - UFO Distribution

Avec peu d’éléments de contexte et beaucoup de péripéties, il peut être facile d’oublier en cours de route la mission à l’origine de toute cette aventure. Dans ces couloirs d’asphalte et de béton, entre deux affrontements entre créatures et clones, la sauvegarde de l’humanité peut facilement passer au second plan.

Cette impression de sentir l’intrigue principale sous exploitée est en partie due au parti pris du réalisateur. Junk Head est en effet annoncé comme la première partie d’une trilogie. Reste à savoir s’il faudra attendre sept ans pour connaître la suite de la périlleuse quête.

Véritable tour de force visuel, Junk Head charme par son artisanat assumé et la richesse d’un univers foisonnant. Un univers ludique qui brille pour sa forme mais dont le fond s’égare dans le labyrinthe de couloirs souterrains où les prouesses du stop motion prennent un peu trop le pas sur l’émotion.

Junk Head, réalisé par Takahide Hori, Japon, 2021 (1h41)

Junk Head

Date de sortie
18 mai 2022
Durée
1h41
Réalisé par
Takahide Hori
Avec
Takahide Hori, Hamdullah Saat
Pays
Japon