« Gabriel et la montagne », un voyageur au sommet

« Gabriel et la montagne », un voyageur au sommet

« Gabriel et la montagne », un voyageur au sommet

« Gabriel et la montagne », un voyageur au sommet

Au cinéma le

Arrivant au terme d'un tour du monde d'une année, le jeune brésilien Gabriel Buchmann débarque sur le continent africain avec la ferme intention de conquérir le Mont Mulanje au Malawi. Une expédition qui sera malheureusement sa dernière. Mélange étonnant de fiction et de documentaire, Gabriel et la montagne est un émouvant hommage du réalisateur Fellipe Barbosa à son ami disparu trop tôt. Touchante, cette aventure est également une belle réflexion sur le sens à donner au terme voyager.

Avant de rejoindre les bancs d’une prestigieuse université américaine, Gabriel Buchmann (João Pedro Zappa) décide de partir faire le tour du monde pendant un an. Après dix mois de voyage pendant lesquels il cherche à vivre au plus près des populations locales, il rejoint le Kenya pour explorer le continent africain. Avec un idéalisme parfois à la limite de la naïveté mais un optimisme à toute épreuve, le jeune brésilien a pour objectif ultime de gravir le Mont Mulanje au Malawi. Malgré les mises en garde, ce défi personnel signera tragiquement la fin de son périple.

Gabriel et la montagne

Le véritable voyage

En retraçant les derniers mois de la vie de Gabriel Buchmann, le cinéaste Fellipe Barbosa invite le spectateur à réfléchir à la notion du voyage. Doux rêveur, Gabriel envisage son périple en tentant de dépenser le moins possible, en vivant chez les habitants — dans l’esprit J’irai dormir chez vous mais sans les caméras — plutôt que de s’enfermer dans des hôtels ou profiter des transats d’un Club Med. Étudiant en sciences économiques convaincu que le savoir sur la pauvreté ne réside pas uniquement dans les livres, il souhaite s’immerger en Afrique avec la population. Cette volonté de découvrir un pays à travers ses habitants avant tout est pour lui la meilleure façon d’éviter ces « pièges à touristes » qu’il déteste. Ce périple façon « éco responsable » a pourtant ses failles, malgré toute la bonne volonté de Gabriel et sa capacité à se faire apprécier des personnes qu’il rencontre. Le jeune brésilien est considéré partout où il passe comme un étranger qui a potentiellement de l’argent : même s’il tente de se détacher de cet état de fait, il ne peut être véritablement à égalité avec ses interlocuteurs. Malgré ses limites, l’approche de Gabriel interroge sur nos propres façon de voyager, souvent très « sages » et prévisibles, très loin de l’enthousiasme spontané et communicatif du jeune brésilien qui profite de ses voyages pour — littéralement — gravir des montagnes dans une quête sportivo-mystique.

En débutant le film par la découverte du corps sans vie de Gabriel pour revenir rapidement quelques mois en arrière, Fellipe Barbosa impose un suspens qui augmente au fil des pays traversés par son ami, découpés dans le film comme autant de chapitres. Comment le jeune homme a-t-il perdu la vie dans cette montagne du Malawi ? Une question d’autant plus obsédante que l’on s’attache à ce personnage décalé : idéaliste et naïf, à la fois arrogant et sympathique. L’arrivée de sa petite amie Cristina (Caroline Abras) qui vient le rejoindre quelques jours en Afrique — cette fois-ci l’hébergement à l’hôtel et les activités pour touristes sont momentanément tolérés — renforce l’empathie pour cet aventurier casse-cou. Leur relation fusionnelle mais rendue compliquée par la distance qui les sépare — à moins que ça soit la raison qui permette à leur amour de durer — rend le jeune couple très attachant. Les personnages sont d’autant plus touchants que le réalisateur mêle habilement la réalité à la fiction pour leur (re)donner vie.

Gabriel et la montagne

Pas cliché

Disparu en août 2009, Gabriel était un camarade de classe de Fellipe Barbosa. Le cinéaste réussit à faire revivre les derniers mois de sa vie grâce aux notes que Gabriel prenait lors de ses voyages. Parti de Londres, Gabriel a ensuite visité Paris, la Russie, l’Asie, Dubaï et Nairobi avant d’arriver sur le continent africain, période relatée dans le film. En préparant le tournage, le réalisateur a retrouvé les personnes qui ont réellement croisé le chemin de Gabriel et a décidé de les inclure dans sa fiction. Ce mélange de réalité avec la partie fictionnelle du récit est particulièrement émouvant car les personnes ayant hébergé ou aidé Gabriel lors de son périple jouent leurs propres rôles et commentent en voix off leur rencontre avec le voyageur lors du passage d’une séquence à une autre. Une belle idée qui va dans le sens de ce que cherchait le jeune brésilien, faire de son voyage des rencontres avant tout humaines.

Gabriel et la montagne est d’autant plus intéressant qu’il se base sur un individu qui n’est pas le cliché du hippie altermondialiste ou du bobo qui part s’acheter une bonne conscience en voyageant « équitable ». Plus complexe, le jeune étudiant brésilien est issu d’une classe plutôt aisée et doit bientôt rejoindre l’université de Los Angeles, à défaut d’avoir réussi à intégrer Harvard. Sa vision du monde se heurte d’ailleurs à celle de sa petite amie qu’il trouve d’ailleurs trop « radicale » tandis qu’elle lui oppose son individualisme. Leur discussion dans un bus sur ce sujet est particulièrement éclairante et met en perspective ce voyage « au plus proche de la pauvreté » et des locaux comme une expérience compliquée.

Hommage émouvant à son ami disparu, Gabriel et la montagne donne envie de prendre la route, en interrogeant notre « consommation » du voyage. Moins de clichés filtrés sur Instagram et plus de rencontres humaines semble être le message post-mortem délivré par le jeune voyageur impétueux qui a péri en voulant monter trop haut, trop vite.

> Gabriel et la montagne (Gabriel e a montanha), réalisé par Fellipe Barbosa, Brésil – France, 2017 (2h07)

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