Lorsque Céleste (Clémence Boisnard) et Sihem (Zita Hanrot) débarquent au centre de désintoxication, aucune de deux n’est convaincue que la démarche lui permettra de s’extirper de sa dépendance à la drogue. Unies par le même esprit de rébellion face à l’institution, elles se rapprochent et tissent un lien indestructible.
Ensemble, les deux jeunes femmes remettent en cause les règles du lieu et finissent par se faire virer. Elles se retrouvent alors livrées à elles-mêmes, soumises aux tentations multiples du monde réel. Dans ce combat qui débute, celui de l’abstinence et de la vraie liberté, leur amitié fusionnelle va être autant une bouée de secours qu’un poids trop lourd à porter.
Derrière l’addiction
Scénariste pour les autres depuis des années, Marie Garel-Weiss a décidé de se lancer derrière la caméra en évoquant un sujet qui lui est très personnel. Pour écrire le scénario de ce premier long métrage, la cinéaste s’est replongée dans sa propre expérience au sein d’un centre désintoxication qui lui a « sauvé la vie » selon ses propres mots.
À travers les incontournables groupes de soutien qui libèrent la parole, La fête est finie dévoile peu à peu le parcours des deux jeunes femmes et d’autres résidents du centre avec un regard objectif mais toujours bienveillant sur leurs fêlures. Personnages complexes, Céleste et Sihem ne tombent pas dans la caricature de filles perdues, totalement à la dérive.
Si leur addiction nocive est bien réelle, elle n’est pas pour autant synonyme de cette pulsion morbide souvent associée à la drogue. Céleste, personnage à la joie et à la dérision communicatives, est une toxico qui n’a aucune envie de mourir, bien au contraire !
La jeune femme a envie de vivre, vivre plus fort, au-delà de ce que lui propose la société. Exutoire chimique devenu indispensable, la drogue est pour elle — comme pour les autres résidents — une manière d’échapper à un mal être plus profond et dans son cas une indifférence et incompréhension totale du monde qui l’entoure. Comme le résume Céleste de façon lapidaire, il s’agit de se battre mais pourquoi exactement ? Travailler 40h par semaine dans un taff de merde en étant sous payé ? Plutôt s’échapper par tous les moyens chimiques possibles.
Avec de multiples témoignages — parfois improvisés par les comédiens — qui lui donnent un aspect quasi documentaire pour la partie tournée en centre de désintoxication, La fête est finie met en lumière des sorties de route personnelles qui viennent casser certains clichés. Tous les toxicos ne viennent pas forcément de familles dysfonctionnelles et ne ressemblent pas à des zombies errant le regard vide dans l’attente de leur prochaine dose. Sihem est d’ailleurs complimenté par son amie Céleste sur le fait qu’elle ne soit pas plus « marquée » que ça par sa consommation.
Quelles que soient les raisons qui les ont rendues accros, Céleste et Sihem comprennent peu à peu au contact des autres résidents du centre qu’elles sont et resteront dépendantes toute leur vie. Un combat difficile et permanent les attend et pour l’affronter les deux amies décident de rester main dans la main.
Toxic friend
La fête est finie prend alors une nouvelle tournure : désormais seules, arriveront-elles à résister aux innombrables tentations de la vie réelle, loin de la protection étouffante mais réelle du centre ? Et surtout, leur amitié va-t-elle être un atout ou une malédiction dans ce combat contre l’addiction ?
C’est cette seconde interrogation qui offre au film son aspect le plus intéressant. A priori, le fait que Céleste et Sihem soient soudées et se soutiennent mutuellement semble positif. Et l’avertissement d’un responsable du centre sur cette amitié qui pourrait être contre-productive leur semblait être une prophétie aussi absurde que déplacée.
Pourtant, une fois de retour dans le monde réel, tout se complique. Sans sous-estimer la force que procure l’amitié entre les deux jeunes femmes, Marie Garel-Weiss joue habilement sur son ambivalence. Accros à la drogue, Céleste et Sihem ne deviendraient-elles pas également dépendantes de cette amitié, tellement fusionnelle qu’elle en devient problématique ? En évoquant cette possibilité, le film met en lumière la question de la volonté personnelle pour s’en sortir.
Cette amitié qui unit les deux jeunes femmes ne les sauve pas forcément : ensemble elles s’entraident mais ensemble elles peuvent aussi bien replonger. Et le risque de ne pas se remettre au même rythme plane également au-dessus de la tête des deux toxicos en quête de renaissance.
Sans cliché et avec une réelle empathie pour son sujet, La fête est finie traite avec subtilité des causes de la dépendance et des difficultés pour échapper à son spectre omniprésent. Porté par deux actrices en parfaite symbiose, ce premier film est une jolie réussite assez addictive.
> La fête est finie, réalisé par Marie Garel-Weiss, France, 2017 (1h30)