« Friend Request », terreur numérique insipide

« Friend Request », terreur numérique insipide

« Friend Request », terreur numérique insipide

« Friend Request », terreur numérique insipide

Au cinéma le

Laura, jeune étudiante, aurait dû y réfléchir à deux fois avant d'accepter comme amie sur Facebook la mystérieuse Marina. Cette nouvelle amitié numérique va rapidement tourner court et déclencher le chaos dans sa vie. Film d'horreur pseudo "connecté", Friend Request échoue à faire véritablement peur et n'a, au final, rien à dire d'intéressant sur les pratiques numériques des ados.

Laura (Alycia Debnam-Carey) partage au jour le jour sa vie d’étudiante en psycho avec ses 800 « amis » sur Facebook. Lors d’un cours, elle repère Marina (Liesl Ahlers), une adolescente introvertie qui passe son temps à l’écart des autres. Par curiosité, elle accepte la demande d’ami de l’ado au look gothique sur Facebook. Malheureusement pour Laura, cette nouvelle amie devient vite encombrante et commence à la harceler aussi bien en ligne que dans la vraie vie.
Rejetée par Laura, Marina se suicide et sa mort libère des forces paranormales qui s’en prennent aux proches de la jeune femme.

Friend request

Filmer le réseau

S’il fallait à tout prix trouver un point positif à ce thriller horrifique à l’ère du numérique ce serait sans doute l’effort du réalisateur allemand Simon Verhoeven — aucun lien de parenté avec le célèbre Paul Verhoeven, qui est hollandais — pour faire vivre à l’écran les pages web consultées par les protagonistes de cette sombre histoire. Le cinéaste anime, avec un certain talent, les sombres vidéos et autres gifs qui se trouvent sur le profil Facebook de l’énigmatique Marina. Il donne une certaine profondeur à ces pages statiques et évite le piège des écrans filmés qui semblent souvent bien ternes devant l’objectif d’une caméra. Agréable à petite dose, cette recherche artistique se retourne pourtant assez rapidement contre le réalisateur qui use et abuse de ces effets, finalement lassant. Les effets visuels frisent même parfois le ridicule comme lorsqu’un ami de Laura qui s’y connait un peu en informatique — le geek de service — lui montre que le code derrière son profil Facebook semble possédé. En effet, au lieu du langage informatique habituel, les lignes de code sont composées de signes étranges qui dansent devant les yeux des deux adolescents incrédules. Peu convaincant. Après un début plutôt prometteur, l’ennui vient assez rapidement quand on découvre qu’au lieu d’explorer la thématique des relations via les réseaux sociaux, Friend Request suit la voie toute tracée du film d’horreur basique — option sorcellerie 2.0 — avec ses inévitables effets de surprise pour faire sursauter et rien, ou presque, au niveau du fond.

Peu après le suicide de Marina, Laura voit apparaître sur son mur Facebook la vidéo de son suicide et elle ne peut ni effacer la vidéo ni fermer son profil. C’est le moment où la vie de la jeune étudiante va basculer et le film devient très prévisible. Alors que la police découvre que la mystérieuse Marina ne semble pas avoir d’existence légale, les proches de Laura tombent comme des mouches autour d’elle. Victimes d’horribles accidents, les vidéos se retrouvent comme pour Marina sur la page Facebook de Laura qui, devinez quoi… ne peut pas les effacer ! Au-delà de cette incongruité technique peu crédible — et du fait que la police est aussi inefficace que peu pressée à régler le problème —, ce qui coince c’est le sens même de cette chasse aux sorcières qui a du mal à tenir en haleine.

Friend request

Terrifique vacuité

Admettons, Marina a jeté un sort à la pauvre Laura parce qu’elle l’a rejeté et qu’elle possédait ce dont elle était privée : une vie sociale bien remplie entourée d’amis. L’argument est, dès le départ, assez faible mais pourquoi pas. Laura est-elle punie d’avoir trop d’amis sur Facebook ? D’avoir rejeté une amie qui commençait à la faire flipper par son comportement ? Plutôt mince comme fil conducteur et pourtant c’est cette idée qui semble motiver le réalisateur. Laura voit ainsi le nombre de ses « amis » Facebook baisser à chaque fois qu’une nouvelle vidéo macabre est postée sur son profil dont elle n’a plus le contrôle. Là encore, le ridicule rôde : on est invité à constater régulièrement que le chiffre des amis de Laura baisse — lentement, il faut croire que les gens aiment les vidéos gores dans lesquelles des connaissances décèdent dans d’affreuses souffrances — comme si cette perte de popularité virtuelle était le véritable châtiment de la pauvre étudiante, plus problématique que la mort de ceux qui l’entourent.

Truffé d’incohérences, Friend Request souffre surtout du fait qu’il n’a rien à dire d’intéressant ou d’original sur le sujet qu’il prend comme point de départ : l’utilisation des réseaux sociaux par les adolescents. Cette histoire de Facebook maudit n’est que le support d’une histoire très basique dans laquelle l’héroïne doit se pencher sur le passé de son éphémère amie afin de casser un maléfice, si possible avant que tout le monde ne meure autour d’elle. Cette chasse aux sorcières à l’ère du net fait pâle figure si on la compare à Unfriended (2014), un film récent qui lui aussi avait pour toile de fond le rapport des ados avec le net. Sans être un chef-d’oeuvre — loin de là —, le film abordait, de façon assez simpliste mais efficace, la thématique du harcèlement numérique. Des jeunes gens étaient attaqués par une force inconnue après avoir partagé sur le net une vidéo humiliante d’une camarade qui s’était par la suite donné la mort. Dans le film de Simon Verhoeven rien de tel ou plutôt on n’ose chercher un sens à son film. Si enseignement il y a quel est-il ? Les personnes qui paraissent étranges, à l’écart du groupe, les étrangers comme Marina sont par définition des menaces potentielles dont il faut se méfier ? Contrairement au film, le propos serait pour le coup vraiment terrifiant.

Si Friend Request fait un clin d’oeil à l’excellente série Black Mirror au détour d’une recherche sur Google, ce thriller faussement connecté est à des années lumières de cette référence. Il n’apporte aucune idée nouvelle à un sujet qu’il traite de façon superficielle et paresseuse. Derrière le profil hanté de la jeune Laura il n’a rien, un grand vide horrifique sans réelle inspiration qui ne fait sursauter qu’occasionnellement jusqu’au dénouement final, décevant.


Friend request (Unfriend), réalisé par Simon Verhoeven, Allemagne, 2016 (1h32)

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