Parti sur les traces de son père, un garçon se retrouve entrainé dans une aventure riche en rebondissements. Le petit bonhomme – minimaliste mais très expressif – va vivre un périple incroyable à la découverte d’un monde plein de surprises et parfois de désillusions. Au fil des rencontres, le garçon va découvrir le travail dans les champs de coton, l’immensité de la métropole et la solitude qui en découle et l’industrialisation qui prive les travailleurs de leur gagne pain. Ce monde moderne, vu à travers les yeux du jeune garçon est tour à tour exaltant et terrifiant, devenant plus complexe au fur et à mesure des trouvailles faites par le jeune explorateur. Un joli voyage initiatique à la recherche du père qui prendra une toute autre dimension quand l’enfant arrivera au bout de son expédition.
Trip onirique
Le garçon et le monde étonne par la richesse de son univers visuel, saisissant. Dès les premières minutes et l’apparition de motifs géométriques kaléidoscopiques le réalisateur surprend et semble prévenir le spectateur qu’il doit se préparer à une perte totale de repères. Et pour cause, c’est la vision de l’enfant qui est mise en avant, pas étonnant donc de voir un train serpent ou des grues oiseaux dans le paysage, qui lui-même oscille entre des décors minimalistes quasiment blancs et des aplats de couleurs denses qui envahissent tout l’écran. Pour créer ce terrain de jeu en perpétuelle évolution, Alê Abreu mélange les techniques : pastels à l’huile, crayons de couleur et feutres côtoient des peintures de tout type et des collages de journaux. Un jeu avec les formes et les couleurs hypnotique qui rend le voyage très poétique. La perte des repères, spatiaux et temporels, est totale d’autant plus que les personnages parlent un étrange dialecte qui s’avère être du portugais… parlé à l’envers ! Omniprésente, la musique, oscillant entre explosion festive et nostalgie, donne de la cohérence à ce maelstrom visuel parfois déroutant.
Enfance versus réalité
Le surprenant voyage initié par le petit garçon l’amène à rencontrer deux personnages – un vieillard et un jeune homme, étrangement familiers – qui lui dévoilent pour l’un la récolte du coton dans les champs et pour le second la fabrication d’habits avec cette matière première. Mais tout s’enraille quand une machine est construite pour remplacer les employés de l’usine. En découvrant le monde, le garçon est également confronté à l’industrialisation, la pollution et la pauvreté. Alê Abreu dénonce ainsi certains travers de notre société moderne avec des images fortes et symboliques, mais le message est parfois un peu confus quand il n’est pas manichéen. Lorsqu’il traite de la question sociale, le réalisateur fait s’affronter un grand oiseau multicolore, emblème des ouvriers, de paix et de prospérité, aux prises avec un aigle noir, étendard du capitalisme, et de la guerre qui fait ouvertement penser à l’aigle nazi, un symbolisme bien peu subtile. Pour bien faire passer son message, Alê Abreu choisi alors de montrer une courte séquence d’images réelles issues de documentaires notamment sur la déforestation. Un effet superflu qui casse malheureusement un peu le lyrisme instauré jusque là. Ce message social peu nuancé échappera cependant aux plus jeunes et ne nuit pas trop au film, foisonnant de belles surprises par ailleurs.
Le garçon et le monde, lauréat de nombreux prix dans les festivals d’animation, propose une expérience visuelle inédite et surprenante, prenant à contre pied les grosses productions en images de synthèses, adeptes d’une 3D qui se veut ultra réaliste. Une poésie « faite main » charmante qui permet de voir le monde avec la fraicheur d’un regard enfantin, au moins pendant près d’une heure et demie.
> Le garçon et le monde (O Menino e o Mundo), réalisé par Alê Abreu, Brésil, 2013 (1h19), à partir de 7 ans.