« Freda », une jeunesse haïtienne

« Freda », une jeunesse haïtienne

« Freda », une jeunesse haïtienne

« Freda », une jeunesse haïtienne

Au cinéma le 13 octobre 2021

Freda habite avec sa famille dans un quartier populaire de Port-au-Prince. Face à la précarité et au chaos politique, chacun se demande s'il ne faut pas quitter le pays. Mais la jeune femme veut croire en l'avenir. Avec son regard jeune et féministe sur la société haïtienne, Freda expose avec franchise les difficultés d'une population sous tension. Un constat touchant de sincérité, autopsie réaliste d'un pays en pleine crise sociale et politique où pointe toutefois l'espoir d'une jeunesse engagée.

Dans un quartier populaire de Port-au-Prince, Freda (Néhémie Bastien), sa sœur Esther (Djanaïna François) et sa mère Jeannette (Fabiola Remy) survivent grâce à une petite boutique de rue. Alors que l’instabilité politique entraîne une montée de la violence en Haïti, la question de l’exil pour fuir le chaos et la pauvreté se pose au sein de chaque foyer.

Alors que chaque membre de la famille tente de trouver sa place dans le cadre imposé par la tradition et les règles sociales, Freda veut croire en un avenir différent. Pour elle, ses proches et son pays, la jeune femme a de grandes espérances.

Freda © SaNoSi Productions, Ayizan Production, Merveilles Production

Haïtienne

Également comédienne et chanteuse, la réalisatrice haïtienne Gessica Généus propose avec Freda un point de vue féminin sur son pays pris dans les affres d’une crise sans fin. Son parti pris à la fois de la jeunesse et de la condition féminine vient contrebalancer une analyse de la société haïtienne que la cinéaste dénonce comme monopolisée par les hommes.

Freda, Esther et Jeannette se heurtent toutes à cette société patriarcale et chacune s’adapte, selon ses convictions mais aussi une bonne dose de réalisme, à la situation. Des choix de vie qui ne sont pas sans contradictions que la réalisatrice se plaît à mettre en scène pour livrer un portrait honnête de la situation. Ainsi, la ravissante Esther délaisse son amoureux et trouve refuge, pour le plus grand bonheur de sa mère, dans les bras d’un député qui saura largement subvenir à ses besoins.

Un choix de la stabilité vivement critiqué par sa sœur Freda, porteuse d’un idéal allant à l’encontre de ce système traditionnel. De quoi créer des tensions révélatrices au sein de la famille.

Pour son premier long métrage de fiction, Gessica Généus réunit un casting qui insuffle la vitalité nécessaire à son propos. Pour sa première apparition au cinéma, Néhémie Bastien qui incarne Freda crève l’écran dans la peau de cette jeune femme qui tente de bousculer son entourage comme elle aimerait révolutionner son pays.

Freda © SaNoSi Productions, Ayizan Production, Merveilles Production

La compagnie du créole

Parmi les sujets qui traversent le film et en disent beaucoup sur l’état d’esprit de ce pays qui semble en reconstruction permanente, la question de la langue est mise en avant par la cinéaste.

Sur les bancs de l’université, Freda et ses camarades échangent vivement sur l’usage du créole. Alors que certains estiment qu’il est logique d’utiliser le français et l’anglais, indispensables dans ce monde globalisé, d’autres défendent la pratique du créole.

Sur ce point, la cinéaste a fait son choix. Pour Gessica Généus, impossible de ne pas tourner le film en créole. Une façon pour elle d’affirmer sa négritude, mot qu’elle considère comme le plus beau mot qui existe. Ce choix fort de la langue créole place le film dans un esprit de revendication qui épouse la vision de Freda d’un pays s’affirmant dans sa singularité.

Quitter le chaos

La question du départ est au cœur de ce film mêlant scènes familiales intimes et images de réelles manifestations dans les rues de Port-au-Prince. Une ambiance de chaos qui a eu lieu pendant le tournage et prend racine dans un désœuvrement aux causes multiples.

Une décennie après le tremblement de terre ravageur, Haïti attend toujours d’être reconstruit. Le pays s’est peu à peu enfoncé dans une violence chronique, fruit d’une grave crise politique, institutionnelle, économique et sociale.

Freda © SaNoSi Productions, Ayizan Production, Merveilles Production

Devant la caméra de Gessica Généus, Haïti apparaît comme un pays divisé. Symbole de cette fracture, la religion investissant l’espace laissé vacant par l’État. Dans le pays, l’église protestante gère désormais les hôpitaux ou encore la délivrance des visas. Cette autorité religieuse entre en conflit avec la culture vaudou traditionnelle. Une division spirituelle supplémentaire dans un pays miné par la violence et la corruption.

Pour fuir cette instabilité, une partie de la jeunesse s’exile, notamment au Chili. Mais, tradition patriarcale oblige, ce sont très majoritairement les hommes qui tentent l’aventure. Tiraillée entre la révolte et l’espoir, Freda veut croire à la possibilité de rester malgré tout pour reconstruire un pays fragmenté. Une société plus apaisée, où les femmes auraient la place qui leur revient, à égalité.

À travers une vision féministe revendiquée, Freda incarne l’espoir d’un pays reconstruit et unifié, au-delà des stigmates toujours visibles du tremblement de terre dévastateur. Son héroïne incarne un autre type de secousse, salvatrice celle-ci, qui finira bien, il faut l’espérer, par s’imposer.

> Freda, réalisé par Gessica Généus, Haïti – Bénin – France – Qatar, 2021 (1h33)

Freda

Date de sortie
13 octobre 2021
Durée
1h33
Réalisé par
Gessica Généus
Avec
Néhémie Bastien, Djanaïna François, Fabiola Rémy, Gaëlle Bien-Aimé, Jean Jean, Rolaphton Mercure, Cantave Kerven
Pays
Haïti - Bénin - France - Qatar