Ben exige qu’on l’appelle Not. Comme dans « Punk is not dead ». Celui qui s’est autoproclamé « plus vieux punk à chien d’Europe » bouge encore. Il traîne sa dégaine dans l’une des ces zones commerciales qui défigurent les périphéries des grandes villes. C’est dans ce même décor que travaille son frère, Jean-Pierre. Vendeur dans un magasin de meubles, celui-ci a de plus en plus de mal à tenir ses objectifs. A quelques entrepôts de là, s’élève la carcasse jaunasse de La Pataterie, resto tenu par leurs parents. Qui s’y font royalement chier. Déprimeland, quoi. Alors, le jour où Jean-Pierre perd son boulot, les frangins ne vont pas hésiter à appeler à la révolution.
Le grand soir est, dans la lignée de Mammuth, le film du duo Kervern et Délépine le plus accessible au grand public. Moins expérimental qu’Aaltra et Avida, moins féroce que Louise-Michel. L’humour féroce, les éclairs surréalistes et la touches poétiques, qui font leur patte, restent toujours aussi vifs. Le film est ponctué de moments géniaux, portés par des acteurs et seconds rôles (Brigitte Fontaine, Bouli Lanners…) qui le sont tout autant. Et puis il y a Madame Jaqueline. « Elle est dans le film parce que je l’ai entendue sur France Inter : elle n’a prononcé que quatre phrases, mais avec un bagout incroyable », explique Benoît Delépine[fn]Citation extraite du livre d’entretien de Benoît Delépine et Gustave Kervern avec Hervé Aubron et Emmanuel Burdeau, De Groland au Grand soir, qui vient de paraître aux éditions Capricci.[/fn]. Ils ont réussi à retrouver les coordonnées de la retraitée. « On l’a appelée et on lui a donné rendez-vous sur le tournage, sans savoir à quoi elle ressemblait ! Il se trouve qu’elle a une tête incroyable, avec un béret… »
Poelvoorde et Dupontel, eux aussi, ont des tronches incroyables. Drôles et inquiétantes, à l’image du film qui n’est ni tout à fait une comédie, ni complètement un drame, où l’acte le plus glaçant peut s’avérer furieusement drôle. Et inversement. Le grand soir assume parfaitement son côté punk. D’autant plus vivant que « No Future » est à nouveau d’actualité.
> Le grand soir, de Benoît Delépine et Gustave Kervern, France, 2011 (1h32)