Fermes verticales : quand les cultures pousseront dans les villes

Fermes verticales : quand les cultures pousseront dans les villes

Fermes verticales : quand les cultures pousseront dans les villes

Fermes verticales : quand les cultures pousseront dans les villes

24 février 2013

Le 50e Salon de l'Agriculture vient d'ouvrir ses portes à Paris. Durant deux semaines, l'agriculture s'installe dans la ville. Deux mondes qu'à priori tout oppose mais pourtant, le concept d'agriculture urbaine pourrait être une solution à la pénurie alimentaire. Depuis plusieurs années, des architectes travaillent d'ailleurs à des concepts de fermes verticales.

La tour vivante, par l'agence d'architectes SOA

A première vue, le concept paraît utopique : des tours où se mêleraient logements et cultures, un véritable morceau de campagne dans ce que la ville a de plus emblématique. Aux États-Unis, cette idée a même un nom, farmscraper, qui émet l’idée d’une ferme dans un gratte-ciel. Ce concept a été étudié très sérieusement par plusieurs équipes d’architectes, mais surtout par Dickson Despommier, professeur en sciences environnementales et microbiologie à l’université Columbia de New York. Celui-ci a émis une théorie remarquée sur le sujet dès 1999.

Prenant en compte les prédictions des démographes qui envisagent 9,5 milliards d’humains sur terre en 2050, et le fait que les terres arables viendront inexorablement à manquer, il travaille donc sur l’idée d’étendre les cultures non plus à l’horizontale mais à la verticale. Une tour de 30 à 40 étages, construite pour accueillir cultures agricoles et élevages, coûterait selon lui 84 millions de dollars, mais permettrait de subvenir aux besoins de 50 000 personnes.

Son système se veut aussi une solution aux problèmes de pénurie d’eau et du coût de l’énergie. Dans des circuits fermés, elles seraient alors recyclées. "La seule chose qui quitte le bâtiment, ce sont les produits", explique le professeur. L’idée est aussi de consommer local. Pour lui, les fermes verticales sont particulièrement adaptées aux endroits en déficit d’agriculture, tels que les Emirats Arabes Unis. C’est d’ailleurs à Dubaï que les architectes italiens de Sudiomobile ont imaginé une tour en forme de tige, qui capterait l’eau de la mer pour rafraîchir et humidifier les serres, puis convertir l’humidité en eau fraîche utiisée ensuite pour irriguer les cultures.

Le projet à Dubaï des architectes de Studiomobile

Une "tour vivante"

En France, un projet mêle carrément agriculture, bureaux et logements. Les architectes de l’agence SOA ont imaginé en 2006, pour un concours organisé par Cimbéton, une "Tour vivante" de 30 étages qui serait implantée à Rennes. "Ce système permettrait de redensifier la ville tout en lui apportant une plus grande autonomie vis-à-vis des plaines agricoles, réduisant du même coup les transports entre territoires urbains et extra-urbains. La superposition encore inhabituelle de ces programmes permet enfin d’envisager de nouvelles relations fonctionnelles et énergétiques entre cultures agricoles, espaces tertiaires, logements et commerces induisant de très fortes économies d’énergies", indiquent les architectes en présentation du projet. La tour, fonctionnant indépendamment des saisons puisqu’avec un système de serres, permettrait selon eux une production "6 à 8 fois supérieure" à la même surface cultivée dans un champ. A son sommet, on trouverait des panneaux photovoltaïque et des éoliennes.

La tour vivante, par l'agence d'architectes SOA

Aucun de ces projets n’est aujourd’hui concrétisé. Outre le prix de ces tours, il faut aussi prendre en considération celui du foncier. Car si l’emprise au sol est moindre, le prixd’un terrain constructible, spécialement en ville, est également à prendre en compte pour calculer le coût de revient d’une pareille tour.

Les chercheurs et ingénieurs agronomes François Purseigle, Antoine Poupart et Pierre Compère pointent, dans un article du Laboratoire d’urbanisme agricole, un autre danger : "Concevoir la ferme verticale et sa production hors-sol comme une alternative à l’agriculture liée au sol nie d’une certaine façon l’importance majeure des services écosystémiques potentiellement rendus par l’agriculture et dont la société a un besoin de plus en plus impérieux à mesure que les aléas climatiques s’accroissent ou que l’érosion de la biodiversité s’amplifie", indiquent-ils. "Les controverses qu’a subies le monde agricole, telles que celles portant sur les organismes génétiquement modifiés, nous invitent à réfléchir très tôt à l’acceptabilité sociale de ces nouvelles agricultures. Ainsi, s’il est facile d’envisager dans ces structures des productions maraîchères, qu’en est-il de l’élevage où les exigences en faveur du respect du bien-être animal sont croissantes ? Sans oublier les risques sanitaires envisageables liés à la concentration des animaux et/ou de végétaux en ville".

Autour de ces fermes verticales, ce n’est pas qu’une tour à construire qu’il faut prendre en compte, c’est toute l’organisation de la société qu’il faut repenser. Une organisation où l’antagonisme urbain / rural n’aurait plus de sens.